Quand une dysfonction érectile résiste aux médicaments

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

8 décembre 2011

Dysfonction érectile, quand utiliser injections, vacuum et implants. AFU 2011

En cas d'échec des médicaments oraux de la dysfonction érectile, injections intracarverneuses, vacuum et implants péniens peuvent être proposés.
8 décembre 2011

Paris, France — Dans le cadre de la séance plénière du jeudi 16 novembre du 105e congrès de l'Association Française d'Urologie (AFU), le Pr François Giuliano (Garches) a animé une table ronde consacrée à la dysfonction érectile résistante aux médicaments oraux [1].

Dans les pays occidentaux, 20 à 45 % des hommes sont ou seront un jour concernés par les troubles de l'érection.

Les traitements de 1re intention sont les comprimés de la classe des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, le sildénafil (Viagra®, Pfizer), le tadalafil (Cialis®, Eli Lilly) et le vardénafil (Levita®, Bayer Schering Pharma). Ils donnent de très bons résultats chez la plupart des patients en termes d'efficacité et du nombre de rapports jugés satisfaisants; cependant, chez un patient sur trois, toutes causes de dysfonction érectile confondues, ils ne suffisent pas.

François Giuliano a cependant rappelé qu'un certain nombre de patients pouvaient être rattrapés lorsqu'il leur était expliqué que la prise des médicaments oraux devait impérativement être suivie d'une stimulation sexuelle pour être efficace.

La sous-catégorie de patients qui présentent des comorbidités ou des étiologies bien identifiées ont des résultats moins bons.

Chez les patients diabétiques, les insuffisants coronariens et les hypertendus, moins de 60 % des rapports sont jugés satisfaisants. De même, après prostatectomie totale, moins d'un rapport sur deux est jugé satisfaisant avec le tadalafil et les résultats sont encore moins probants avec le vardénafil.

Le plus souvent, les patients non répondeurs ont une organicité sévère. Ils ont subi une prostatectomie totale, une chirurgie carcinologique pénienne, sont diabétiques insulino-dépendants ou non, ont des pathologies cardiovasculaires relativement évoluées ou des comorbidités multiples.

En cas d'échec des IPDE-5, selon les recommandations internationales, le médecin doit simultanément présenter au patient les deux solutions alternatives de deuxième intention que sont les injections intracaverneuses et le vacuum.

Il ne s'agit plus d'érections naturelles, comme celles facilitées par les comprimés, mais d'érections artificielles, induites, de manière pharmacologique ou mécaniques. Outre un apprentissage médicalisé, elles nécessitent une bonne communication au sein du couple et la collaboration de la (ou du) partenaire.

Injections intracaverneuses : la dose recommandée est-elle la dose optimale ?

Les injections intracaverneuses sont particulièrement utilisées en France. Elles consistent à injecter dans la verge de la prostaglandine E1 ou alprostadil qui provoque un afflux de sang artériel et donc l'érection.

L'utilisation des injections intracaverneuses est limitée à deux injections par semaine selon l'AMM. La dose de prostaglandine E1 à injecter est déterminée par le médecin, sachant qu'en France, l'Autorisation de Mise sur le Marché spécifie qu'elle ne doit pas dépasser 20 µg.

« Toutefois, une étude a montré que chez les patients non répondeurs au sildénafil, la dose moyenne pour obtenir une efficacité était de 27 µg. La dose de 20 µg est donc probablement insuffisante pour traiter la majorité des non-répondeurs aux IPDE-5. Dans de nombreux pays, comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne, la prostaglandine E1 est enregistrée à des doses de 40 µg et donc, je n'ai pas d'hésitation particulière à prescrire une posologie supérieure à 20 µg si les patients ne sont pas satisfaits. À mon sens, il est possible de prescrire 40 voir 60 µg à des patients qui ne répondent pas à la posologie de 20 µg. Le seul problème est que c'est hors AMM », a souligné François Giuliano.

Un des avantages des injections est qu'elles sont remboursées à 35 % dans les cas ci-dessous :

- paraplégie et tétraplégie qu'elle qu'en soit l'origine ;

- traumatisme du bassin, compliqué de troubles urinaires ;

- séquelles de chirurgie (anévrisme de l'aorte, prostatectomie radicale, cystectomie totale, exérèse colorectale ou de radiothérapie abdominopelvienne) ;

- séquelles du priapisme ;

- neuropathie diabétique avérée ;

- sclérose en plaques.

Les principaux inconvénients des injections intracaverneuses sont la nécessité de l'apprentissage du geste, le risque de priapisme si la détermination de la posologie optimale n'a pas été correctement réalisée et le fait qu'elles peuvent être douloureuses. « Je n'hésite pas à prescrire de la papavérine jusqu'à 80 mg/mL dans ces situations de douleurs liées au médicament, en particulier chez les diabétiques ou après prostatectomie. La papavérine a encore une place, à mon sens, chez les patients non répondeurs aux IPDE5  », a indiqué François Giuliano. «  Son efficacité est très documentée mais sa prescription est hors AMM», a-t-il précisé.

En ce qui concerne les associations de comprimés oraux et d'injections intracaverneuses, la logique pharmacologique consiste à penser que lorsque les patients sont non répondeurs aux comprimés et peu aux injections, il serait possible de bénéficier de l'association des deux parce que les deux options sollicitent des voies de signalisation dans la cellule musculaire lisse qui font intervenir des nucléotides cycliques différents. « Le problème est que nous avons extrêmement peu de données sur cette question », a remarqué l'orateur.

Le vacuum nécessite un certain entraînement

Le vacuum est peu utilisé en France alors qu'il l'est plus aux États-Unis (10 % des indications).

Une fois le pénis placé dans le vacuum, un système de pompe permet de faire le vide. La dépression provoque alors de manière mécanique l'afflux de sang dans la verge, à l'origine de l'érection : celle-ci est maintenue grâce à un anneau de compression disposé à la base du pénis et disparait lorsqu'on retire l'anneau. « Le type d'anneaux a évolué. On parle à présent d'anneaux ventouses qui se placent à la base de la verge et qui permettent une aspiration sans fuite », a noté le Dr Jean-Marc Rigot, chirurgien urologue à l'hôpital Calmette de Lille.

Le vacuum nécessite un certain entraînement et l'adhésion des deux partenaires qui doivent surmonter le manque de charme. Avec les injections, l'érection est classique alors qu'avec le vacuum, il faut que le couple aide à la pénétration.

« Toute la difficulté est la façon de le prescrire. Il faut présenter un petit film pour expliquer aux gens ce que c'est. Je leur propose un essai en consultation et après je leur laisse l'appareil pour qu'ils essayent. Plus de 3 fois sur 4, les patients y arrivent et optent pour cette prise en charge », a signalé l'orateur.

Dans la série des avantages, ce dispositif permet une érection sans apport pharmacologique. En outre, par rapport aux injections intracaverneuses, l'utilisation du vacuum permet d'obtenir un gland beaucoup plus bombé, et donc plus « attrayant ». Autre plus de la technique : elle peut être utilisée en récupération des échecs de prothèse pour retrouver une certaine longueur.

Son coût est d'environ 300 euros qui ne sont pas remboursés par l'Assurance Maladie mais le vacuum représente un investissement durable.

Implants péniens : l'option de troisième ligne

En France, moins de 500 prothèses péniennes sont posées chaque année, contre 20 000 aux États-Unis, des chiffres qui témoignent de l'influence de la culture dans la prise en charge de la dysfonction érectile.

« D'après les recommandations, les implants péniens sont indiqués en cas d'échec des autres thérapeutiques ou si le patient ne souhaite pas poursuivre l'utilisation des injections intracaverneuses ou d'un vacuum. », a indiqué le Dr Antoine Faix, chirurgien urologue à Montpellier.

Ils consistent à remplacer les tissus érectiles par une prothèse semi-rigide ou gonflable, posée lors d'une intervention chirurgicale sous anesthésie générale.

Les implants semi-rigides consistent en une prothèse malléable qui confère la rigidité au pénis en permanence. L'implant gonflable est celui qui est posé le plus fréquemment (dans environ 3/4 des cas). Il est d'une utilisation plus souple que l'implant semi-rigide. Il est doté d'un réservoir qui va permettre d'obtenir la rigidité au moment voulu, grâce à l'action d'une petite pompe située dans le scrotum. À la fin du rapport, une manœuvre simple permet de retrouver un pénis flacide.

En revanche, ces prothèses nécessitent parfois une ré-intervention soit du fait d'un dysfonctionnement du dispositif, soit à la suite d'une infection. Cependant, grâce à la nouvelle génération d'implants enduits d'antibiotiques ou qu'il est possible d'imprégner d'antibiotiques, le taux de sepsis a fortement diminué.

« En primo implantation, nous sommes à moins de 3 % et même à 1% chez les non-diabétiques et les patients qui n'ont pas de terrain prédestiné. En reprise, nous sommes à 3-5 %. Et pour les chirurgies complexes, le taux d'infection est de 15 %. Auparavant, nous étions à des chiffres beaucoup plus élevés», a noté Antoine Faix.

Sur le plan de la fonctionnalité, les résultats sont satisfaisants. « Nous sommes à 80 % d'implants fonctionnels à 10 ans, et à 71 % à 15 ans. Les pannes sont rares avec des implants qui sont moins solides que ceux dont nous disposons actuellement », a précisé l'intervenant.

En ce qui concerne la satisfaction, même si elle n'atteint pas celle d'avant la dysfonction érectile, lorsque les implants sont posés à bon escient, elle est élevée : 86,7 %, selon une étude multicentrique publiée dans Progrès en Urologie en 2007 (désir, orgasme et satisfaction globale). Et du côté des partenaires, la satisfaction est également au rendez-vous (90 %).

Les raisons d'insatisfaction chez les 15 % de patients restants sont les problèmes anatomiques et notamment la longueur de la verge qui peut avoir rétrécit par la fibrose, le problème de gland plus mou que naturellement, l'aspect de la verge qui parfois ne satisfait pas. Enfin, une fois le problème de la dysfonction érectile réglé, des dysfonctions sexuelles associées peuvent subsister. « Il peut y avoir une dysfonction éjaculatoire et orgasmique du prostatectomisé radical, une dysfonction orgasmique du diabétique avec une neuropathie et parfois, même si c'est très rare, la non-acceptation psychologique d'un implant par le patient ou par sa partenaire », a relevé l'urologue.

S'il s'avère alors nécessaire de retirer définitivement la prothèse, il n'existe pas de solution de 4e intention, les corps caverneux ayant été retirés lors de la pose de l'implant.

De très nombreux travaux de recherche sont toutefois en cours pour améliorer les traitements existants et trouver d'autres solutions (nouvelles molécules, cellules souches, thérapie génique, facteurs de croissance et ingénierie tissulaire). « Nous aurons surement les moyens dans les 15 ans à venir de traiter la dysfonction érectile », a conclu François Giuliano.

L'association de la testostérone et des IPDE-5 utile chez les patients hypogonadiques ?

La testostérone agit sur le cerveau pour induire l'érection mais des données animales et expérimentales montrent qu'elle agit aussi au niveau du pénis sur la NO synthase d'origine neuronale et sur l'expression de la PDE-5. Elle serait donc nécessaire pour la conservation de la structure et de la fonction pénienne.

Chez l'homme, peu d'études ont montré que l'ajout de testostérone aux IPDE5 en cas de non-réponse aux médicaments oraux avait une efficacité. Seules trois études randomisées contrôlées de petite taille ont montré une certaine efficacité de la testostérone en particulier dans l'hypogonadisme sévère.

« La testostérone peut améliorer l'efficacité des IPDE-5 chez l'homme hypogonadique (testostéronémie < 3 ng/mL) d'où l'intérêt de doser la testostérone deux fois à un intervalle de 15 jours devant toute dysfonction érectile, s'il y a un trouble de la libido, une absence de réponse aux IPDE-5 et que la testostérone n'a pas été testée », a souligné le Dr Edouard Amar, chirurgien uro-andrologue à Paris.


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