Pourquoi il n'est pas recommandé de vacciner contre la varicelle et le rotavirus. D. Floret
Le Pr Daniel Floret (Président du CTV du Haut Conseil de la Santé Publique, pédiatre à Lyon) explique pourquoi il n'est pas recommandé de vacciner les nourrissons contre la varicelle et contre le rotavirus, en dépit de l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ces deux types de vaccins. 27 juillet 2012Nice, France - Lors d'une séance plénière du 6ème congrès de la Médecine Générale France 2012 sur la vaccination, le Pr Daniel Floret (Président du comité technique des vaccinations du Haut Conseil de la Santé Publique, pédiatre à Lyon) a expliqué pourquoi le Comité Technique des Vaccinations avait recommandé de ne pas vacciner les nourrissons contre la varicelle et contre le rotavirus, en dépit de l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ces deux types de vaccins [1]. Il a souligné l'importance des travaux de modélisation et des analyses médico-économiques comme outils d'aide à la décision.
Pourquoi le Comité Technique des Vaccinations (CTV) a-t-il jugé inopportun de recommander de vacciner les nourrissons contre la varicelle?
Nous nous sommes appuyés, entre autre, sur des travaux de modélisation. Ils nous ont permis de faire le choix de ne pas recommander la vaccination des nourrissons de 1 à 2 ans contre la varicelle. Ces travaux montrent que si nous vaccinons des nourrissons, le nombre de cas baisse très rapidement chez ces enfants en bas âge, quelle que soit la couverture vaccinale. Et, cette baisse est d'autant plus importante que la couverture vaccinale est large.
En revanche, pour les tranches d'âges supérieurs, et notamment à partir de 25 ans, le nombre de cas augmente sauf si nous obtenons une ouverture vaccinale de 90% chez les nourrissons.
Comme nous avons pensé que nous n'obtiendrions pas une couverture vaccinale de 90% chez les nourrissons, nous n'avons pas recommandé cette vaccination. Il fallait éviter de déplacer l'âge de la maladie et de voir augmenter le nombre de cas de varicelle chez l'adulte où l'on sait que la maladie est plus grave.
Et en ce qui concerne le rotavirus ?
Dans un avis publié en mai 2010, le CTV préconise de ne pas recommander la vaccination systématique des nourrissons de moins de 6 mois [2].
Le principal argument est que cette vaccination induit un petit sur-risque d'invaginations intestinales aiguës (IIA) dans les 7 jours qui suivent la première dose de vaccin. Par ailleurs, le fait que les deux vaccins aient été contaminés par des circovirus porcins, même si cela n'a pas d'impact sur la santé, a contribué à la prise de décision. En outre, les résultats des diverses analyses de coût-efficacité réalisées n'ont pas plaidé en faveur des vaccins anti-rotavirus.
Selon une analyse cout-efficacité effectuée en 2006, le coût de la vaccination des nourrissons contre les rotavirus en France serait d'environ 300 000 € par année de vie sauvée et d'environ 140 000 € par QALY (année de vie ajustée sur la qualité) gagnée, au prix de 150 euros pour l'ensemble des doses. Cette vaccination apparait peu coût-efficace à moins de diminuer de façon importante le prix des vaccins.
Depuis, l'évaluation médico-économique de la vaccination généralisée des nourrissons a été actualisée. Les résultats obtenus malgré la prise en compte des infections nosocomiales à rotavirus et l'extension de l'analyse chez les enfants jusqu'à l'âge de 5 ans, montrent qu'une immunisation par le vaccin pentavalent qui nécessite trois doses est toujours peu coût-efficace et qu'une immunisation par le vaccin monovalent qui nécessite deux doses est à la limite du seuil proposé par l'OMS (ratio coût-efficacité inférieur à trois fois le PIB/habitant du pays*). Si l'on prend en compte les QALY mesurant l'impact de la maladie sur la qualité de vie de l'enfant, les ratios coût-efficacité seraient de 83 000 euros par année de vie gagnée avec le vaccin monovalent et de plus de 120 000 euros par année de vie gagnée avec le pentavalent.
Une fois que le CTV a rendu un avis que se passe-t-il ?
Le projet d'avis est revu et amendé pour être le plus consensuel possible et s'ensuit un vote à la majorité absolue. Les avis du CTV sont présentés à la validation de la Commission spécialisée des maladies transmissibles du Haut Conseil de la Sécurité. Puis, ils sont adressés au Ministre de la Santé et publiés.
Restent deux étapes : la Haute Autorité de Santé rend un avis sur le service médical rendu qui va conditionner le remboursement. Et, le prix est fixé par négociation entre le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) qui est une structure interministérielle et les firmes.
Le ministre de la santé suit habituellement les avis et intègre les recommandations au calendrier vaccinal. Le vaccin est inscrit sur la liste des produits remboursables qui précise le niveau de remboursement, habituellement 65% et le prix.
En post-marketing, les vaccins font l'objet d'un suivi épidémiologique de couverture vaccinale et de pharmacovigilance. Il peut y avoir à tout moment des nouvelles saisines lorsque des publications remettent en question la sécurité des vaccins, par exemple.
Le Pr. Daniel Floret a déclaré des interventions ponctuelles avec les sociétés : Biomérieux/ Fondation Mérieux, Wyeth SA, Aguettant, Association FMC/Wyeth, Association FMC/ GSK, Sanofi Pasteur MSD. |
Citer cet article: Pas de vaccination contre la varicelle et le rotavirus chez le nourrisson : explications du Pr Floret - Medscape - 27 juil 2012.
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