Des morsures de tiques associées à des allergies graves à la viande par sensibilisation à l'alpha-gal.
Des chercheurs américains décrivent trois cas cliniques où des morsures de tiques ont précédé une allergie grave à la viande. Probablement en cause : la sensibilisation au glucide alpha-gal. 9 août 2012Richmond, Etats-Unis - Se faire mordre par une tique Amblyomma americanum, ou tique Lone Star et développer une réaction allergique sévère à la viande pourraient être liés selon une étude publiée dans l'édition en ligne du Journal of General Internal Medicine [1].
Le Dr Susan E Wolver et coll (Department of General Internal Medicine at Virginia Commonwealth University, Richmond, Etats-Unis) alertent leurs collègues sur ce nouveau syndrome qui consiste à développer des urticaires prurigineux et d'autres symptômes dans les 3 à 6 heures après le repas plutôt que dans l'heure qui suit comme c'est habituellement le cas. Ce syndrome est localisé, pour l'instant, au Sud-est des Etats-Unis où la tique Lone Star est endémique.
La morsure de tique est supposée entraîner la production d'immunoglobulines E contre le galactose-alpha-1,3-galactose (alpha gal), un glucide qui entre dans la composition des glycoprotéines et des glycolipides de la viande de mammifère.
Pour décrire le nouveau syndrome, les chercheurs se sont appuyés sur 3 cas cliniques. Dans deux des cas, les patients ont dû se rendre aux urgences après avoir mangé du bœuf et le troisième patient a développé la réaction alors qu'il travaillait dans un service d'urgences. Leur traitement a consisté en des associations de diphénhydramine, d'épinéphrine, de corticoïdes, d'albutérol et/ou de solutés par voie intraveineuse.
Le premier patient, un homme âgé de 82 ans, a mangé un filet de bœuf au dîner, à 18 heures, et a développé une urticaire prurigineuse et une envie pressante d'uriner vers 23 heures. Il s'est administré de la diphénhydramine mais s'est écroulé en perdant connaissance sur le chemin de la salle de bain. Sa femme, qui avait retiré une tique de son dos quelques jours auparavant a appelé les secours. « Les analyses d'allergie/immunologie ont révélé des IgE anti alpha gal > 100kU/L (laboratoire Viracor-BT, seuil de référence <0,35 kU/L), 45 kU/L d'IgE spécifiques dirigées contre le bœuf et 53 kU/L d'IgE spécifiques dirigées contre le porc (laboratoire ImmunoCAP, Phadia, seuil de référence <0,35 kU/L), » ont spécifié les auteurs.
Le second patient, un homme âgé de 54 ans, a mangé une pièce de bœuf au dîner et s'est réveillé vers 2 heures du matin avec une urticaire au niveau des cuisses qui a progressé pour se généraliser, un gonflement des lèvres et de la langue est également apparu, en dépit d'une auto-administration de diphénhydramine. Lorsqu'il s'est administré une seconde dose de diphénhydramine, le patient a commencé à ressentir des étourdissements et a senti sa gorge se fermer. Il s'est administré une injection d'épinéphrine (dont il disposait du fait d'antécédents d'anaphylaxie aux piqûres d'insectes) et a appelé les secours. Les résultats du prick test étaient négatifs pour le boeuf et le porc. En revanche « son IgE anti alpha-gal était de 3,94 IU/mL (Université de Virginie, seuil de référence<à,35 IU/mL), 1,5 kU/L d'IgE spécifiques contre le bœuf et 0,7 kU/L d'IgE spécifiques contre le porc, » ont noté les auteurs.
Le troisième patient, une femme de 29 ans qui s'est souvenue d'avoir été mordue par une tique des années auparavant et qui avait des antécédents de réactions allergiques, a développé une urticaire prurigineuse aux bras et a souffert de crampes d'estomac environ 5 heures après avoir mangé un cheeseburger. Ses collègues l'ont alerté que son visage et le haut de son torse étaient devenus rouges vif. Les résultats du laboratoire ont montré que le taux d'IgE anti alpha-gal était de 10,40 kU/L, et les IgE spécifiques contre le bœuf et le porc atteignaient respectivement 5,5 kU/L et 5,1 kU/L.
Les 3 patients se sont abstenus de consommer du bœuf, du porc et ou de l'agneau depuis leur épisode et n'ont plus développé de symptômes allergiques. En revanche, ils ont pu continuer à consommer du poulet, de la dinde et du poisson.
Le cetixumab et la viande rouge contiennent tout deux le glucide alpha-gal.
Auparavant, des recherches ont montré une association entre l'anaphylaxie et l'anticancéreux cetuximab, un anticorps monoclonal chimère souris-homme qui contient de l'alpha-gal. Les réactions allergiques sont survenues dans les minutes qui ont suivi l'administration du cetuximab. La distribution géographique des patients qui ont développé ces allergies sous cetuximab correspondait à celle de la tique Lone Star dans le Sud-Est des Etats-Unis.
« L'histoire de l'alpha-gal est clairement un changement de paradigme pour trois raisons distinctes. La première est que l'anaphylaxie est survenue à la première exposition au cetuximab. La deuxième est que dans le cas de l'ingestion de viande, l'anaphylaxie est retardée de plusieurs heures. Et la troisième est que cette anaphylaxie induite par la viande , est la première anaphylaxie alimentaire qui est due à un glucide et non pas à une protéine », concluent les auteurs.
« Eviter la viande de mammifère (notamment bœuf, porc, agneau et de cerf) est la recommandation actuelle pour les patients sensibilisés à l'alpha-gal. »
Cet article a été originalement publié sur Medscape.com le 27 juillet 2012; adapté par Aude Lecrubier.
Les auteurs n'ont pas déclaré de liens d'intérêt en rapport avec le sujet. |
Citer cet article: Des morsures de tiques associées à des cas d'allergie sévère à la viande - Medscape - 9 août 2012.
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