L'antalgie après le retrait du dextropropoxyphène (Di-Antalvic)?
Après le retrait du Di-Antalvic® et peut-être bientôt Rivotril®, les alternatives proposées de la Société Française de Rhumatologie pour la prise en charge des douleurs. 14 décembre 2011Paris, France — Après le retrait du dextropropoxyphène (Di-Antalvic ®) et peut-être bientôt du clonazépam (Rivotril ®), une approche plus analytique de la douleur, de son diagnostic et de son traitement, devrait bénéficier davantage au patient. Les propositions de la Société Française de Rhumatologie (SFR) à l'occasion de son 24è Congrès à Paris. [1]
Le dextropropoxyphène (DXP) et la trentaine de spécialités à base de DXP ont été retirés du marché définitivement depuis le 1er novembre 2011. Or cet antalgique de palier 2 commercialisé depuis 1964 était parfaitement ancré dans les habitudes antalgiques des patients douloureux et de leur médecin puisqu'en 2008 par exemple, il s'est vendu 70 millions de boîtes du médicament. Depuis, 45 % de ces prescriptions ont glissé vers le paracétamol (mais à quelles doses ?) et 55 % vers les antalgiques de niveau 2, de type tramadol pour 20 %, codéine 20 % et lamaline 18 %.
Les nouvelles recommandations de l'Afssaps
« La stratégie de prise en charge actualisée en mai 2011 des douleurs modérées à intenses de l'adulte consiste en une évaluation de la douleur initiale, puis régulièrement, et en un bilan des traitements prescrits ou d'automédication (particulièrement pour les douleurs chroniques). Le choix du médicament se faisant sur l'intensité de la douleur, son caractère aigu ou chronique, les traitements concomitants et le terrain », résume le Dr Pascale Vergne-Salle (CHU Dupuytren à Limoges).
Sur une douleur aiguë par excès de nociception qualifiée de légère à modérée, il est conseillé de donner 3 à 4 g de paracétamol par jour ; un AINS à faible dose (antalgique) en cure courte ou un opioïde faible (codéine ou tramadol) pour une douleur modérée à intense ; enfin, un opioïde faible, voire fort, pour une douleur aiguë intense.
Sur une douleur chronique jusqu'ici contrôlée par 2 à 4 gélules de DXP, on propose du paracétamol et si cela est insuffisant, un opioïde faible ; si la douleur était contrôlée avec 4 gélules au moins de DXP, un opioïde faible éventuellement complété de paracétamol (3 g) est conseillé.
Les opioïdes faibles (codéine, tramadol ou lamaline) ont tous des effets indésirables, des précautions d'emploi et des contre-indications, et la vraie question est de savoir s'il faut prescrire des opioïdes faibles à doses thérapeutiques ou des opioïdes forts à faibles doses : 60 mg de codéine équivalant à 10 mg de morphine, donc 6 comprimés par jour d'une association de codéine à 30 mg et de paracétamol sont l'équivalent de 30 mg de morphine. Un comprimé de lamaline, combinaison de paracétamol (300 mg)/poudre d'opium (10 mg)/caféine (30 mg), équivaut à 1 mg de morphine ; et 3 à 5 gélules (la dose journalière) à 3 à 5 mg de morphine.
Revenir aux mécanismes physiopathologiques
« La classification des antalgiques par l'OMS en fonction de l'intensité de la douleur, sans études qui valident cette graduation artificielle de l'efficacité des antalgiques, est à l'évidence obsolète » observe le Pr Philippe Bertin, chef du service de rhumatologie au CHU de Limoges. Et commencer par un palier 1 avant d'atteindre un palier 3 si la douleur le "mérite", une perte de temps. Certaines douleurs aiguës intenses comme celles des fractures ostéoporotiques justifient que l'on commence d'emblée par un palier 3, pour descendre ensuite vers un palier 2 puis 1. À l'inverse, des opioïdes, fussent-ils forts, n'ont aucun effet sur les douleurs neuropathiques, où l'on utilise d'autres médicaments que les antalgiques.
Il s'agit donc d'optimiser la prise en charge, à la faveur du retrait du DXP, grâce à une approche plus analytique de la douleur. « Pour cela, on doit en reconnaître les différentes composantes, affectivo-émotionnelle, comportementale, cognitive, etc., différentier les douleurs neuropathiques des douleurs nociceptives, parfois associées, en particulier dans notre spécialité », prévient-il. On peut débusquer la composante neuropathique à l'aide du questionnaire DN4.[2] Et, bien sûr, mesurer l'intensité de cette douleur sur l'échelle visuelle analogique (EVA).
Autre paramètre pour la prise en charge, déterminant, les attentes prioritaires du patient : certains veulent récupérer un périmètre de marche, d'autres préfèrent soulager des douleurs nocturnes. Enfin, les techniques non médicamenteuses peuvent être un excellent appoint.
À chaque douleur (et douloureux), son antalgique
Une douleur nociceptive inflammatoire devrait être soulagée par un AINS. Si elle est non inflammatoire ? Par un antalgique classique, non opioïde en première intention. Une douleur par excès de nociception, qui évolue sur un mode chronique, par un antalgique antinociceptif (la codéine) associé au paracétamol. Une goutte, par de la colchicine. « Une hyperalgésie induite par de la morphine en post-opératoire par exemple, par de la kétamine », suggère le Pr Bertin.
Une douleur neuropathique peut être traitée par un opioïde faible type tramadol (mixte, à la fois antihyperalgésique et antinociceptif), un modulateur des contrôles descendants de la douleur, des voies sérotoninergiques ou noradrénergiques, comme un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, ou un modulateur de la sensibilité périphérique, type carbamazépine. « Cette approche est plus conforme à la réalité de la douleur, pour un patient donné », estime-t-il.
La posologie et le rythme des prises sont fonction de l'objectif du patient, douloureux et/ou fonctionnel.
Citer cet article: Quid de l'antalgie après le retrait du dextropropoxyphène ? - Medscape - 14 déc 2011.
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