Nice, France - Fin 2011, le groupe « cœur et diabète » de la Société Française du Diabète (SFD) s'est réuni en collaboration avec la Société Française de Cardiologie (SFC) pour établir un consensus sur la « prise en charge du patient hyperglycémique ou diabétique au cours et au décours immédiat d'un syndrome coronarien aigu ». Le Dr Bruno Verges (Dijon) a présenté pour la première fois les principales lignes de ce consensus à l'occasion d'une session des Journées de la société francophone de diabétologie. [1][,2].
30 % de diabétiques, 30 % d'intolérants au glucose
« Parmi les patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu (SCA), 30 à 40 % sont diabétiques et de 25 à 30 % souffrent d'une intolérance au glucose ou d'une hyperglycémie à jeun non-diagnostiquée », explique en préambule le Dr Verges. Cependant, jusque-là, les recommandations sur la prise en charge des patients hyperglycémiques ou diabétiques au cours d'un SCA étaient encore limitées et le plus souvent incomplètes.
Il faut dire qu'au moins trois questions majeures n'avaient jamais été clairement abordées : le diagnostic des anomalies du métabolisme glucidique au cours ou au décours d'un SCA, l'utilisation des agents hypoglycémiants autres que l'insuline et les situations nécessitant un avis diabétologique spécialisé.
« Le groupe cœur et diabète de la SFD s'est donc attaché à considérer la situation glycémique aux différents stades du SCA, à aborder tous les problèmes diagnostiques et thérapeutiques et à optimiser la collaboration entre les cardiologues et les diabétologues », continue le Dr Verges.
Doser la glycémie dès l'admission
Pour le groupe de travail, « il est nécessaire de doser chez tous les patients une glycémie à l'admission en USIC ainsi qu'une glycémie à jeun et une HbA1c le lendemain de l'admission.
La glycémie à l'admission sera utilisée pour diagnostiquer l'hyperglycémie de stress, chez le patient non diabétique connu, et conduira à mettre en place une insulinothérapie si sa valeur est supérieure ou égale à 180 mg/dL (10 mmol/L). Cependant, la glycémie à l'admission ne peut pas prédire une anomalie du métabolisme glucidique dans des conditions stables après un SCA. La glycémie à jeun sera utilisée pour guider la thérapeutique. Les patients dont l'HbA1c le lendemain de l'admission est supérieure ou égale à 8,5 % peuvent être considérés comme diabétiques.
Lorsque ce taux est inférieur à 6,5 %, des anomalies du métabolisme glucidique devront être recherchées 7 à 28 jours après l'admission par une épreuve de charge en glucose (75 g) ».
Prise en charge du diabète en USIC
En cas de diabète non connu, un traitement par injection continue d'insuline sera mis en place si la glycémie au moment de l'admission est supérieure à 180 mg/dL (10 mmol/L).
Si le patient était connu comme diabétique, un traitement continu par insuline est instauré si la glycémie à l'admission est supérieure à 180 mg/dL (10 mmol/L) et/ou si la glycémie pré-prandiale est supérieure à 140 mmol/dL (7,77 mmol/L) durant la période d'hospitalisation en USIC.
Tous les autres traitements antidiabétiques doivent être suspendus en USIC. En cas de traitement préalable par insuline, il est possible de poursuivre le schéma pré-admission si la glycémie au moment de l'entrée en USIC est inférieure à 180 mg/dl (10 mmol/L) et ou si la glycémie pré-prandiale est inférieure à 140 mg/dL (7,77 mmol/L).
Un objectif glycémique entre 140 et 180 mg/dL (7,7 à 10 mmol/L) est recommandé pour la majorité des patients plutôt qu'un objectif plus strict, et un objectif de moins de 110 mg/dL (6,1 mmol/L) n'est pas recommandé. Les protocoles d'insulinothérapie en USIC doivent être établis en collaboration avec un diabétologue.
En cas d'indication d'une insulinothérapie, il est recommandé d'utiliser l'administration continue IV d'insuline associée à des bolus pré-prandaux. Les doses d'insuline (débit de base et bolus) seront adaptées aux glycémies capillaires. La surveillance glycémique sera effectuée toutes les heures en début d'insulinothérapie, puis toutes les deux heures.
Chez les patients hyperglycémiques ou diabétiques non traités par insulinothérapie continue IV, la surveillance de la glycémie capillaire sera réalisée avant chaque repas, deux heures après chaque repas et le soir au coucher.
Lors de l'hospitalisation en cardiologie
La metformine n'est pas contre-indiquée après un SCA, en l'absence d'insuffisance rénale. Au décours d'un SCA, il est recommandé de ne pas utiliser de sulfamides hypoglycémiants de première génération ou de glibenclamide, en raison d'une augmentation du risque cardiovasculaire associée à leur utilisation dans les études observationnelles.
Les glinides ne sont pas contre-indiquées après un SCA. C'est aussi le cas de l'acarbose, des agonistes de la GLP-1 ou du DPP-4 et de la pioglitazone* (si elle est disponible et en l'absence d'insuffisance cardiaque congestive et/ou d'une FEVG inférieure à 45 %).
*Suspendue par l'Afssaps depuis juin 2011.
En réadaptation cardiaque
La réadaptation cardiaque réduit la morbidité et la mortalité cardio-vasculaire et globale après un SCA. Bien qu'aucune étude prospective n'ait été réalisée spécifiquement dans la population diabétique, un bénéfice similaire semble possible chez les diabétiques.
La réadaptation cardiaque représente une opportunité de faire prendre conscience aux patients du bénéfice de l'activité physique non seulement sur le système cardiovasculaire mais aussi sur l'amélioration du contrôle glycémique et la prévention du diabète de type 2.
La glycémie capillaire sera vérifiée avant l'exercice physique chez le diabétique ainsi que 4 à 6 h après l'exercice chez les patients traités par insuline ou insulino-sécrétagogues.
Si avant l'exercice physique, la valeur de la glycémie est supérieure à 250 mg/dL (13,9 mmol/L), une recherche de cétonurie à la bandelette doit être pratiquée. En l'absence de cétose - chez un patient asymptomatique et suffisamment hydraté - la session d'activité physique pourra être débutée en contrôlant la glycémie capillaire au moins toutes les heures durant la session. Un avis auprès d'un diabétologue devra être demandé en cas d'HbA1c supérieure à 8 % et/ou d'hypoglycémies sévères ou fréquentes.
Quand adresser un patient à un diabétologue ?En USIC, l'insulinothérapie doit être réalisée par une équipe entraînée comprenant un diabétologue.
En cardiologie, un avis diabétologique est nécessaire s'il existe un diabète méconnu diagnostiqué à l'occasion du SCA, en cas d'HbA1c supérieure à 8 % chez un diabétique, lorsqu'un diabète devient insulino-requérant et en cas d'hypoglycémies sévères ou fréquentes.
Après la sortie de cardiologie, un avis est souhaitable si un diabète a été diagnostiqué lors de l'épreuve de charge en glucose 7 à 28 jours après le SCA pour la prise en charge éducative, la mise en place d'un traitement et l'organisation du suivi ultérieur en coordination avec le médecin traitant.
Citer cet article: Consensus SFD-SFC sur les objectifs glycémiques dans l'infarctus - Medscape - 5 avr 2012.
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