Prévenir, diagnostiquer, traiter, une triade efficace contre le paludisme. Mais qui a un coût
Grâce à l'utilisation de moustiquaires imprégnées, de dérivés de l'artésunate et de tests de diagnostic rapide, l'incidence du paludisme baisse. Quel impact sur les financements ? 18 avril 2012Londres-Grande-Bretagne — « En 2011, 216 millions de cas de paludisme ont été notifiés à l'OMS dont 655 000 décès. Près de 86 % des patients étaient âgés de moins de 5 ans et la grande majorité d'entre eux vivaient sur le continent africain (Nigeria, République Démocratique du Congo et Ouganda sont les plus concernés). Ces chiffres ne doivent plus être analysés dans leur globalité mais pays par pays. Dans plusieurs nations, en effet, des mesures de prévention, de diagnostic et de traitement du paludisme ont été mises en place. Et avec succès », a expliqué le Dr David Bell (Genève) à l'occasion d'une session plénière de l'ECCMID (European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases) sur le paludisme. [1]
Sur-diagnostic, sur-traitement
Depuis 2009, l'OMS met à la disposition de certains Etats des tests de diagnostic rapide du paludisme.
Il faut dire que pendant près de 30 ans, les notifications de cas ont été fondées sur une simple analyse des symptômes. La délivrance de traitements aussi.
« Et bien souvent avoir de la fièvre était considéré de façon systématique comme un signe de paludisme. Or, une analyse de 24 études conduites en Afrique entre 1989 et 2005 a prouvé que seuls 26 % des cas de fièvre étaient directement liés à un paludisme et que le taux de concordance entre le diagnostic posé et le diagnostic réel variait de 5 à 81 % », rapporte le Dr Bell.
Depuis 20 ans, les hôpitaux de référence et de district ont utilisé progressivement la confirmation d'une parasitémie à l'examen microscopique pour les notifications de cas, mais cette méthode est opérateur et formation dépendante. Le sur-diagnostic est lui aussi important avec cette technique puisque dans la méta-analyse des 24 essais lorsque ces données étaient disponibles, le taux de positivité à l'examen microscopique s'établissait à 36 % contre 19 % avec les tests de diagnostic rapide. Avec la parasitémie, les questions du sur-diagnostic et du sur-traitement n'ont pas été résolues.
Test antigénique de diagnostic rapide
Les tests de diagnostic rapide du paludisme ont été développés depuis les années 2000. Ils sont disponibles sous la forme d'une cassette ou d'une bandelette réactive sur laquelle une goutte de sang est appliquée sur du papier buvard par un personnel de santé formé.
La lecture du résultat est possible dans les 15 minutes. Les 200 tests aujourd'hui sur le marché ne sont pas tous équivalents en termes d'antigène détecté (histidine-rich proteine 2, parasite-lactate deshydrogénase ou aldolase) ni de sensibilité.
L'OMS a mis en place des campagnes de contrôle qualité avant la vente et l'utilisation de ces tests grâce à 15 laboratoires de référence situés en Asie, en Afrique et en Amérique du sud. Leur prix varie de 0,50 à 0,60 dollars.
En 2011, plus de 100 millions de ces tests ont été utilisés dans le monde, dont 50 % ne permettent de détecter que P. falciparum. « Grâce à la diffusion de ces tests, un diagnostic de la maladie est possible pour tous, y compris au niveau communautaire, si du personnel de santé référent a été formé à leur utilisation », continue le Dr Bell.
Moustiquaires, dérivés de l'artésunate
D'autres mesures de protection des populations ont aussi été mises en place par l'OMS, le fonds mondial, des ONG et des organisations caritatives privées : la distribution de moustiquaires imprégnées d'insecticides (d'une durée d'utilisation de 5 ans) s'est généralisée et l'utilisation de traitements à base de dérivés de l'artésunate lorsque le diagnostic est confirmé, a été favorisée.
« Dans une zone test de Zambie qui a bénéficié de l'ensemble des mesures anti-paludéennes par l'OMS (traitement par dérivés de l'artémisine, moustiquaires imprégnées, tests de diagnostic rapide), le nombre des cas est passé de 9 000 par an en 2004 à moins d'une centaine en 2009. Le paludisme a donc été rétrogradé de première priorité de santé à la 16e place », explique le Dr Bell.
Ces chiffres prouvent qu'en pays endémique, d'autres pathologies que l'on ne diagnostiquait pas jusqu'alors peuvent être à l'origine de syndromes fébriles graves, parfois mortels. Un vrai travail de recensement de ces affections doit être entrepris et de nouvelles pathologies seront peut-être détectées.
La question du financement
Mais ces chiffres doivent être utilisés avec prudence aussi.
« Dire aujourd'hui que le paludisme peut être éradiqué serait une vraie erreur. La baisse de l'incidence obtenue n'a été possible qu'au prix de la distribution de médicaments, de moyens de prévention et de diagnostic par les organisations internationales.
Si ces financements baissent ; les états seront incapables d'assurer dans les mois et années qui viennent le remplacement des moustiquaires imprégnées dont la durée de vie est limitée. Ils seront aussi incapables de financer le diagnostic et le traitement. Alors l'épidémie reprendra…
Pour garder le bénéfice acquis et même le généraliser à tous les pays concernés, il faudrait mettre en place des nouveaux outils et des nouvelles stratégies de prise en charge d'une maladie qui pourrait devenir rare. Tout reste à faire avant de se réjouir trop rapidement… », conclut le Dr Bell.
Citer cet article: Le nombre de cas de paludisme baisse, mais peut-on le dire ? - Medscape - 18 avr 2012.
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