Conduite à tenir devant une allergie aux antibiotiques en ORL chez l'enfant
Les bêta-lactamines sont fréquemment associées à la survenue de réactions allergiques. Vraies ou fausses allergies ? Faut-il contre-indiquer leur utilisation future ? Réponses du Dr Mathie Lorrot. 30 avril 2012Paris, France - Lors de son intervention aux Journées de l'Association Française d'ORL pédiatrique (AFOP), le Dr Mattie Lorrot (Service de pédiatrie, Hôpital Robert Debré, Paris) a abordé la question des allergies aux antibiotiques chez l'enfant lors des infections ORL et rappelé que rares sont les vraies allergies nécessitant une contre-indication sur le long terme. [1].
Les vraies allergies aux bêta-lactamines sont exceptionnelles
« Les bêta-lactamines (pénicilline et céphalosporines) sont très fréquemment associées à la survenue de réactions allergiques - ou pseudo allergiques - en effet, ces molécules sont à l'origine d'environ 25 à 45 % des réactions sous antibiotiques. Les réactions sont plus fréquentes avec les traitements IV que per os. En revanche, elles sont plutôt rares avec les autres antibiotiques » a indiqué en préambule le Dr Lorrot.
Les allergies les plus graves potentiellement surviennent :
- soit immédiatement, moins d'une heure, soit accélérée, jusqu'à 72 heures après la prise du médicament. Elles sont caractérisées par des signes d'anaphylaxie (hypotension, malaise, érythème diffus, signes digestifs avec diarrhée) associés à un urticaire et un oedème laryngé, orientant vers une réaction médiée par les IgE.
- soit de façon tardive (après 72 heures).
Signes qui orientent vers une allergie grave aux médicaments Immédiates (moins de 1 heure) et accélérées (1 à 72 heures) : |
Tardives (plus de 72 heures) : |
Urticaire Oedème laryngé Bronchospasme Hypotension Angio-oedème Troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, crampes abdominales) |
Rash maculopapulaire Maladie sérique Urticaire Vascularite d'hypersensibilité Glomérulonéphrite Stevens-Johnson Epidermolyse |
Les allergies à la pénicilline (dont amoxicilline) sont exceptionnelles, se situant entre 0,04 et 0,15%, et celles aux céphalosporines encore plus, avec des fréquences allant de 0,001 à 0,1%.
Que faire ?
En cas en cas de signes de gravité en faveur d'une allergie grave : une consultation avec un allergologue spécialisé s'impose.
« S'il y a une suspicion d'allergie aux pénicillines (dont amoxicilline) avec signes de gravité, la prescription de toutes les bêta-lactamines est contre-indiquée ; en revanche, en l'absence de signes de gravité ou quand les tests cutanés sont négatifs, la prescription de céphalosporines de 2ème ou de 3ème génération peut être proposée » considère le Dr Lorrot.
Réactions pseudo-allergiques très fréquentes
Les réactions pseudo-allergiques aux antibiotiques sont très fréquentes : elles concernent 3 à 7 % des enfants traités par ampicilline et chez 1 à 3% des patients traités par céphalosporines. « Il s'agit de rashs maculo-papuleux non prurigineux, survenant le plus souvent après 72 heures de traitement, décrit le Dr Lorrot. La réaction est absolument idiopathique et bénigne ; non médiée par les IgE et le plus souvent liées à une infection virale (roséole, HHV6 et HHV7, infections à entérovirus, à adénovirus, mononucléose…) ou à certaines infections bactériennes. Ce type d'éruption ne constitue absolument pas une contre-indication à l'utilisation future des bêta-lactamines ».
Comment éviter ces réactions ? « En ne prescrivant pas d'antibiotiques dans les infections ORL qui n'en nécessitent pas, comme les infections virales » considère l'oratrice.
Les antibiotiques sont inutiles dans les angines à TDR (test de diagnostic rapide) négatif, les otites purulentes peu symptomatiques chez l'enfant de plus de 2 ans, les otites congestives, les sinusites maxillaires virales et les rhinopharyngites. Seules les infections ORL sévères justifient une antibiothérapie pour éviter les complications.
Bêta-lactamines : l'antibiotique de référence pour les infections ORL
Le pneumocoque, le streptocoque A et Haemophilus influenzae sont les bactéries les plus fréquemment retrouvées dans les infections ORL de l'enfant nécessitant des antibiotiques comme les angines à TDR positif, les otites moyennes aiguës purulentes des enfants de moins de 2 ans, les infections profondes supra-glottiques, les ethmoïdites, les sinusites aiguës sévères maxillaires, frontales, ethmoïdales ou sphénoïdales et les mastoïdites.
La prise en charge médicamenteuse de ces infections sévères ou potentiellement sévères repose donc essentiellement sur les bêta-lactamines. Celles-ci constituent le traitement de référence en raison de leurs propriétés bactéricides et de leur efficacité sur les bactéries impliquées. « Au final, il n'existe pas d'alternative simple à l'utilisation des bêta-lactamines, car il existe plus de résistances avec les autres molécules. Par exemple, pour le pneumocoque, 50% des souches sont résistantes à la ceftriaxone, 30% sont résistantes au Pediazole® (macrolide + sulfamide) et 25% résistent au Bactrim® (cotrimoxazole) » affirme la pédiatre.
A savoir : selon les allergologues, seuls 20% des enfants considérés comme allergiques aux bêta-lactamines présentent des tests cutanés positifs. Par ailleurs, les allergies aux bêta-lactamines guérissent au bout de 1 à 2 ans, imposant une ré-évaluation.
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Citer cet article: Allergie aux bêta-lactamines et infections ORL pédiatriques : que faire ? - Medscape - 30 avr 2012.
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