Le déficit en vitamine D touche 80% de la population adulte française

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

24 avril 2012

Etude ENNS : un déficit en vitamine D chez 80% de la population adulte française

Dans sa dernière édition du BEH, l'Institut de veille sanitaire (InVS) présente les résultats de l'étude ENNS sur le statut en vitamine D de la population adulte en France.
24 avril 2012

Bobigny, France -Une étude publiée dans la dernière édition du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) montre qu'en France, plus des trois quart de la population présente une insuffisance en vitamine D. Sur l'ensemble, 5% ont un déficit sévère [1].

Si le déficit en vitamine D modéré, « ne s'accompagne généralement pas de signes cliniques d'ostéomalacie, il pourrait cependant constituer un facteur de risque d'anomalies osseuses, d'ostéoporose et de certaines maladies chroniques comme les cancers, les maladies cardiovasculaires et dysimmunitaires [2];[3] », ont rappelé les auteurs de l'étude, Michel Vernay et coll (Unité de surveillance et d'épidémiologie nutritionnelle (Usen), Institut de veille sanitaire (InVS), Université Paris 13, Bobigny, France).

Pallier la pénurie de données

En France, « les données épidémiologiques disponibles au niveau national sur le statut en vitamine D de la population sont rares et anciennes [4] et ne permettent pas un pilotage efficace des actions de santé publique », expliquent les chercheurs de l'InVS.

C'est la raison pour laquelle l'étude nationale nutrition santé (ENNS), réalisée dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) a vu le jour. Son objectif : décrire le statut en vitamine D de la population adulte résidant en France métropolitaine et identifier les facteurs associés au déficit en vitamine D.

L'ENNS a été réalisée sur un échantillon d'adultes de 18 à 74 ans résidant en France métropolitaine, hors Corse. Les individus, tirés au sort, ont été inclus de février 2006 à mars 2007 pour tenir compte de la saisonnalité de l'alimentation et de l'ensoleillement.

Les données sociodémographiques et de mode de vie des participants ont été recueillies en face-à-face. L'activité physique a été estimée par l'International Physical Activity Questionnaire (IPAQ) [5] et la sédentarité par le temps passé devant un écran (télévision et/ou ordinateur, hors activité professionnelle).

Un prélèvement sanguin a permis de doser la 25-hydroxyvitamine D sérique (25(OH)D), forme circulante de la vitamine D. L'insuffisance en vitamine D correspondait à une concentration moyenne en 25(OH)D <30 ng/ml, le déficit « modéré à sévère » à une concentration moyenne en 25(OH)D <20 ng/ml et le déficit « sévère » à une concentration <10 ng/ml.

Une insuffisance en vitamine D chez 80% des adultes

Les analyses ont porté sur 1 587 adultes ne prenant pas de traitement médicamenteux à base de vitamine D. La concentration moyenne en 25(OH)D était de 23,0 ng/ml [22,3-23,6].

En tout, 80,1% [77,0-82,8] des adultes ont présenté une insuffisance en vitamine D, 42,5% [39,1-45,9] un déficit modéré à sévère, et 4,8% [3,6-6,3] un déficit sévère.

Le risque d'insuffisance en vitamine D était particulièrement fréquent en fin d'hiver et au début du printemps.

Le risque de déficit modéré à sévère était associé au fait d'être né hors d'Europe (OR=2,1, p<0,02), de ne pas partir en vacances (OR=1,7, p<0,01), d'avoir un niveau d'activité physique bas (OR=1,9, p<0,01), d'être sédentaire (OR=1,6, p<0,01) et de résider dans une zone à faible ensoleillement (OR=2,7, p<0,01). Le risque de déficit sévère était associé au fait d'être né hors d'Europe (OR=10,7, p<10-3), de vivre seul (OR=2,8, p<10-3) et de ne pas partir en vacances (OR=4,6, p<10-3) mais était indépendant du niveau d'activité physique et de sédentarité.

Quelques pistes pour améliorer la situation

« Dans tous les cas, ces résultats suggèrent que la promotion de l'activité physique, telle qu'elle figure dans le PNNS, notamment par le biais d'une augmentation des activités en extérieur ou des déplacements en plein air, constitue un des moyens de réduire le risque de déficit modéré en 25(OH)D et d'améliorer le statut en vitamine D », remarquent les auteurs.

Mais, une autre piste à développer est l'enrichissement de certains aliments en vitamine D ou la supplémentation médicamenteuse de certaines populations.

En effet, concernant les apports alimentaires moyens observés dans l'ENNS 2006-2207 (2,3 microgrammes/jour), ils sont très inférieurs aux besoins nutritionnels. Ils sont comparables aux apports observés en France dans l'étude Inca2[6]] ou en Allemagne [7], mais plus faibles que dans l'étude Suvimax (3,4 microgrammes/jour) [4] (participants présentant des spécificités variables).

Enfin, l'InVS plébiscite les actions ciblées mises en place dans certains pays. En Australie, notamment, les recommandations d'exposition au soleil sont déclinées selon la latitude, la saison et d'autres facteurs de risque [8]. « De telles actions d'information ciblées seraient probablement nécessaires en France », commentent Michel Vernay et coll.

Pour conclure, afin de mieux suivre les évolutions et de piloter aux mieux les actions de santé publique, les auteurs précisent qu'il serait « utile de reconduire l'évaluation du statut en vitamine D de la population, en l'élargissant aux enfants, aux adolescents et aux personnes âgées. »

Impossible de conclure à une amélioration de la situation

L'article du BEH précise qu'en France, les données nationales disponibles sur la concentration en 25(OH)D proviennent principalement de l'étude Suvimax réalisée chez des adultes d'âges médians (35-60 ans), volontaires pour participer à un essai d'intervention nutritionnelle, et résidant principalement en milieu urbain [4].

D'après les données de l'étude Suvimax, collectées en 1994-1995, en dehors de la période estivale, 14 % de la population adulte présentaient un déficit sévère (fixé à 12 ng/ml) contre 9 % dans l'étude l'ENNS, en appliquant un seuil identique, avec des données collectées tout au long de l'année.

« Les deux populations présentant des caractéristiques distinctes, il n'est cependant pas possible de conclure à une amélioration du statut en vitamine D de la population », ont souligné les chercheurs.


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