Le scanner est associé à un risque de cancer chez l'enfant dès 50 millisieverts
Alors que la pratique du scanner est en constante augmentation, chercheurs et médecins s'interrogent sur son potentiel cancérigène chez l'enfant. L'oncologue Jean-Pierre Gérard fait le point. 12 juillet 2012Nice, France -Lors d'une table ronde du 6ème congrès de Médecine Générale, le Dr. Jean-Pierre Gérard (oncologue, radiothérapeute et expert du Comité d'Information des Professions de Santé (CIPS) d'EDF, Nice) est revenu sur quelques données récentes concernant les risques du radiodiagnostic et en particulier de la pratique du scanner chez l'enfant [1].
Il y a un an, l'Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) a rappelé que de 2002 à 2007, les doses de radiations reçues par les patients lors des examens de radiodiagnostic ont augmenté de près de 50%. Une sur-exposition essentiellement due à l'augmentation du parc de scanners et à l'élargissement des indications.
« La dose moyenne d'un scanner (TDM) est de 10 millisieverts (mSv) mais, associé à un PetScan (TEP), les doses peuvent passer à 15-20 mSv », a indiqué le Dr Gérard, ce qui correspond au maximum autorisé par an pour un travailleur du secteur nucléaire.
Une problématique d'autant plus importante chez l'enfant, plus radiosensible que l'adulte.
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Une étude confirme le sur-risque pédiatrique
Une nouvelle étude publiée dans le Lancet confirme que passer plusieurs scanners de la tête dans l'enfance expose à un risque accru de cancer du cerveau et de leucémie [2].
L'étude de cohorte rétrospective a été menée auprès de près de 180 000 jeunes de moins de 22 ans résidant en Grande Bretagne, qui n'avaient pas d'antécédents de cancer et qui avaient eu un premier scanner entre 1985 et 2002.
Les chercheurs ont évalué l'incidence des leucémies et des tumeurs du cerveau en excès en ne prenant en compte que les diagnostics de leucémie intervenus 2 ans après le premier scanner, et de tumeurs cérébrales 5 ans après le premier scanner.
Résultats : par rapport aux patients ayant reçu une dose de moins de 5 milliGray (1 mGy= 1 mSv), le risque relatif de leucémie chez les patients ayant reçu une dose cumulée d'au moins 30 mGy (dose moyenne 51,13 mGy) est de 3,18 (IC 95% : 1,46 à 6,94) et le risque relatif de cancer du cerveau pour les patients ayant reçu une dose cumulée de 50 à 74 mGy (dose moyenne 60,42 mGy) s'élève à 2,82 (IC 95% : 1,33 à 6 ,03).
Les auteurs précisent toutefois que « parce que ces cancers sont rares, les risques absolus cumulés restent faibles : dans les 10 ans qui suivent le premier scanner chez des enfants de moins de 10 ans, un cas de leucémie et un cas de tumeur du cerveau supplémentaires devraient survenir pour 10 000 scanners de la tête. »
Ils concluent : « Bien que les bénéfices cliniques [du scanner] dépassent ces risques absolus faibles, les doses de rayonnements ionisants des scanners doivent être maintenues les plus faibles possibles et des examens alternatifs, qui n'utilisent pas de radiations ionisantes, doivent être envisagés autant que possible. »
Pour sa part, Jean-Pierre Gérard indique que ces données permettent d'établir un seuil de dangerosité à 50 mSv chez l'enfant : « Chez l'adulte la dose frontière en dessous de laquelle il n'y a pas de risque est de 100 mSv et chez l'enfant ce seuil semble être à 50 mSv, comme le montre cette étude et ce que nous avons appris d'Hiroshima.»
Plus rassurante, une étude française publiée dans les Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine cette année qui a repris 12 études cas-témoins et 6 études de cohorte sur l'exposition à l'imagerie diagnostique dans l'enfance montre qu'il n'y aurait pas d'association entre l'exposition aux rayonnements du radiodiagnostic et le risque de cancer [3].
« Il faut cependant tenir compte des limites inhérentes à ce type d'études. Il existe un projet européen en cours qui devrait nous apporter plus de données », a commenté l'orateur.
Que faire au cabinet du médecin généraliste?
L'intervenant conseille au médecin prescripteur de bien suivre les décrets relatifs à la radioprotection des patients : « Nous devons, évaluer le rapport bénéfice-risque, et utiliser des alternatives comme l'IRM ou l'échographie lorsque cela est possible. »
« Art. R. 43-51. - Pour l'application du principe mentionné au 1° de l'article L. 1333-1, toute exposition d'une personne à des rayonnements ionisants, dans un but diagnostique, thérapeutique, de médecine du travail ou de dépistage, doit faire l'objet d'une analyse préalable permettant de s'assurer que cette exposition présente un avantage médical direct suffisant au regard du risque qu'elle peut présenter et qu'aucune autre technique d'efficacité comparable comportant de moindres risques ou dépourvue d'un tel risque n'est disponible. »
« Nous devons aussi justifier à nos patients et à leurs parents pourquoi nous voulons faire un scanner, les informer et garder des traces écrites de la prescription de l'examen et de la dose », a précisé le Dr Gérard.
Une discussion avec le radiologue doit ensuite être engagée pour optimiser la dose d'irradiations.
Pour cela, « le demandeur fournit au réalisateur les informations nécessaires à la justification de l'exposition demandée dont il dispose. Il précise notamment le motif, la finalité, les circonstances particulières de l'exposition envisagée, notamment l'éventuel état de grossesse, les examens ou actes antérieurement réalisés et toute information nécessaire au respect du principe mentionné 2° de l'article L. 1333-1. »
Il est recommandé d'administrer la dose de rayonnement au niveau le plus faible raisonnablement possible.
« Là encore, de grands progrès ont été réalisés : les scanners de dernière génération sont beaucoup plus performants et deux fois moins ionisants que leurs aînés », a conclu Jean Pierre Gérard.
Les Dr Jean-Pierre Gérard n'a pas déclaré de liens d'intérêts. |
Citer cet article: Quel est le risque cancérigène du scanner chez l'enfant ? - Medscape - 12 juil 2012.
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