Environ 30% des cancers du sein et du côlon évitables par l'activité physique

Muriel Gevrey

Auteurs et déclarations

21 mars 2012

L'activité physique diminue d'environ 30 % les cancers du sein et du colon

Les études s'accordent pour affirmer un bénéfice important de l'activité physique pour la prévention de l'incidence du cancer, la réduction de la mortalité et l'amélioration de la qualité de vie après traitement.

21 mars 2012

Paris, France —Lors du Forum européen cœur, exercice et prévention 2012, le Pr Martine Duclos (chef du service de Médecine du Sport au CHU de Clermont-Ferrand) a fait une démonstration convaincante de l'apport de l'activité physique dans le cadre d'un mode de vie sain pour prévenir la survenue et améliorer les suites du cancer du côlon et du sein. La preuve est la mieux établie dans ces deux localisations. Hormis pour les cancers de la lignée médullaire type lymphomes, il semble que l'activité physique a un impact favorable sur de nombreux cancers compte tenu de ses mécanismes multiples inhibant la cancérogenèse cellulaire. Un argument supplémentaire dans le cadre de la réadaptation cardiovasculaire [1].

Dans la prévention primaire du cancer du côlon, le niveau de preuves provenant de nombreuses études est élevé. Au moins 60 études évaluant l'activité physique et comparant les sujets les moins actifs aux plus actifs montrent que l'exercice réduit de 20 à 25 % le risque de cancer du côlon, à facteur de risque égal.

La méta-analyse de Friedenreich sur 52 études pointe une réduction du risque de 24 % par l'exercice physique [2]. « Il existe un effet dose/réponse et le type d'exercice physique n'a pas d'importance » relève le Pr Duclos.

L'effet bénéfique de l'exercice physique est présent quel que soit l'index de masse corporelle mais le bénéfice est observé dans les cancers du côlon mais pas sur l'incidence des cancers du rectum.

Hygiène de vie saine

Un rapport de l'ANSES en mai 2011 ne montre pas d'effet de l'alimentation isolée sur la prévention du cancer colorectal. Il s'agit probablement d'une combinaison vertueuse entre alimentation saine et activité physique comme le suggère une étude prospective danoise sur 55 487 personnes de 50 à 64 ans suivies durant 9,9 ans [3]. Les auteurs ont étudié 678 cas incidents de cancer colorectaux diagnostiqués en prenant en compte l'hygiène de vie basée sur les recommandations en 5 items en leur donnant une note de 0 à 1. Les cinq items comportaient : activité physique, tour de taille, tabac, alcool et régime alimentaire (fibres, % de graisses dans la ration calorique, % de viande rouge et en préparation industrielle et la consommation de fruits et légumes).

Ils ont estimé la proportion des cancers colorectaux attribuables au manque d'adhésion à ces recommandations. En comparant le deuxième quintile le plus élevé au quintile le moins élevé, la réduction du risque relatif est de 30 %. Elle s'élève à 58 % en comparant le quintile le plus bas au plus haut. Le bénéfice suit ainsi une relation linéaire avec la quantité d'activité physique.

Après ajustement, chaque point supplémentaire correspondant à une recommandation d'hygiène de vie était associé à une diminution du risque de cancer colorectal (-11 %). Dans cette population, un total estimé de 13 % (4 à 22 %) des cas de cancer colorectaux était attribuable au manque d'adhésion à au moins une recommandation parmi l'ensemble de la population sauf les sujets au comportement irréprochable. Si tous les participants suivaient les cinq recommandations, 23 % (9 à 37 %) des cancers auraient pu être évités

Des recommandations qui rejoignent le cardiovasculaire

Pour le cancer du sein, les études les plus documentées concernent la femme ménopausée. Quelle que soit l'étude, l'activité physique diminue de 30 % le risque relatif entre les femmes actives et les non-actives. Et c'est chez les femmes ménopausées que l'activité physique est le plus efficace.

Mais, il y a peu d'études chez la femme non ménopausée. Le groupe où l'exercice physique est le plus manifeste est les femmes ménopausées, d'IMC normal, ayant eu des enfants et sans antécédent familial de cancer du sein. « On réduit de 10 % à chaque fois que l'on rajoute deux heures d'activité physique par semaine » a indiqué le Pr Duclos. « Les associations sont les plus élevées pour les activités de loisir maintenues tout au long de la vie ou au moins en post-ménopause ».

En ce qui concernerait la répartition inégale des comorbidités qui pourrait fausser l'interprétation des résultats, le Pr Duclos a mentionné « il n'y a pas de biais méthodologiques, il semble qu'on a le même effet  qu'il y ait ou non comorbidité».

Selon ces calculs, il serait possible d'éviter 20 000 cancers du sein et du colon chaque année. Il y a des preuves fortes et convaincantes que l'activité physique réduit le risque de plusieurs cancers et qu'entre 9 et 19 % des cas de cancers pourraient être attribuables au manque d'activité physique en Europe. Les recommandations s'orientent vers la pratique de 30 à 60 minutes d'activité physique modérée à intense, au moins cinq fois par semaine [2]

Aussi en prévention tertiaire

Une méta-analyse de 6 études de cohorte montrent sur 12108 patientes qu'après le diagnostic de cancer du sein, les sédentaires qui se mettent au sport ont une mortalité par cancer du sein inférieure de 34 % aux patientes qui restent sédentaires (HR=0,66, IC à 95 % de 0,57-0,77, P<0,00001). La mortalité globale recule de 41 % (HR=0,59, intervalle de confiance de 0,53-0,65, P<0,00001) et les récidives diminuent de 24% (HR=0,76, intervalle de confiance à 95% de 0,66-0,87, P=0,00001). D'où l'intérêt de l'exercice physique chez les femmes ayant été soignées pour un cancer du sein.

Pour le cancer du côlon, la Nurse's Health Study indique que l'initiation d'une activité physique régulière après le diagnostic diminue de 57 % la mortalité globale et de 61 % la mortalité par cancer sur 573 femmes souffrant d'un cancer colorectal de stade I à III non métastatique. Les récidives sont réduites de 47 % à trois ans dans le groupe des femmes ayant une activité de 18 MET par semaine comparativement à celles ayant une activité hebdomadaire de moins de 3 MET.

L'exercice réduit la prise de poids, estimée à 1,5 à 2 kg après le traitement du cancer et qui est connue pour augmenter le risque de récidives. Elle améliore la sensation de fatigue chronique qui est très lente à disparaître. C'est aussi un bon appoint contre l'anxiété et la dépression et les pathologies cardiométaboliques. Reste que ce sont des études observationnelles. « Il n'y a pas de cause à effet démontrée, il faudrait des études randomisées » a précisé la spécialiste.

L'activité physique agit à de multiples niveaux : la prolifération cellulaire, l'insulino-résistance, la sécrétion d'IGF1, la production locale d'hormones stéroïdes, le stress oxydant et la micro-inflammation. Le muscle comme le tissu adipeux produit des cytokines dont on ne connaît pas encore totalement la fonctionnalité mais il est loin d'être inerte sur le plan métabolique. « Ça évolue beaucoup » a conclu le Pr Duclos.

Le Pr Martine Duclos n'a pas déclaré de lien d'intérêt avec cette présentation.

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