Les armes à impulsion électrique peuvent provoquer des arrêts cardiaques
Se basant sur des ECG post critiques et des données des services de police et d'urgence, une étude publiée dans Circulation, accuse le Taser® d'avoir provoqué plusieurs tachycardies et/ou fibrillations ventriculaires mortelles. 1 juin 2012Indianapolis, EU — « L'utilisation des armes à impulsion électriques (AIE) est directement responsable du décès de sept personnes par survenue de tachycardie ventriculaire (TV) puis d'une fibrillation ventriculaire (FV) non récupérée » affirme le Dr Douglas P. Zipes (Indianapolis, Etats-Unis), investigateur d'une sorte d'enquête médico-légale dont les résultats sont publiés dans Circulation [1].
Si ces éléments étaient vérifiés, ce travail s'opposerait directement aux déclarations de la firme Taser International, selon lesquelles les AIE ne présentent aucun danger mortel en conditions « normales d'utilisation», et apporterait de sérieux arguments à l'association Amnesty International, qui prétend, au contraire, que rien qu'aux États-Unis entre 2001 et 2008, 334 décès de personnes sont imputables à cette arme nouvelle.
Remarquons que malgré de nombreuses études réalisées chez l'animal ou chez des volontaires sains, le mécanisme d'un éventuel danger mortel des AIE par trouble rythmique induit, souvent évoqué, n'a jamais été démontré à ce jour.
Un travail de police scientifique
En qualité d'expert « à charge », le Dr Zipes a analysé de la façon la plus exhaustive possible huit cas dans lesquels l'utilisation de TASER® X26 ECD a provoqué une perte de conscience chez la victime (suivie de décès pour sept d'entre elles).
Il a relevé les circonstances de survenue et colligé toutes les informations et documents d'ordre médical entourant cet évènement : interrogation de la mémoire des armes elles-mêmes et des défibrillateurs, étude des dossiers des services de police, des équipes médicales et d'urgences, dépositions de témoins.
Tous les individus concernés étaient de sexe masculin, jusque-là considérés en bonne santé. Chacun a reçu les deux fléchettes de l'arme sur la paroi antérieure du thorax, à proximité du cœur, et tous ont perdu connaissance dès le choc ou quelques instants après.
« Pour six personnes sur huit, le premier ECG enregistré révèle une TV ou une FV. Nous ne disposons d'aucun tracé pour le huitième sujet, mais le défibrillateur automatique utilisé chez lui a diagnostiqué un rythme choquable », déclare le Dr Zipes.
Pas de mécanisme évident
Aucune étude épidémiologique n'a jamais montré de lien entre AIE et mort subite.
Les multiples expérimentations réalisées à ce jour chez le volontaire sain, n'ont pas permis de montrer une TV ou FV induite. Mais pour des raisons éthiques, elles ne reproduisent bien évidement absolument pas les conditions d'utilisation des AIE dans la vraie vie chez des sujets stressés, effrayés, agressifs et souvent sous l'emprise de l'alcool ou de drogues.
« Les décès survenus en garde à vue après utilisation de Taser® ne sont bien entendu pas tous imputables à cette arme. Les cas d'asphyxie après immobilisation physique trop brutale, les cardiopathies décompensées par le stress, les troubles rythmiques adrénergiques favorisés par la drogue ou l'alcool sont sans aucun doute responsables de beaucoup plus de morts », reconnait le Dr Zipes.
Ce premier travail analysant des conditions réelles, semble pourtant bien mettre en évidence une relation directe de cause à effet entre AIE et décès par trouble rythmique ventriculaire.
« Ces observations restent pourtant très rares et semblent nécessiter des conditions particulières que nous n'expliquons pas encore. Un mécanisme supposé est qu'une stimulation électrique de la face antérieure du thorax, même peu intense, peut induire une FV par capture des ventricules si elle survient dans la période vulnérable du cycle cardiaque. On sait qu'une électrostimulation rapide peut aussi entrainer des phénomènes ischémiques générateurs de FV, tels que ceux observés après emballement de pace maker il y a quelques décades », avance le Dr Zipes.
Interrogé par Medscape, le Dr Guy Fontaine (Institut de Cardiologie, CHU Pitié- Salpêtrière, Paris) spécialiste en électrophysiologie cardiaque, avance une autre interprétation.
« Il faut bien réaliser que les victimes de Taser® subissent deux phénomènes susceptibles d'entrainer une libération majeure de cathécholamines : une douleur brutale très intense d'une part et la tétanisation de pratiquement tous les muscles du corps d'autre part. Le mécanisme de déclenchement des troubles rythmiques ventriculaires me semble plutôt lié à l'importante décharge d'adrénaline qui lui est associée, elle-même très arythmogène et la présence très probable d'une maladie du myocarde sous-jacente jusque-là passée inaperçue. »
Avoir conscience d'un risque faible mais non nul
Sur le plan scientifique, la principale limite est de n'avoir aucun enregistrement ECG au moment de la délivrance du choc qui seul permettrait d'objectiver avec certitude son rôle dans le déclenchement de la dysrythmie.
Par ailleurs, dans trois cas, les témoins rapportent la persistance de pulsation et/ou de mouvements respiratoires après le choc, peu compatibles avec une FV initiale (sans pouvoir éliminer une TV induite par l'AIE, dégradée en FV secondairement).
Le Dr Fontaine estime quant à lui que « cette étude analytique est globalement bien faite, et confirme que la catastrophe que représente la mort de sujets souvent jeunes n'est jamais due à une cause unique mais bien à l'association de plusieurs facteurs (usage de drogue, alcoolisation, cardiopathie sous-jacente, etc…) ».
« Lorsque cela se produit, le tir Taser® n'est qu'un maillon de la chaine morbide qui va entraîner le décès. Enfin si les chiffres d'Amnesty International de 334 décès rien qu'aux Etats Unis me semblent plausibles, il faut bien avoir conscience qu'ils ne représentent qu'une part très faibles des centaines de milliers de cas d'utilisation d'AIE. Si une arme à feu avait été utilisée à la place, la mortalité serait de l'ordre de 50% selon une étude californienne ! »
En clair, les utilisateurs de ces armes, quand elles sont présentes dans l'équipement des forces de l'ordre, doivent y avoir recours en toute connaissance de cause, et avoir conscience qu'un risque mortel, bien que très rare, existe.
Le Dr Douglas P. Zipes déclare avoir exercé, et exercera possiblement dans le futur, les fonctions rémunérées d'expert médical « à charge » auprès des tribunaux américains, dans des affaires de plaintes en relation avec des cas de décès après utilisation d'AIE. Malgré ce conflit d'intérêt, il déclare présenter des faits vérifiables, apporter des preuves scientifiques et un faisceau d'arguments crédibles donnant à ses conclusions sur le caractère possiblement mortel du Taser®, une valeur médicale indiscutable. Le Dr Guy Fontaine déclare être consultant de la compagnie Schiller (Electrocardiographes et Défibrillateurs) |
Citer cet article: Plusieurs décès par trouble rythmique authentifiés après tir Taser - Medscape - 1er juin 2012.
Commenter