Des généralistes aux urgences ; proposition Sarkozy
27 mars 2012 Le candidat-président Nicolas Sarkozy a proposé de poster des médecins libéraux à l'entrée de chaque urgence hospitalière, pour les désengorger. Une vraie fausse bonne idée ?Paris, France — C'est l'une des dernières propositions du président-candidat Nicolas Sarkozy, annoncée sur M6 le 18 mars dernier, pour désengorger les urgences hospitalières : placer à l'entrée de chaque urgence hospitalière une maison "avec des médecins libéraux", qui auraient en charge la "bobologie", car "il y a trop de gens qui viennent aux urgences", et qui ne devraient pas y être. Ces maisons existent déjà, et ont pour nom maisons médicales de garde. Dans le dernier rapport du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) sur la permanence des soins, on note un boom de ces maisons de garde : elles sont en augmentation de 10% en 2011, confirmant leur croissance déjà enregistrée en 2010. Mais le Cnom alerte également sur leur fragilité, en particulier financière, qui met en péril leur pérennité.
Solution ancienne
Confier une partie des patients des urgences à des maisons médicales n'est pas une solution neuve. Elle avait été ébauchée par Elisabeth Hubert, en 2010, à l'occasion d'une mission que lui avait confié le ministère de la santé sur la médecine générale. En déplacement dans une maison médicale à Avignon installée à l'entrée du centre hospitalier d'Avignon, elle avait pu vanter les mérites de cette installation, tout en soulignant ses faiblesses. A commencer par leur financement, erratique, non institutionnalisé. Des faiblesses qui tiennent aussi aux relations, mauvaises, entretenues entre les urgentistes et les médecins généralistes (MG) de la maison médicale de garde (MMG). Ainsi, le Dr Stéphane Bourgeois, urgentiste du CH d'Avignon, pense que "la présence de MG peut entrainer une inflation d'examens complémentaires". Qui plus est, selon Stéphane Bourgeois, ce sont aux urgentistes de faire le tri à l'entrée des urgences, et non aux médecins généralistes.
Précarité
Les MMG ne prennent pas non plus le tiers payant, contrairement aux urgences. Ainsi, la population précaire, de plus en plus nombreuse à fréquenter les urgences, rechigne à s'adresser aux MMG. Et les urgences, de ce fait, ne sont pas moins engorgées.
Pour pallier ces difficultés, le rapport d'Elisabeth Hubert remis en 2010 préconisait de sécuriser le statut juridique des regroupements de professionnels de santé, et de pérenniser leur financement. Mais les maisons médicales de garde ne peuvent pas non plus répondre totalement à l'impératif formulé par Nicolas Sarkozy, à savoir désengorger les urgences, pour une raison bien simple : elles ne sont ouvertes que le soir, de 20 heures à minuit, et le week-end.
Maisons de santé pluridisciplinaires
En revanche, les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) peuvent répondre à ce besoin. Un rapport pour relancer le développement de ces MSP avait été remis en janvier 2010 à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Il préconisait entre autres choses de leur créer un statut juridique, et de sortir ces MSP d'une vocation sociale. Pendant l'année 2011, Xavier Bertrand annonçait qu'il voulait multiplier par quatre le nombre de maisons de santé, "pour que nous en ayons 240 à la fin de l'année". En août 2011, la loi Fourcade renforçait leur statut juridique en précisant qu'elles avaient la qualité de "personne morale". Mais, pour pouvoir bénéficier du label "maison de santé", encore faut-il pouvoir justifier d'un projet de santé, et répondre à un cahier des charges dicté par le ministre de la Santé. La même loi créait légalement le statut de société interprofessionnelle de soins ambulatoire (Sisa), qui permettait d'apporter un statut juridique à tout regroupement de professionnels de santé libéraux.
Vives oppositions
Néanmoins, qu'il s'agisse de maisons médicales de garde ou de maisons de santé à l'entrée des urgences, cette proposition de Nicolas Sarkozy a suscité de très vives oppositions. Ainsi, le syndicat de médecins hospitaliers SNPHAR-E pense que "c'est une manière de plus d'instaurer une médecine à deux vitesses : les urgences qui pourront se payer le médecin libéral dans sa maison libérale, avec bien sûr dépassements d'honoraires, et les autres ? Le syndicat d'urgentistes Amuf a également exprimé son scepticisme dans un communiqué : "Depuis dix ans, les rares maisons médicales qui ont été créées n'ont jamais donné les résultats escomptés : coûteuses, sans effet sur la fréquentation des urgences." Le SNPHAR-E propose en revanche une solution alternative : la création de "maisons de santé hospitalières".
Que disent les autres candidats ?
Et que proposent les autres candidats ? François Bayrou, à l'instar de Nicolas Sarkozy, propose la création de "maisons médicales pour traiter les urgences bénignes". Jacques Cheminade veut mobiliser 1,5 milliard d'euros pour les urgences. François Hollande privilégie de son coté la création de pôles de santé, tandis qu'Eva Joly opte pour la promotion de maisons de santé. Le candidat du NPA Philippe Poutou propose, quant à lui, la prise en charge du premier recours par des centres publics, ersatz des centres de santé existants.
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Citer cet article: Des MG pour désengorger les urgences, une idée neuve ? - Medscape - 27 mars 2012.
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