La FDA autorise Truvada comme 1er traitement préventif contre le VIH

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

17 juillet 2012

La FDA autorise l'antirétroviral Truvada en prévention de l'infection par le VIH

Le Truvada® devient le premier médicament préventif contre le VIH. La FDA vient d'accorder à l'antirétroviral une extension d'indication en prophylaxie pré-exposition (PrEP).
17 juillet 2012

A quelques jours de la grande Conférence internationale sur le VIH-SIDA organisée à Washington du 22 au 27 juillet, le Truvada® [emtricitabine et ténofovir disoproxil (sous forme de fumarate), Gilead Sciences] devient le premier médicament utilisé pour prévenir l'infection par le VIH, selon une stratégie dite de prophylaxie pré-exposition (PrEP).

Après avoir donné un avis positif en mai, la Food & Drug Administration (FDA) a délivré une extension d'indication à l'antirétroviral pour protéger les personnes séronégatives à haut risque d'infection par le VIH [1].

Administré en une prise par jour quotidienne, le traitement est réservé aux individus à haut risque d'infection en association avec des pratiques sexuelles sûres comme l'usage de préservatifs et d'autres mesures de prévention (dépistage régulier et traitement d'autres maladies vénériennes).

« L'autorisation d'aujourd'hui est une étape importante de notre combat contre le VIH. Chaque jour, aux Etats-Unis, près de 50 000 adultes et adolescents sont diagnostiqués avec le VIH en dépit des méthodes de prévention et des stratégies pour éduquer, tester et prendre soins des personnes atteintes de la maladie. Des nouveaux traitements et méthodes de prévention sont indispensables pour lutter contre l'épidémie de SIDA dans notre pays », a souligné Margaret A. Hamburg (FDA).

Le Truvada®, en association avec d'autres antirétroviraux, est le traitement le plus utilisé aux Etats-Unis chez les adultes et les enfants d'au moins 12 ans VIH+. Il est également disponible en France.

Les RCP du Truvada® ont été complétées pour informer les professionnels de santé que le médicament ne doit être administré qu'aux sujets dont la séronégativité est confirmée avant la prescription et vérifiée au moins tous les trois mois au cours de l'utilisation. La PrEP est contre-indiquée chez les individus séropositifs ou chez ceux dont le statut VIH n'est pas connu. Truvada® ne doit être administré qu'en association avec d'autres antiviraux chez les personnes infectées par le VIH.

Un programme de formation a été mis en place pour informer les professionnels de santé et les personnes non infectées de la bonne utilisation du produit dans la nouvelle indication.

Deux essais pivots


L'efficacité et l'innocuité de la PrEP ont été démontrées dans deux grands essais randomisés contrôlés réalisés en double aveugle.

L'essai iPrEx a évalué le Truvada® chez 2499 séronégatifs : des hommes ou des transgenres MtF (transition du genre masculin vers le genre féminin) ayant des rapports sexuels avec des hommes et étant à haut risque de contracter l'infection (usage irrégulier ou absence d'utilisation des préservatifs avec un partenaire séropositif ou dont le statut VIH n'est pas connu, grand nombre de partenaires, échange de services sexuels contre de l'argent).

Les résultats ont montré que le Truvada® a réduit le risque d'infection de 42% dans cette population par rapport au placebo. Les études pharmacologiques dosant la présence ou l'absence du Truvada® dans le sang chez ceux qui étaient censés le prendre, ont montré que l'efficacité était fortement corrélée à l'observance.

L'autre essai : Partners PrEP a été mené auprès de 4758 couples hétérosexuels dont un des partenaires était infecté par le VIH (couples hétérosexuels discordants) au Kenya et en Ouganda. L'essai a évalué l'efficacité et la sécurité du Truvada® et du tenofovir contre placebo. Les résultats ont montré que le Truvada® réduisait le risque de transmission de l'infection de 75% comparé au placebo.

Au cours de ces deux essais, aucun effet secondaire supplémentaire n'a été documenté. Les effets secondaires les plus fréquents étaient la diarrhée, les nausées, les douleurs abdominales, les maux de tête et la perte de poids. Les effets secondaires graves, en général, et la toxicité rénale ou osseuse étaient peu fréquents.

Un communiqué de presse de Gilead précise que des cas d'acidose lactique et d'hépatomégalie sévères avec une stéatose, conduisant parfois à une issue fatale, ont été rapportés avec l'utilisation du ténofovir disoproxil en association avec d'autres antiviraux [2].

Des études post marketing importantes


En post-marketing, Gilead Sciences devra rechercher la présence d'éventuelles résistances au traitement à partir des isolats viraux recueillis chez les individus qui auront contracté le virus pendant le traitement prophylactique.

En parallèle, le fabriquant devra recueillir les données des femmes débutant une grossesse alors qu'elles reçoivent le Truvada® en PrEP.

Enfin, le laboratoire devra mener un essai pour évaluer l'observance au traitement et son association avec les effets secondaires, le risque de séroconversion et le développement de résistances chez les patients qui ont contracté le virus pendant la PrEP.

Gilead s'est également engagé à fournir des informations sur utilisation du Truvada® en PrEP au niveau national afin de mieux caractériser les individus qui y ont recours et pour développer un questionnaire d'aide aux prescripteurs pour identifier les individus à risque de mauvaise observance.

Pas de décision en France et en Europe pour l'instant


En France, le 11 mai 2012, la Direction générale de la santé (DGS) a précisé « le caractère potentiellement prometteur de la PrEP en termes de prévention, en complémentarité des moyens de prévention existants, et l'intérêt que recherches et évaluations se poursuivent dans ce domaine. » mais, l'institution a ajouté que la PrEP « ne constitue pas aujourd'hui un outil de prévention recommandé. Elle a rappelé que « la prescription des antirétroviaux doit s'inscrire dans le cadre strict de leur AMM et qu'aucun antirétroviral ne dispose d'AMM en France dans une indication de PreP, ni dans d'autres pays pour le moment. »

À ce jour, aucun dossier de demande d'AMM pour un médicament à utiliser en prophylaxie pré-exposition (PrEP) de l'infection à VIH n'a été soumis à l'Agence européenne (EMA) mais en mars 2012 l'agence a reconnu que « la PrEP était un outil de prévention intéressant au sein d'une stratégie de réduction du risque individuel de transmission du VIH et pour combattre l'épidémie de VIH. » L'agence est prête « à évaluer les demandes d'autorisation de mise sur le marché pour la PrEP. »

Dans un article récemment publié sur Medscape France, le Dr Alain Lafeuillade, chef du service de maladies infectieuses à l'hôpital de Toulon et organisateur du congrès ISHEID (International Symposium HIV & Infectious Diseases), a émis de sérieuses réserves sur la PrEP : « La décision d'experts nord-américains de recommander l'approbation par la FDA du Truvada® en pré-exposition est un acte irresponsable qui s'oppose à l'intérêt général de santé publique. »

Il ajoute : « Il ne faut pas non plus oublier qu'actuellement, on ne sait rien du risque d'émergence de résistance ni des effets indésirables après les deux premières années d'utilisation de la PrEP » et souligne : « on peut imaginer que si la PrEP est utilisée pour se libérer du préservatif, le taux de séro-conversion des autres IST sera encore plus élevé. »

Les résultats de l'étude française IPERGAY (Intervention Préventive de l'Exposition aux Risques avec et pour les Gays) sur une utilisation intermittente en fonction de l'activité sexuelle sont attendus pas avant deux ans mais devraient aider à y voir plus clair.

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