Paris, France - La prise en charge des patients souffrant d'insuffisance rénale (IR) chronique en France s'est manifestement améliorée en 10 ans. Les 3 millions de personnes concernées sont, par ailleurs, invitées à renouer avec un mode de vie normal, dénué de risque cardio-rénal [1].
Bientôt plus de greffés que de dialysés
Près de 3 millions de personnes en France vivent avec une insuffisance rénale chronique (IRC), une maladie silencieuse qui se solde, faute de prévention secondaire (qui n'existe pas dans certains cas ou qui est mal appliquée dans d'autres), par un traitement de suppléance par dialyse au stade terminal de l'IR. 80 000 patients en France sont en dialyse. L'incidence régionale est fonction de l'épidémiologie du diabète et des maladies vasculaires notamment, dont l'HTA.
Le Nord-Est est davantage concerné :400 nouveaux patients par million d'habitants et par an, à l'inverse de la Bretagne, par exemple, relativement épargnée (moins de 120).
"Les courbes respectives des greffés et des dialysés se croiseront probablement dans quelques années où le nombre des greffés sera plus élevé que celui des dialysés", prédit le Pr Maurice Laville, chef du service de néphrologie au CHU de Lyon et président de la Société Française de Néphrologie. On observe, par ailleurs, une stabilisation du nombre des IRC non diabétiques et une augmentation des IRC diabétiques, l'âge médian d'entrée en dialyse étant de 71 ans.
Un délai allongé entre la première consultation et la première dialyse
L'Observatoire ORACLE (pour Observatoire Roche Avant la Consultation de néphroLogiE) permet de comparer à 10 ans d'intervalle (1998-2008) la prise en charge des IRC. Les patients sont adressés majoritairement par les médecins généralistes au néphrologue. "Et ils le sont plus tôt qu'il y a 10 ans, constate-t-il, ce qui est une bonne chose, les chances de freiner l'évolution de la maladie étant alors meilleures".
La proportion d'IRC au stade 5 à la première consultation (filtration glomérulaire à moins de 15 ml/min) a ainsi été divisée par plus de 2. Par ailleurs, le délai entre la première consultation et la première dialyse a été allongé de plus d'un an (4,1 ans aujourd'hui, contre 3 en 1998), ce qui représente une économie de 160 séances de dialyse, soit 88 000€.
Malheureusement, encore 30 % des IRC débutent leur dialyse dans un contexte d'urgence, de dialyse non planifiée. Enfin, seulement 15 % des dialyses sont péritonéales, au détriment de l'autonomie.
La dialyse non inéluctable
A l'origine de cette IR terminale, le diabète dans plus de 22 % des cas, une HTA une fois sur 4 et une glomérulonéphrite dans 12 % des cas. Environ la moitié des IRC le devient donc à la suite d'une maladie "générale" sur laquelle il est possible d'intervenir. "La vitesse à laquelle chacun se rapproche de la dialyse peut être différente selon la prise en charge initiale, souligne le Pr Laville. L'évolution d'une IRC, en elle-même facteur de risque vasculaire, n'étant pas linéaire".
"En corrigeant l'anémie, le LDL cholestérol, l'uricémie, le diabète, l'HTA et l'addiction tabagique, bref en agissant sur tous les facteurs de risque cardiorénaux, on stabilise la fonction rénale et on retarde, voire on évite l'entrée en dialyse", indique le Pr Gilbert Deray, chef du service de néphrologie à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Une prise en charge globale qui est du ressort du médecin généraliste principalement et, naturellement, du patient lui-même (surpoids, activité physique, sommeil, etc.).
Des pistes pour améliorer la dialyse et l'accès à la greffe
"Il s'agit d'abord de préparer l'entrée en dialyse pour éviter les initiations en urgence. Au stade 3 de la maladie rénale en effet, rappelle le Pr Laville, qui correspond à une perte de la moitié de la fonction rénale, le débit de filtration glomérulaire est à moins de 60 ml/min et les modifications métaboliques patentes". Et dès ce stade 3, la dialyse doit être envisagée, avec la préservation du capital veineux et vaccination contre l'hépatite B, en plus, bien sûr, du diagnostic, de la prévention et du traitement des complications de l'IRC [2].
Autre progrès possible, le glissement des hémodialyses vers des dialyses péritonéales, pour davantage d'autonomie, qui effraient pourtant certains candidats à la dialyse quand elle n'est pas soigneusement expliquée, de façon précoce, et planifiée au domicile.
Sachant que pour la qualité et l'espérance de vie, mieux vaut prévoir d'emblée la transplantation. Et pour cela, dès la première dialyse, inscrire les IRC sur la liste des candidats à la greffe. Or, à peine la moitié des patients IRC de moins de 60 ans sont sur liste d'attente en France 15 mois après avoir débuté leur dialyse, 32 % quel que soit leur âge (66 % en Norvège), avec des disparités régionales que l'on comprend mal.
Autant de sujets qui seront débattus lors des Etats généraux de l'Insuffisance Rénale Chronique orchestrés par l'association Renaloo[3] à partir de ce mois de mars. "Ils se solderont par un colloque de restitution en mai 2013, point de départ d'un Plan ou d'un rapport dédié au rein", espère la fondatrice de Renaloo, Yvanie Caillé.
Dernière source précieuse d'informations, l'étude CKD-Rein à venir, financée grâce au grand Emprunt, conduite sur 10 ans et comprenant 3600 patients IRC, qui permettra de mieux apprécier les déterminants de la progression de la maladie et d'analyser les modalités de prise en charge au fil des ans.
Citer cet article: Du mieux dans la prise en charge de l'insuffisance rénale - Medscape - 3 avr 2012.
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