Paris, France— Lors des XXIIèmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC), une session consacrée au diabète a rappelé les trois objectifs de traitement de prévention cardiovasculaire [1]. Entre 6,5 % et 7 % d'hémoglobine glyquée (HbA1c), entre 130/80 et 140/90 mm de Hg de pression artérielle et un LDL-cholestérol proche de 0,7 g/l en prévention secondaire, recommandent respectivement le Pr Samy Hadjadj (CHU La Miletrie, Poitiers), le Pr Jacques Blacher (Hôtel Dieu, Paris) et le Pr Bruno Vergès (CHU de Dijon). Enfin, pour le Pr Olivier Morel (CHU de Strasbourg), l'aspirine est à discuter en prévention primaire au cas par cas dès que le risque cardiovasculaire à 10 ans dépasse 10 %.
Le Pr Hadjajd a rappelé qu'il existe un seuil de 6,5 % d'HbA1c au-delà duquel la rétinopathie diabétique progresse. Il y a donc une vraie valeur seuil pour les complications microvasculaires. Sur le plan macrovasculaire, en revanche, cette valeur seuil n'existe pas, et le risque augmente linéairement avec le taux d'hémoglobine glyquée.
Pour corser l'affaire, la situation est contrastée entre les deux types de diabète. Par rapport au traitement conventionnel, le traitement intensif du diabète de type 1 réduit de 42 % le risque cardiovasculaire selon l'étude DCCT (Diabetes Control and Complications Trial).
En revanche, dans le diabète de type 2, les études ACCORD (Action to control cardiovascular risk in diabètes), ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular Disease, perindopril And indapamide controlled evaluation) et VADT (Veterans Affairs Diabetes Trial), montrent que l'intensification du traitement n'a aucun effet sur le risque cardiovasculaire avec même une surmortalité qui a conduit à l'arrêt prématuré de l'étude ACCORD.
Un effet-mémoire glycémique
Pourtant, sur le rein, les résultats d'ACCORD à 5 ans montrent un bénéfice du traitement intensif sur le débit de filtration glomérulaire. Il faut prendre en compte un « effet-temps » qui a été prouvé dans l'étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study). La réduction initialement non significative des infarctus du myocarde est devenue significative lors du suivi prolongé de cinq ans de l'UKPDS. Idem pour la réduction de la mortalité toutes causes qui est passée de 6 % à 13 %.
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Pr Samy Hadjadj |
En somme, chez le diabétique jeune, l'objectif est de 6,5 % d'hémoglobine glyquée, une hausse de 1 % étant liée à une augmentation de 40 % du risque microvasculaire. Selon l'étude ADVANCE, l'objectif pour les patients ayant déjà fait un accident cardiovasculaire est de 7 %, compte tenu d'une hausse de 38 % du risque cardiovasculaire à chaque augmentation de 1 % d'HbA1C.
Un léger flou sur les objectifs tensionnels
S'agissant de la PA, le Pr Blacher a précisé qu'en 2009, l'European Society of Cardiology recommandait un objectif tensionnel assez conservateur de 140/90 mm de Hg, alors que les guidelines canadiennes de 2010 fixaient le seuil à 130/80 mm de Hg, après de longues hésitations du panel entre 140/90 et 130/80 mm de Hg. Plusieurs travaux suggèrent néanmoins qu'il ne faut pas descendre trop bas.
L'étude INVEST (INternational VErapamil SR Trandolapril STudy) montre ainsi qu'il n'y a pas de bénéfice à aller en-dessous de 140 mm Hg sur la PAS. L'étude ACCORD montre, quant à elle, que réduire la PAS en dessous de 120 mm Hg permet de réduire les AVC, mais pas l'ensemble des évènements cardiovasculaires. Pour autant, « on ne peut pas faire l'économie des moyens » a souligné le Pr Blacher.
L'étude ACCOMPLISH (Avoiding Cardiovascular Events in Combination Therapy in Patients Living with Systolic Hypertension) montre bien que l'association moderne bénazépril-amlodipine fait mieux que l'association ancienne bénazépril-hydrochlorothiazide. L'étude ROADMAP (Randomised Olmesartan And Diabetes MicroAlbuminuria Prevention Study) vient encore brouiller les cartes, l'ajout d'olmesartan s'étant soldé par une augmentation significative de la mortalité cardiovasculaire.
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Pr Jacques Blacher |
Il a précisé que le blocage complet du système rénine-angiotensine aldostérone (SRAA) a été définitivement enterré à la suite de l'arrêt récent et prématuré de l'essai ALTITUDE avec l'aliskiren chez le diabétique de type 2 et les déboires d'ONTARGET dans le passé.
« L'aliskiren s'est positionné sur le créneau de la néphropathie sévère du diabétique, et le défi était de bloquer complètement le SRAA », a précisé le Pr Blacher. Le comité d'évaluation a estimé qu'il n'y avait plus de probabilité de dégager un bénéfice clinique, et ce d'autant qu'un excès d'effets adverses (insuffisance rénale aiguë, hyperkaliémie, accident vasculaire cérébral) était noté sous aliskiren.
Un risque résiduel élevé sous statine
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Pr Bruno Vergès |
En prévention primaire, l'objectif est moins bien défini, la réduction du cholestérol devant être d'au moins 20 % par rapport à la valeur initiale pour escompter un bénéfice cardiovasculaire. « Dans toutes les études, la réduction du risque est significative si on réduit vraiment le cholestérol sous traitement », a souligné le Pr Vergès.
Le risque résiduel reste néanmoins élevé, supérieur à celui des non diabétiques. Il est vrai que les statines ne visent que le LDL et laissent de côté les triglycérides et le HDL. Si les triglycérides sont supérieurs à 200 mg/dl et que le cholestérol HDL est bas, il y a un bénéfice cardiovasculaire avec les fibrates (surtout pas de gemfibrozil associé à une statine), mais sans objectif clair sur les triglycérides. Il y a encore peu de moyens pour faire augmenter le HDL.
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Pr Olivier Morel |
Le Prs Samy Hadjadj, Jacques Blacher, Bruno Vergès et Olivier Morel n'ont pas déclaré de conflits d'intérêt en rapport avec leur présentation. |
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Citer cet article: Diabète : quelle est la prévention cardiovasculaire optimale ? - Medscape - 20 janv 2012.
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