Mode d'emploi pour une substitution nicotinique efficace

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

17 janvier 2012

17 janvier 2012

Nancy, France -- À l'occasion de la Semaine Médicale de Lorraine 2011 , le Pr Francis Raphaël (Nancy) du Réseau Lorraine Stop Tabac, a rappelé quelques règles essentielles et principes simples pour le sevrage tabagique [1]. Accompagner les patients dans l'arrêt du tabac est en effet du ressort du généraliste, mais la tâche est loin d'être facile quand on sait que la nicotine est aussi, sinon plus addictive, que l'héroïne, comme l'a affirmé le Pr Yves Martinet (CHU de Nancy) [2].

La motivation du patient, la compétence du médecin, le renforcement psycho-comportemental et le suivi dans la durée -- « parler d'abstinence à 3 mois est illusoire, il faut un suivi de 1 an » considère le Pr Francis Raphaël -- ainsi que le traitement médicamenteux par substituts nicotiniques constituent les critères-clés du succès du sevrage tabagique. Sachant qu'aujourd'hui, le traitement médicamenteux se résume aux seuls substituts nicotiniques : « On ne parle plus du Zyban®, ni du Champix® à cause de leurs effets iatrogènes importants même si ils ont fait avancer la prise en charge du sevrage » indique le Pr Raphaël.

Quels substituts nicotiniques ? À quelles doses ?



La dose est à déterminer en fonction de 2 critères : Le test de Fagerström
Le nombre de cigarettes consommées par jour sachant qu'une cigarette correspond à environ 1 mg de nicotine, et un paquet par jour à environ 20 mg de nicotine.

Les substituts nicotiniques



  • Patchs (timbres) à la nicotine

    • Il en existe 2 sortes :

    • Absorption sur 24 heures : 7, 14 et 21 mg de nicotine.

    • Absorption sur 16 heures : 5, 10 et 15 mg de nicotine.

    • La nicotine est délivrée à 1 posologie importante. L'avantage, c'est une posologie facile à fixer, avec l'inconvénient toutefois d'une délivrance continue qui rend parfois difficile la gestion d'une charge émotionnelle imprévue.  « D'où l'intérêt d'associer des comprimés à sucer pour les envies compulsives, considère le Pr Raphaël. En cas d'intolérance cutanée au patch, il est possible de changer de marque et de prescrire une crème corticoïde de classe III sinon envisager une autre forme galénique. »

  • Gommes à mâcher et comprimés sublinguaux

    • « Les gommes ne sont pratiquement plus prescrites, en raison de leur faible rendement, même bien mâchées, elles n'apportent que 40 % du taux de nicotine indiqué », signale le Dr Raphael. Par ailleurs, elles ne sont pas dénuées d'effets indésirables : brûlures d'estomac, aphtes, incompatibilité avec les appareils dentaires.

    • Plus intéressants, les comprimés à sucer et sublinguaux ont un rendement en nicotine de 100 %.

  • Inhaleur

    • Ce fume-cigarette comportant une cartouche de nicotine est intéressant car il reproduit la gestuelle. « Il importe néanmoins d'indiquer un comportement de remplacement. Personnellement, je conseille d'avoir une bouteille d'eau et un gobelet à portée de main, et de boire dès que l'envie d'une cigarette survient » mentionne le Dr Raphael.

    • Avantage : l'apport rapide de nicotine.

    • Inconvénient : difficulté à doser la posologie.


Pas de réelles contre-indications
Les substituts nicotiniques ont cet avantage qu'ils ne présentent pratiquement pas de contre-indications.
Chez le patient cardiaque : ni l'angor, ni l'infarctus, ­même en phase aiguë, ne présentent de danger.
Chez la femme enceinte : Il faut penser à enlever le patch la nuit pour éviter un risque d'accumulation de la nicotine dans le liquide amniotique d'où l'intérêt des patchs à 16 h d'absorption (risque diminué en cas d'oubli).

Cas pratique

Chez un gros fumeur (avec un test de Fagerström > 5), il faut bien déterminer la posologie initiale. « Ne pas hésiter à prescrire 2 patchs par jour si nécessaire : 21 mg + 7 mg, par exemple, si le candidat au sevrage fume 20 à 30 cigarettes par jour. À associer avec des comprimés pour les envies compulsives, puis réévaluer à J5-J7 et réduire progressivement la posologie toutes les 4 semaines d'environ d'un tiers. Chez les très gros fumeurs, on peut démarrer avec 2 patchs (21 + 21 mg) puis décroître à 21 + 14 mg puis 21 + 7 mg puis 21, 14 et pour finir 7 mg » indique le Pr Raphaël.

Question de poids
« Il faut accepter une prise de poids de 1 à 3 kg », prévient le Pr Raphaël. Le poids d'un fumeur est toujours inférieur à celui d'un non-fumeur car la nicotine est un coupe-faim et un activateur du métabolisme. En revanche, on peut fournir une feuille de conseils diététiques et proposer d'augmenter la part d'activité physique. Si la prise de poids dépasse 2 kg, il faut orienter vers un diététicien.

Reconnaître le sur- et le sous-dosage en nicotine


  • Le surdosage en nicotine
    On le repère à :

    • l'absence totale de syndrome de sevrage et de besoin de fumer

    • l'apparition dès le 1er jour de nausées, palpitations, céphalées, bouche pâteuse, insomnie sévère, cauchemars, diarrhées qui disparaissent à la diminution de la dose de nicotine. 

  • Le sous-dosage en nicotine
    On le repère à :

    • l'existence d'une pulsion à fumer, de nervosité, d'irritabilité corrélées à l'absence d'apport en nicotine.

    • Réduction du syndrome  par un apport suffisant de substituts nicotiniques

Comment les gérer ?



L'idée est d'ajuster les doses dès les 1ers jours, n'hésitez pas dire à vos patients : « Si vous avez un souci, appelez-moi dans les 48 heures » recommande le Pr Raphael. Il faut  trouver en 1 à 2 semaines la posologie qui supprime le syndrome de manque et ne donne pas de signes de surdosage. « Si le patient continue à fumer au bout de 2 semaines, il faut reprendre le problème. Sachant que la seule réelle contre-indication au sevrage tabagique, c'est la dépression (à apprécier par l'échelle HAD). Dans ce cas, il faut soigner d'abord la dépression avant d'instaurer un sevrage tabagique. Le schéma traditionnel consiste à mettre en place un sevrage pendant 2 à 3 mois puis à diminuer les doses toutes les 4 semaines ».

À retenir 
  • Associer différentes formes galéniques pour arriver à une substitution nicotinique pertinente qui évitera le syndrome de manque.





RÉFÉRENCES
  1. Raphael F. D'après la communication « La substitution nicotinique dans l'arrêt de tabac, comment la prescrire, comment la suivre ? ». Semaine médicale de Lorraine. 22 novembre 2011.

  2. Martinet Y. La consommation de tabac, un problème de société. Semaine médicale de Lorraine. 22 novembre 2011.

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