Selon l'INSERM, l'hypothermie et la revascularisation améliorent la survie de l'AC
Une étude rétrospective de l'INSERM, menée en collaboration avec une équipe de Seattle, montre que la combinaison hypothermie-angioplastie améliore la survie de l'arrêt cardiaque ressuscité. Commenté par le Dr F Dumas. 13 juillet 2012Paris, France — « La survie après récupération initiale d'un arrêt cardiaque peut être nettement améliorée par l'utilisation de l'hypothermie thérapeutique associée à une angioplastie immédiate », explique le Dr Florence Dumas (INSERM,Cochin, Paris) à l'occasion de la présentation des résultats d'une cohorte observationnelle au congrès Urgences 2012[1]. Ce travail a fait aussi l'objet d'une publication dans le Journal of The American College of Cardiology[2].
Une cohorte de 1000 patients sortis vivants de l'hôpital après arrêt
« Comment améliorer le pronostic de la prise en charge du post arrêt cardio-vasculaire (ACR) ? Peu de données existent et celles qui sont disponibles concernent des populations particulières de patients (étiologie cardiaque, fibrillation ventriculaire, infarctus du myocarde). Alors que proposer en pratique courant qui soit à la fois éthique, économiquement rentable et qui permette une amélioration de la santé publique ? », s'interroge le Dr Dumas.
En collaboration avec des urgentistes et des paramédicaux (paramedics) de Seattle - qui ont la particularité de se déplacer en deux roues vers les lieux de l'intervention pour plus de rapidité - l'INSERM a mis en place une étude observationnelle sur une cohorte de patients de plus de 18 ans sortis de l'hôpital à la suite de la prise en charge d'un arrêt cardio-respiratoire non traumatique. L'impact de différentes stratégies thérapeutiques a été évalué : hypothermie thérapeutique lorsque les patients étaient en coma et coronarographie dans les 6 heures qui suivent la prise en charge de l'ACR.
1001 sorties d'hôpital pour 6 742 arrêts cardiaques
Au total, 6742 arrêts cardiaques ont été pris en charge entre 2001 et 2009. 5958 ont été inclus dans l'étude, 2 397 ont été admis à l'hôpital et 1001 ont pu sortir de l'hôpital (16,8 %). Il s'agissait pour deux tiers des cas d'homme, d'un âge moyen de 61 ans. La cause de l'arrêt était cardiologique pour 80 % des patients, et à l'arrivée des secours, 7 sujets sur 10 présentaient à l'ECG un rythme choquable initialement.
Après prise en charge initiale par les paramédicaux, les 2397 patients survivants (sur un total de 5958) ont été transportés dans l'un des 13 hôpitaux du secteur qui participaient à l'étude. La condition de participation était de disposer d'une salle de coronarographie dédiée aux urgences.
Les 1001 patients survivants ont été hospitalisés en moyenne 8 jours, et à la sortie de l'hôpital, 85 % d'entre eux avaient des fonctions neurologiques bonnes ou acceptables.
Sur ces patients, 384 ont été coronarographiés. Dans les trois-quarts des cas (70,9 %), il existait des troubles de la repolarisation sur l'ECG à l'entrée aux urgences.
Parmi les patients éligibles pour l'hypothermie (ceux qui n'étaient pas conscients), 245 sur 941 ont bénéficié de cette approche pendant 21 h en moyenne après obtention d'une température de 32,8 ° (ce qui a pris environ 6 h).
Au total, seuls 86 patients ont bénéficié de la double prise en charge.
Un bénéfice constant de l'angioplastie avec ou sans élévation du ST
A 5 ans, seuls 54 % des patients admis aux urgences après réanimation cardio-respiratoire étaient encore vivants s'ils n'avaient reçu ni hypothermie et ni angioplastie immédiate. Ce chiffre s'élevait à 75 % en cas d'hypothermie exclusive, à 77 % en cas d'angioplastie exclusive. Enfin, il était de 82 % lorsque l'angioplastie était combinée à une hypothermie.
« A un an, lorsque la double prise en charge était appliquée, le taux de survie s'établissait à 100 %, contre 90 % pour l'angioplastie seule, 80 % pour l'hypothermie seule et 72 % pour l'absence de traitement », analyse le Dr Dumas.
Le bénéfice de l'angioplastie a été constant, que les patients aient présenté ou non une élévation du segment ST à l'ECG initial. « Lorsqu'il existait une souffrance myocardique, on peut imaginer que l'angioplastie a permis une réduction de l'ischémie récurrente et une préservation de la fonction myocardique, mais dans les autres cas, le lien est plus complexe à analyser. En outre, on ne sait pas quelle population de patients dans ce groupe est la plus à même de bénéficier des techniques de cardiologie interventionnelle », poursuit le Dr Dumas.
Quant à l'hypothermie, son mode d'action n'est encore que partiellement élucidé. Elle pourrait limiter les risques de lésions cellulaires liés à la reperfusion post-ischémie et prévenir certaines dysfonctions d'organe, et du cerveau en particulier.
Intérêt de la double prise en charge
« Ces chiffres sont bien plus importants que la moyenne nationale en France et on est en droit de s'interroger sur les différences de prises en charge qui ont permis cette survie de plus de 15 % à 28 jours », analyse le Dr Dumas.
L'analyse de la population montre néanmoins que les sujets inclus étaient relativement jeunes, les pathologies cardiaques étaient surreprésentées, les arrêts cardiaques avaient eu lieu dans des endroits publics où les patients avaient immédiatement bénéficié de massage cardiaque par des témoins. Et à l'arrivée des équipes de secours, les anomalies choquables du rythme cardiaque étaient particulièrement fréquentes (70 %). Ce n'est peut-être pas le cas des arrêts cardio-respiratoires pris en charge dans notre pays par le SAMU.
« Cette étude observationnelle ne comporte que des patients sortis vivants de l'hôpital, ce qui pourrait constituer un biais. Néanmoins, elle confirme l'intérêt de la revascularisation, le bénéfice de l'angioplastie immédiate pour des patients ne présentant pas de sus décalage ST. Il s'agit aussi de la première grande étude de cohorte à montrer l'intérêt de l'hypothermie, qui pourrait être lié à un bénéfice neurologique retardé. Enfin, le potentiel synergique des deux stratégies semble évident au regard des chiffres obtenus », conclut le Dr Dumas.
Citer cet article: Arrêt cardiaque ressuscité : refroidir et revasculariser améliore le pronostic - Medscape - 13 juil 2012.
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