Le bronzage artificiel dans le collimateur des médecins et des pouvoirs public.
Nous disposons désormais de chiffres nationaux sur la dangerosité des UV artificiels. Selon l'InVS, le bronzage en cabine serait responsable de 19 à 76 décès par mélanome, par an, en France. 24 mai 2012Paris, France -A la veille de la Journée de prévention et de dépistage des cancers de la peau organisée chaque année par le Syndicat des Dermatologues vénérologues (SNDC) depuis 14 ans, et face au constat du doublement du nombre de cancers de la peau tous les dix ans, le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), la Direction générale de la Santé (DGS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Institut National du Cancer (INCa) ont organisé conjointement une conférence de presse sur le thème : « Il est urgent de prévenir et détecter tôt les cancers de la peau ! » [1]
La conférence de presse s'est ouverte sur une intervention de Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, qui a donné le ton : « Avec près de 80 000 nouveaux cas de cancers de la peau par an, et le triplement de la forme la plus sévère du cancer de la peau, le mélanome, entre 1980 et 2005, il m'a semblé important d'ouvrir cette conférence de presse pour rappeler les risques liés à l'exposition aux UV naturels et artificiels qui sont la première cause de cancers de la peau. »
13% des français ont eu recours au bronzage artificiel en 2010
L'ensemble des intervenants a insisté sur les dangers associés à l'exposition aux UV artificiels.
« Nous devons rappeler sans relâche que les cabines de bronzage n'assurent aucune protection mais accroissent le risque de cancers cutanés et oculaires. Plus généralement, c'est toute la pratique des UV artificiels qu'il faut déconseiller et encadrer », a indiqué Marisol Touraine.
« Il ne faut pas utiliser les UV artificiels », a tranché le Pr Agnès Buzyn, Présidente de l'INCa.
Ce consensus des experts est désormais étayé par des données épidémiologiques françaises. Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire a publié le 22 mai, un numéro thématique consacré au « bronzage artificiel : une menace bien réelle, mais évitable, pour la santé publique ». Le dossier expose, notamment, les résultats du Baromètre cancer 2010 qui fait le point sur les utilisateurs d'UV artificiels en France [2].
Il s'agit d'une enquête par sondage aléatoire à deux degrés (ménage puis individu) qui s'est déroulée du 3 avril au 7 août 2010 auprès de 3 359 personnes âgées de 15 à 75 ans.
Il en résulte qu'en 2010, 13,4% des Français ont déclaré avoir déjà utilisé des UV artificiels au moins une fois au cours de leur vie, et pour 3,5% au cours des 12 derniers mois. La pratique au cours des 12 derniers mois concerne surtout les femmes qui sont presque 3 fois plus nombreuses que les hommes à s'être déjà exposées (respectivement 19,4% vs. 7,1% ; p<0,001) et les populations jeunes, en particulier les 20-25 ans (9,9%). Par ailleurs, 3,5% des moins de 18 ans ont déclaré y avoir eu recours au cours de leur vie alors que la fréquentation des cabines UV est interdite aux mineurs. Un tiers des utilisateurs a rapporté une fréquence d'exposition supérieure à 10 fois par an.
Seulement 49,2% des personnes interrogées se sentaient bien informés sur les risques de cancer associés aux UV et beaucoup étaient sujettes aux idées fausses. Près d'un quart de l'ensemble des personnes interrogées dont environ 40% des personnes qui fréquentent les cabines UV pensent que les séances d'UV artificiels préparent la peau au soleil.
Un risque de mortalité estimé comparable à celui attribué au Médiator
« Selon la littérature, le fait d'avoir été exposé aux UV artificiels au moins une fois dans sa vie augmente le risque de mélanome de 15%. Et, le risque augmente de 75% quand on a été exposé aux UV artificiels avant 35 ans. Ce risque apparaît donc rapidement et dès les premières expositions », a souligné Françoise Weber, Directrice de l'InVS.
Pour en savoir plus sur la situation en France, l'InVS en partenariat avec l'International Prevention Research Institute (iPRI), a réalisé une étude qui permet de mieux comprendre quelle est la part des UV artificiels dans la survenue des mélanomes. Il en résulte que 4,6% des cas de mélanomes cutanés, soit entre 91 et 350 cas annuels, seraient attribuables à l'utilisation des cabines de bronzage, et ce en très grande majorité chez les femmes (76% des cas). En supposant que les cas induits par les cabines de bronzage ont le même pronostic que ceux induits par les UV d'origine naturelle, le nombre de décès attribuables à cette pratique est estimé à 19 et 76 décès annuels.
« Cela signifie qu'en l'espace de 30 ans, les UV artificiels, qui sont une pratique à seule visée esthétique sans aucun bénéfice sur la santé, pourraient être responsables de 550 à 2300 décès directement. Et encore, ces chiffres pourraient être sous-estimés car l'usage des UV artificiels augmente de façon très régulière », a souligné la Directrice de l'InVS.
« Il est intéressant de noter que l'impact sanitaire de l'usage des cabines UV, que nous avons évalué en termes de mortalité, est comparable à celui attribué à l'usage d'un médicament antidiabétique oral qui a été récemment retiré du marché pour ce motif (entre 500 et 2 000 décès sur 30 ans) », souligne le rapport qui fait référence au Médiator®, commercialisé par les laboratoires Servier.
Aucun bénéfice pour la santé
« Nous souhaitons vraiment alerter contre trop d'idées reçues ou de fausses vérités sur le bronzage artificiel », a insisté le Pr Agnès Buzyn, Directrice de l'INCa.
Non, le bronzage en cabine n'a pas d'effet protecteur vis-à-vis d'expositions solaires à venir.
D'après le rapport du BEH, en France, « près de 80% des appareils mis à disposition du public répondent aux caractéristiques des appareils de type UV-3 », ce qui correspond à un ensoleillement « extrême » correspondant à celui rencontré dans les régions subtropicales. L'utilisateur peut néanmoins ressentir un sentiment de sécurité car la technique est moins fréquemment associée à l'apparition d'un coup de soleil et n'entraîne pas de sensation de chaleur.
Oui, les UV artificiels sont aussi nocifs pour la peau que les UV naturels.
Non, les UVA ne sont pas inoffensifs.
Non, la production de vitamine D par les UV n'a pas d'effets protecteurs contre les autres cancers. Par ailleurs, les UVA ne transforment pas la vitamine D inactive en vitamine D active.
Non. Le bronzage en cabine ne prend pas en charge la dépression saisonnière. La luminothérapie utilisée pour traiter la dépression relève exclusivement de la lumière visible.
Vers une réglementation plus stricte
« Des textes réglementaires sont en préparation afin de renforcer les contrôles, la formation et l'information du grand public et des professionnels sur les UV artificiels. Il a été soumis à l'avis de la Commission de la Sécurité des Consommateurs. Je resterai vigilante sur la bonne poursuite de ces travaux », a indiqué Marisol Touraine.
La Ministre de la Santé a précisé que le nouveau décret qui devrait être publié très prochainement comprendra 4 axes :
- Encadrer d'avantage les paramètres techniques des appareils, mais aussi, imposer la mise à disposition gratuite des lunettes de protection.
- Renforcer la qualification des personnels (la formation est de 3 jours actuellement).
- Développer les contrôles des installations : aujourd'hui, les appareils de bronzage sont soumis à un contrôle obligatoire tous les deux ans. Désormais, les installations devront être contrôlées avant leur mise à disposition au public. Par ailleurs, des règles de traçabilité des appareils seront fixées.
- Informer le public. Des messages d'avertissements sur les risques encourus seront affichés dans les établissements et sur les appareils. Un dépliant d'information sur les risques du bronzage devra être remis aux utilisateurs des cabines de bronzage et la publicité et la promotion du bronzage par UV artificiels seront strictement encadrées.
« Toute contravention à ces réglementations sera passive de sanctions qui seront renforcées », a indiqué Marisol Touraine.
Interrogée sur la mise en place éventuelle d'une politique d'interdiction des cabines de bronzage, comme c'est le cas au Brésil et dans l'État de Nouvelle Galles du Sud en Australie, la Ministre de la Santé a répondu : « Pour le moment nous ne sommes pas pour l'interdiction. Toutefois, s'il apparaissait à l'avenir que la fréquentation des cabines de bronzage ne devait pas répondre aux critères de sécurité exigés, nous pourrions envisager de durcir la réglementation.»
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Les intervenants n'ont pas déclaré de liens d'intérêt en rapport avec le sujet. |
Citer cet article: Le bronzage artificiel dans le collimateur des médecins et des pouvoirs publics - Medscape - 24 mai 2012.
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