Geelong, Australie — L'étude de cohorte internationale sur les endocardites infectieuses ICE-PCS (International Collaboration on Endocarditis-Prospective Cohort Study) vient de livrer ses résultats concernant les endocardites sur matériel implanté [1].
Elle chiffre à 6,4% la proportion des endocardites infectieuses (EI) survenant sur dispositif implantable et montre que ces EI affectent plus particulièrement les patients âgés (moyenne de 71 ans), et que l'étiologie est majoritairement staphylococcique avec une forte prévalence d'infection iatrogène associée. Enfin, dans plus d'un tiers des cas, l'implication valvulaire est présente, valve tricuspide en tête, et elle est associée à un pronostic péjoratif.
Ces résultats sont publiés dans le Journal de l'American Medical Association par l'équipe australienne de Eugene Athan (Barwan Health, Geelong, Australie)
Un problème qui augmente avec le nombre de patients implantés
La mise en place de dispositifs implantables en cardiologie s'accompagne d'un risque infectieux à ne pas négliger compte tenu du nombre croissant d'indications à la mise en place de ces dispositifs. « Aux Etats Unis, 4,2 millions de patients sont porteurs d'un défibrillateur ou d'un stimulateur posé entre 1993 et 2008 », rappellent les auteurs. Simultanément, l'incidence de l'infection sur matériel a plus que doublé entre 1993 et 2008, parallèlement à l'essor des implantations.
Les endocardites qui viennent les compliquer et assombrir l'état clinique, proviennent d'une contamination cutanée ou, plus tardivement, d'une infection du site d'implantation. La majorité des infections se déclare dans la région sous-cutanée où se niche le dispositif, et une évolution vers l'endocardite se produit dans 10 à 23 % des cas.
L'incidence des EI sur matériel implantable a été évaluée entre 0,06 % et 0,6 % des cas par an, ou 1,14 par dispositif implanté par an. La prise en charge comporte une antibiothérapie de longue durée, un retrait du matériel infecté et la réimplantation d'un nouveau dispositif.
Des patients diabétiques et plus âgés
La cohorte globale compte 2760 patients, inclus dans 61 centres de 28 pays. Parmi eux, une EI sur dispositif implantable a été diagnostiquée chez 177 patients, soit 6,4 %.
L'objectif de l'ICE-PCS est de décrire les caractéristiques cliniques et l'évolution de ces endocardites consécutives à l'implantation de matériel, notamment la mortalité hospitalière et à un an. Un autre but est d'étudier l'association entre le délai de retrait du matériel et le pronostic.
L'âge moyen de la population des EI sur dispositifs implantables est de 71,2 ans. Il est conforme à l'âge des indications pour la pose de ce matériel, et aussi à celui des patients ayant des facteurs de risque d'infection, notamment des interventions médicales invasives multiples. Il n'est donc pas étonnant de retrouver dans 35 % des cas une origine staphylococcique (coagulase négative et staphylococcus aureus) et une forte association à une autre infection liée aux soins (45 % des cas).
Par rapport aux autres endocardites, les EI sur dispositif implantable concernent des patients plus souvent diabétiques et plus âgés.
Attention à la participation valvulaire
Les complications de l'EI sur dispositif implantables sont nombreuses.
« En plus des caractéristiques liées à l'hôte, cette étude illustre une forte prévalence de complications aiguës et à long terme, incluant une participation valvulaire (37,2 % des cas), une insuffisance cardiaque (15,3 %) et une bactériémie persistante (15,8 %) durant l'hospitalisation », indiquent les auteurs.
Plusieurs de ces complications sont associées avec la mortalité intra-hospitalière et à la mortalité à un an. L'atteinte valvulaire - tricuspide dans 24,3% des cas - est associée à une augmentation nette de la mortalité hospitalière (OR=3,3). Le retrait du matériel lors de l'hospitalisation initiale est bénéfique puisque la mortalité à un an est de 19,9 % comparativement à un taux presque doublé (38,2 %) pour les patients dont le matériel est resté en place.
Principaux résultats de l'étude ICE-PCS Evènement |
Incidence |
Intervalle de confiance 95% |
Endocardite infectieuse sur dispositif |
6,4 % |
5,5-7,4 |
Présence d'un staphylocoque |
35 % |
28-42,5 |
Infection liée aux soins associée |
45,8 % |
38,3-53,4 |
Implication valvulaire |
37,3 % |
30,2-44,9 |
Mortalité hospitalière |
14,7 % |
9,8-20,8 |
Mortalité à un an |
23,2 % |
17,2-30,1 |
Le pronostic est réservé : la mortalité hospitalière est de 14,7 % et la mortalité à un an s'élève à 23,2 %. Une analyse de régression dégage un bénéfice sur la survie du retrait rapide du matériel lors de l'hospitalisation initiale. Le risque relatif de décès est de 0,42 dans le groupe des patients dont le matériel a été extrait, par rapport à ceux dont le dispositif est resté en place.
Les comorbidités cardiaques interviennent
Une étude rétrospective récente a évalué les facteurs de risque de mortalité à 6 mois chez 113 patients [2]. Les auteurs soulignent que 51 % d'entre eux avaient une hémoculture positive, et 23 % des végétations à l'échographie, contre respectivement 84 % et 76 % dans le travail australien.
Dans la cohorte globale, la mortalité était associée à la régurgitation tricuspide modérée à sévère, à une dysfonction ventriculaire gauche et à une insuffisance rénale.
« Notre étude confirme l'importance des comorbidités cardiaques sur le pronostic hospitalier » peut-on lire dans l'article.
Les recommandations de l'American Heart Association concernant les infections sur matériel implantable, plaident fortement pour un retrait complet du matériel et des sondes en cas de végétations cardiaques et/ou une infection sur les sondes.
Les auteurs signalent une étude monocentrique rétrospective qui confirme que la mortalité à 3 ans plafonne à 10 % lorsque l'extraction du matériel est effectuée [3]. Mais il faut souligner que seulement 7 % de ces patients infectés avaient une atteinte valvulaire associée.
Dans l'étude australienne, malgré l'âge et les comorbidités, le matériel a été extrait dans une large proportion de cas (74 %) mais l'intervention n'a pas permis d'améliorer la survie hospitalière malgré une meilleure survie à un an.
« Il est possible que le nombre de décès ait conduit à une puissance insuffisante pour dégager un bénéfice du retrait du matériel sur la mortalité hospitalière », notent les auteurs.
Pour expliquer l'absence de bénéfice du retrait du matériel, on peut également envisager le risque opératoire et ses conséquences négatives chez des patients âgés et fragiles.
Antibioprophylaxie à reconsidérer
Retrait on non du matériel, l'atteinte valvulaire reste de mauvais pronostic à un an. Seulement la moitié des patients ont bénéficié d'une réparation valvulaire, probablement en raison d'un risque opératoire important. De ce point de vue, une meilleure coopération pluridisciplinaire entre cardiologues, infectiologues, et chirurgiens cardiaques pourrait d'ailleurs se révéler fructueuse.
Une infection en rapport avec les soins associée est par ailleurs reconnue comme de mauvais pronostic dans les EI sur valve native ou prothétique. Cette étude confirme l'effet délétère d'une infection liée aux soins.
En pratique, la fréquence des staphylocoques aureus remet en question l'antibioprophylaxie à base de céphalosporine de première génération, au profit éventuellement de glycopeptide ou d'autres anti-staphylocoques selon l'écologie bactérienne des centres.
Les auteurs insistent sur les mesures de prévention notamment l'asepsie et une administration d'antibiotiques au moment de l'insertion ou de la manipulation du matériel, ou à l'occasion de procédures invasives réalisées après implantation du matériel.
Les limites de l'étude reposent sur le caractère observationnel du travail, mené sur la base d'un volontariat des centres participants, ce qui peut biaiser la représentativité de la population.
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L'étude ICE-PCS a été financée par des fonds publics espagnols. |
Actualités Heartwire © 2012
Citer cet article: Endocardites sur dispositifs implantables : mieux vaut prévenir que guérir… - Medscape - 23 mai 2012.
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