Le contrôle glycémique strict protège peu le rein des diabétiques de type 2

Jennifer Garcia et Aude Lecrubier

7 juin 2012

New Haven, Etats-Unis - Bien que le contrôle strict de la glycémie diminue de façon significative l'albuminurie, son action sur l'insuffisance rénale terminale, le taux de créatinine ou la mortalité rénale reste à prouver, selon une méta-analyse publiée dans l'édition du 28 mai des Archives of Internal Medicine [1].

Une équipe de chercheurs américains a analysé les données de 7 essais ayant impliqué 28 065 participants adultes et représentant 163 828 années-patients de suivi.

Peu d'impact sur les événements rénaux à long terme

L'analyse montre que comparé au contrôle glycémique classique, le contrôle glycémique intensif réduit le risque de micro-albuminurie (RR=0,86 ; IC 95% : 0,76-0,96) et de macro-albuminurie (RR= 0,74 ; IC 95% : 0,65-0,85), mais a peu d'impact sur le doublement du taux de la créatinine sérique (RR=1,06 ; IC 95% : 0,92-1,22), l'insuffisance rénale terminale (RR=0,69 ; IC 95% : 0,46-1,05) ou la mortalité rénale (RR= 0,99 ; IC 95% : 0,55-1,79).

Les chercheurs notent, en outre, que le taux d'événements rénaux est faible dans les différentes études (<4% pour le doublement du taux de la créatinine, <1,5% pour la maladie rénale en phase terminale et <0,5% pour la mortalité rénale) comparé aux marqueurs intermédiaires : la micro-albuminurie (23%) et la macro-albuminurie (5%).

« Les essais contrôlés randomisés montrent que le contrôle strict de la glycémie réduit l'albuminurie. Il est moins évident, cependant, que le contrôle intensif de la glycémie prévienne les événements cliniques rénaux en plus de l'albuminurie chez les diabétiques de type 2 », indiquent les auteurs, le Dr Steven G. Coca et coll. (Service de médecine interne, Ecole de médecine de l'université de Yale, New Haven, Etats-Unis).

 
Les essais contrôlés randomisés montrent que le contrôle strict de la glycémie réduit l'albuminurie. Il est moins évident, cependant, que le contrôle intensif de la glycémie prévienne les événements cliniques rénaux — Dr Steven G. Coca et coll. (New Haven, Etats-Unis).
 

La revue de la littérature a inclus des essais publiés entre le 1er janvier 1950 et le 31 décembre 2010, qui ont comparé le contrôle glycémique classique au contrôle strict de la glycémie chez les diabétiques de type 2, et qui ont rapporté les effets sur les événements rénaux. L'objectif du contrôle intensif de la glycémie était d'atteindre des niveaux d'hémoglobine glyquée (HbA1c) proches de la normale (généralement 7%). Les essais sélectionnés devaient être randomisés, la progression ou le développement de la maladie rénale documentés, mesurés ou pouvant être estimés, et les participants devaient avoir une maladie stabilisée et ne pas être hospitalisés.

Les paramètres intermédiaires évalués étaient le développement de la micro ou de la macro-albuminurie et les critères cliniques étaient le doublement du taux de créatinine, l'insuffisance rénale terminale et la mortalité rénale.

Selon les auteurs, plusieurs théories peuvent expliquer l'absence de bénéfice du contrôle glycémique intensif sur les événements rénaux : un contrôle strict de la glycémie instauré trop tard, une durée du traitement insuffisante et la possibilité que, lorsque l'HbA1c atteint un certain taux (<7%, par exemple), une réduction plus forte n'entraîne pas de bénéfice supplémentaire.

« En tenant compte de la faible incidence des événements rénaux et de l'absence de bénéfice apparent du contrôle glycémique intensif pour prévenir la maladie rénale chronique et l'insuffisance rénale terminale chez les patients nouvellement diagnostiqués ou avec un diabète de type 2 existant, il semble qu'il y ait peu de raison d'initier un contrôle glycémique intensif pendant la phase intermédiaire de la maladie dans le but de prévenir l'insuffisance rénale », concluent les auteurs.

Le contrôle intensif de la glycémie reste controversé

Dans l'un des commentaires accompagnant l'article, le Dr David M. Nathan (Service de diabétologie, Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis) indique que la plupart des essais cliniques qui ont évalué les bénéfices du contrôle glycémique intensif montrent qu'il freine la rétinopathie, la néphropathie et la neuropathie.

A l'exception d'un seul essai qui a suivi les patients sur 15 ans, l'essai United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS), le Dr Nathan note que les études incluses dans la méta-analyse de Coca et coll. sont « de trop courte durée pour évaluer les effets de la thérapie intensive sur la néphropathie à la phase terminale ».

Il conclut : « bien que la mise en place de la thérapie intensive soit difficile et impose une charge et des dépenses, toutes les données primaires suggèrent son bénéfice à long terme ».

 
Bien que la mise en place de la thérapie intensive soit difficile et impose une charge et des dépenses, toutes les données primaires suggèrent sont bénéfice à long terme — Dr David M. Nathan (Boston, Etats-Unis)
 

Dans un autre commentaire, les Drs Karen L. Margolis et Patrick J. O'Connor (HealthPartners Research Foundation, Minneapolis, Etats-Unis) rappellent que dans les recommandations actuelles de l'American Diabetes Association (ADA), le taux HbA1c doit être inférieur à 7% mais avec un niveau de preuves de grade C, ce qui correspond à un faible niveau de preuves.

Les éditorialistes citent plusieurs essais récents qui montrent que le contrôle glycémique intensif n'apporte que peu de bénéfices sur les complications micro-vasculaires avancées. Ils ajoutent qu'étant donné la faible incidence de l'insuffisance rénale terminale par rapport aux maladies cardiovasculaires, « les cliniciens devraient se demander si chercher à réduire le risque de complications rénales au prix d'une augmentation des maladies cardiovasculaires est dans l'intérêt des patients ».

 
Les cliniciens devraient se demander si chercher à réduire le risque de complications rénales au prix d'une augmentation des maladies cardiovasculaires est dans le meilleur intérêt des patients — Drs Karen L. Margolis et Patrick J. O'Connor (Minneapolis, Etats-Unis)
 

« Nous en concluons que pour de nombreux diabétiques de type 2, les bénéfices potentiels d'une plurithérapie hypoglycémiante intensive (notamment hypoglycémies, et augmentation possible du risque de mortalité), seulement marginalement fondée sur des preuves, doivent être mis en balance avec les autres bénéfices, plus importants, qui peuvent être apportés dans d'autres domaines, comme la baisse de la pression artérielle, le contrôle lipidique et l'arrêt du tabac », soulignent les Drs. Margolis et O'Connor.

Cette étude a été financée par le National Heart, Lung, and Blood Institute et Medtronic. L'un des co-auteurs est membre du conseil scientifique de United Healthcare. Les autres auteurs et éditorialistes n'ont pas déclaré de liens d'intérêt en rapport avec ce sujet.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....