Comment identifier une allergie de contact professionnelle

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

7 mai 2012

Comment identifier une allergie de contact professionnelle

Identifier une allergie professionnelle peut mettre en jeu l'avenir du salarié. Tester les produits apportés par les patients allergiques permet d'adapter, si nécessaire, les postes de travail.
7 mai 2012

Paris, France — Identifier une allergie professionnelle peut mettre en jeu l'avenir d'un salarié : mesures de protection, aménagement du poste de travail voire reclassement professionnel. Ces règles fondamentales - lorsqu'elles rentrent dans le cadre de maladies professionnelles - doivent répondre à des impératifs médico-légaux, mais être aussi fondées sur le bon sens.

Une session du 7e congrès francophone d'allergologie a fait un point sur la pratique des tests avec des produits apportés par les patients et sur les tests de provocation en cabinet ou en milieu de travail. [1]

Une démarche rigoureuse

Les différentes démarches diagnostiques en médecine du travail doivent répondre à trois objectifs : établir le diagnostic de la maladie, en démontrer l'origine professionnelle et identifier les agents responsables.

La démarche diagnostique impose donc, outre l'interrogatoire, la recherche d'IgE spécifiques et la réalisation de tests cutanés. Or, la batterie des tests actuellement commercialisés est loin de contenir l'ensemble des produits auxquels les travailleurs peuvent être exposés. Par ailleurs, la composition exacte des produits est souvent difficile à obtenir, de nouveaux allergènes peuvent être introduits dans leur formulation et certaines substances se révèlent allergisantes en interférant entre elles.

C'est pour ces raisons que la pratique des tests effectués avec les produits apportés par les patients eux-mêmes est une démarche particulièrement adaptée aux produits à usage professionnel.

Un recours à l'allergologue

La première partie du bilan peut avoir lieu au cabinet du médecin généraliste ou du travail. Elle consiste à étudier de façon détaillée l'ensemble des produits mis en contact avec le salarié au cours de son travail.

« Mais les produits manipulés par les employés ne sont que rarement tous identifiés et les données fournies par l'employeur, de même que la fiche des données de sécurité peuvent être incomplète car la substance est parfois modifiée lors de son utilisation », regrette le Dr Pascal Girardin (allergologue, CHU de Besançon). Pour certains produits, tels que des savons, un test d'utilisation peut être pratiqué au cabinet du médecin.

Le bilan de deuxième intention est fait en milieu spécialisé. Il vise à préciser la responsabilité du produit fini et à rechercher d'éventuelles allergies déclenchées par le contact concomitant avec plusieurs substances.

Diluer, tester, confirmer, imputer

Lorsque le patient apporte les produits avec lesquels il est en contact, l'allergologue doit avant tout s'assurer que le pH est compris entre 4 et 10 et que le produit ne comporte pas de substance toxique systémique. Pour certains produits, une dilution dans l'eau, l'alcool ou la vaseline doit être effectuée. « C'est cette étape de dilution qui est la plus délicate, car elle peut être à l'origine de faux positifs en cas de concentrations trop élevées ou, à l'inverse, de faux négatifs en cas de dilution excessive », précise le Dr Girardin.

Le test semi-ouvert est le plus souvent le premier à être réalisé. À l'aide d'un coton-tige, une petite quantité de la substance est appliquée sur une surface de 1 cm2. Après évaporation, la zone est recouverte d'un film acrylique ou d'un sparadrap semi-occlusif et la lecture du test a lieu dans les 48 h. Il permet de tester la plupart des produits apportés par le patient, y compris les substances à pouvoir irritant après dilution.

Le patch-test, au cours duquel la substance testée reste en contact 48 h avec la peau grâce à un support spécifique, est le deuxième test réalisé avec les substances non-standardisées. Sa réalisation doit être prudente et nécessite toutes les vérifications de sécurité (contrôle pH, toxicité…). Parfois plusieurs dilutions progressives des produits dans de l'eau ou des substances alcooliques sont réalisées.

Principaux produits testés

Il s'agit essentiellement des végétaux, des produits phytosanitaires, des vêtements et des fluides de coupe (lubrifiants).

  • Les plantes et bois peuvent être à l'origine de lésions par mécanisme irritatif (plantes irritantes de type orties), mécanique (épines ou sciure), chimique (enzymes ou acides) ou allergique. Les tests sont réalisés avec toutes les parties de la plante (tige, feuille et fleur). Des préparations à base d'alcool ou de vaseline peuvent être utilisées pour majorer l'effet de ces substances.

  • Les phytosanitaires (engrais, herbicides…) potentiellement toxiques, allergisants ou irritants sont nombreux. Une enquête doit être fondée sur l'index phytosanitaire délivré par les fabricants, grossistes et utilisateurs.

  • Les vêtements qui protègent du chaud, du froid, de la pluie et des contacts professionnels sont faits de matières qui ont évolué dans le temps (composition en particulier en caoutchouc ou colorants). Gants, masques, bonnets et chaussures sont les plus souvent en cause mais tous peuvent être responsables de lésions particulières par leur localisation (dos des mains, plis).

  • Les fluides de coupe (lubrifiants ou dérivés de l'alcool ou du pétrole) sont des irritants parfois allergisants. Ils doivent être testés purs et usagés car leur composition est modifiée par l'usage, le chauffage et l'ajout d'additifs de maintenance.


Les autres tests

Les tests sur d'autres produits professionnels sont dictés par les éléments fournis par le patient : fiche de données de sécurité (même incomplète), éléments écrits sur l'emballage, renseignements cliniques et anamnestiques.

« Il faut tester préférentiellement les substances fournies par le responsable professionnel accompagnées de leur étiquetage et de la fiche de données de sécurité. Elles doivent être en contact direct avec le patient sans protection majeure, apportées dans un contenant répertorié et après contrôle du pH. Si le test semi-ouvert et le patch test sont positifs et que le toxique est répertorié, une imputabilité est possible. Lorsque le test semi-ouvert est négatif, des patch-tests dilués associés à des batteries de test complémentaires peuvent être proposés. En cas de négativité des tests semi-ouverts et fermés mais de positivité de la batterie spécialisée, il faut envisager une allergie composée ou la présence d'impuretés ou d'intermédiaires de fabrication.

Tous ces examens doivent être rigoureux, car eux seuls peuvent permettre une éviction du poste de travail ou une déclaration de maladie professionnelle en cas d'imputabilité », conclut le Dr Girardin.

Le Pr Girardin déclare ne pas avoir de liens d'intérêts en relation avec cette présentation.

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