L'exposition aux phtalates associée à plus de diabète chez les personnes âgées
Une étude rétrospective publiée dans Diabetes Care montre que 3 métabolites des phtalates sont associés à un sur risque de diabète chez les personnes âgées. 13 avril 2012Uppsala, Suède - L'exposition humaine aux phtalates n'est peut-être pas aussi exempte de toxicité que prévu, en témoignent deux études récentes. Le mois dernier, une étude Inserm publiée dans Human Reproduction a conforté l'hypothèse d'un effet néfaste de ces perturbateurs endocriniens sur la production de testostérone (-30% par rapport aux sujets non exposés) et sur la fertilité masculine [1]. Et hier, dans un autre registre, une publication parue dans Diabetes Care a révélé que l'exposition à des métabolites de phtalates était associée à une augmentation de 25 à 30% du risque de diabète chez les personnes âgées [2].
Les phtalates entrent dans la composition de nombreux articles comme certaines peintures, des jouets, les emballages plastiques de certains produits d'hygiène corporelle (cosmétiques, parfums…), et dans celle de matériaux à usage médical (transfusion, dialyse…), voire de certains médicaments. Les phtalates peuvent migrer à partir des produits qui les renferment et conduire à une exposition humaine via l'ingestion, l'inhalation ou par contact cutané.
Un sur-risque de 25 à 30% de diabète
Les auteurs, P. Monica Lind, professeur agrégé de médecine environnementale à l'Université d'Uppsala en Suède et ses collègues, ont analysé les données de 1016 sujets d'au moins 70 ans participant à l'étude Prospective Investigation of the Vasculature in Uppsala Seniors (PIVUS), entre 2001 et 2004.
Au cours de l'étude PIVUS, les chercheurs ont récolté des renseignements sur l'histoire médicale, l'éducation, le tabagisme et l'activité physique des patients. En outre, chaque matin suivant une nuit de jeûne, les participants ont été testés pour leur taux de cholestérol, de triglycérides, et leur glycémie. Etaient considérés comme diabétiques, les patients avec un antécédent de diabète ou une valeur de glycémie à jeun supérieure à 7 mmol/L (1,26 g/L).
Au total : sur les 1016 participants, 119 étaient diabétiques. Parmi eux, 88 l'étaient depuis 8,9 ans en moyenne et 4 depuis plus de 20 ans.
L'analyse des concentrations de métabolites de phtalates des patients a montré que 4 des 10 métabolites mesurés étaient détectables chez au moins 96% des diabétiques. Les 4 métabolites de phtalates : le mono-(2-éthylhexyl) phtalate (MEHP), le mono éthyl phtalate (MEP), le mono isobutyl phtalate (MiBP) et le mono méthyl phtalate (MMP) sont tous utilisés couramment dans des parfums.
Après ajustement pour le sexe, l'indice de masse corporelle (IMC), le tabagisme, l'activité physique, les lipides sanguins et l'éducation, les chercheurs ont trouvé que 3 des métabolites étaient associés à une plus forte prévalence du diabète. Les risques relatifs de diabète associés au MEP, au MiBP et au MMP étaient respectivement de 1,28, 1,30 et 1,21. (p = 0,089; p = 0,003; et p = 0,0052; 95% IC).
Parallèlement, les métabolites de phtalates ont été associés soit à une faible sécrétion d'insuline, soit à une insulinorésistance. Le MiBP était principalement associé à une faible sécrétion d'insuline tandis que le MMP était surtout associé à une insulinorésistance.
D'après les auteurs, les métabolites de phtalates sont connus pour leurs effets sur la glycémie chez l'homme; « ils pourraient affecter les voies de signalisations qui contribuent au métabolisme du glucose. »
« Bien que nos résultats doivent être confirmés par d'autres études, ils confortent l'hypothèse selon laquelle certains composés chimiques environnementaux contribuent au développement du diabète », a indiqué le Dr Lind dans un communiqué de presse.
Elle a précisé « qu'aujourd'hui, notre étude à part, il n'existe qu'une seule petite étude chez des femmes mexicaines ». et que « des études chez l'animal et in vitro seront nécessaires pour tenter de comprendre les mécanismes biologiques qui pourraient être impliqués dans l'association phtalates/diabète. »
Les chercheurs ont souligné que les participants à l'étude étaient des hommes âgés caucasiens et que les résultats ne pouvaient pas être généralisés à l'ensemble de la population. En outre, ils ont fait part de la possibilité d'une causalité inverse entre le diabète et les métabolites de phtalates. Enfin, ils ont précisé que la mesure des concentrations sériques de phtalates utilisée dans cette étude n'est pas une méthode fréquemment utilisée comparée à l'analyse urinaire des phtalates.
Toutefois, ils concluent que chez les personnes âgées exposées à des niveaux « standards » de phtalates, cette étude montre « que les métabolites de phtalates étaient associés à une forte prévalence du diabète et à des marqueurs de la sécrétion d'insuline et de l'insulinorésistance. »
Cet article a été originalement publié sur Medscape.com le 12 avril 2012; adapté par Aude Lecrubier.
Cette étude a été financée par le Conseil suédois de la recherche et le Conseil suédois de la recherche sur l'environnement, les sciences agricoles et la planification spatiale. L'un des coauteurs est employé par l'Agence des produits de santé à Uppsala en Suède. Les autres auteurs n'ont pas déclaré de liens d'intérêt. |
Citer cet article: Plus de diabète chez les sujets âgés exposés aux phtalates - Medscape - 13 avr 2012.
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