Des urgentistes américains inquiets des conséquences des traumatismes sous dabigatran

Vincent Bargoin

30 novembre 2011

Houston, Etats-Unis - La question du risque associé au dabigatran en cas de traumatisme, ressort dans le New England Journal of Medicine, sous la forme d'une lettre à l'éditeur, adressée par trois urgentistes de Houston [1]. Les deux problèmes soulevés sont bien connus : chez une personne victime d'un traumatisme alors qu'elle est traitée par dabigatran, il n'est pratiquement pas possible d'évaluer précisément le degré d'anticoagulation, ni de normaliser rapidement la coagulation en vue d'une intervention, comme on peut le faire aisément sous warfarine.

Une situation d'impuissance

« Actuellement, la seule option pour annuler l'action du dabigatran est la dialyse en urgence », rappellent les auteurs. Or, « la possibilité de mettre en place une dialyse chez des patients hémorragiques et instables, ou présentant une hémorragie intracrânienne importante, constitue un challenge incroyable, même dans les meilleurs services de traumatologie. »

 
La possibilité de mettre en place une dialyse […] constitue un challenge incroyable, même dans les meilleurs services de traumatologie - Les auteurs
 

Les auteurs signalent avoir reçu dernièrement plusieurs patients sévèrement blessés alors qu'ils étaient sous dabigatran, et qui, « tous, ont eu une évolution défavorable. »

Pour illustrer le propos, la lettre publiée dans le NEJM comporte le tracé d'une thromboélastographie, réalisée chez un patient admis après une simple chute depuis la position debout, qui présentait les signes d'une détérioration neurologique après sa chute, et qui est décédé après une craniotomie en urgence. Or, sur le tracé, tous les paramètres étaient normaux, excepté le temps de coagulation activée. « Malheureusement, même avec l'aide de la thromboélastographie, ce que peut offrir le contexte des urgences se limite à la prise en charge des symptômes», soulignent les auteurs.

Un problème qui va rapidement gagner en importance et qui exige une surveillance

En termes d'effectif, le problème potentiel n'a rien de marginal. Les traumatismes représentent la quatrième cause de décès aux Etats-Unis, rappellent les auteurs, et l'on compte 40 000 décès par an chez des sujets de plus de 65 ans. Bien sûr, l'anticoagulation n'est pas une situation nouvelle, mais la warfarine est encore très majoritaire parmi les traitements. « Bien que le nombre de patients traumatisés sous warfarine soit en augmentation, et que ce traitement soit associé à une augmentation considérable de la morbidité et de la mortalité, les complications peuvent être largement réduites par des méthodes annulant rapidement l'anticoagulation », notent les auteurs. Mais qu'en sera-t-il demain, quand les patients aujourd'hui sous warfarine, seront traités par les nouveaux anticoagulants ?

 
Nous insistons pour que les complications hémorragiques et les décès après traumatisme soient pris en compte dans la surveillance de routine de tous les anticoagulants nouvellement approuvés - Les auteurs
 

« Alors que le dabigatran et d'autres agents analogues arrivent sur le marché, nous demandons instamment à la FDA de se pencher sur la question de la généralisation des résultats d'études, et de soutenir des essais reflétant mieux la pratique », concluent les auteurs. « Nous insistons pour que les complications hémorragiques et les décès après traumatisme soient pris en compte dans la surveillance de routine de tous les anticoagulants nouvellement approuvés. »

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