La HAS conclut à un intérêt thérapeutique faible des médicaments de l'Alzheimer
Dans sa nouvelle évaluation des médicaments de l'Alzheimer, la HAS conclut à leur faible intérêt thérapeutique et recommande de limiter leur prescription à un an, renouvelable sous conditions strictes. 27 octobre 2011Saint Denis, France-Devant l'absence de nouvelles preuves de l'efficacité des médicaments de la maladie d'Alzheimer et l'apparition d'effets indésirables plus nombreux et plus graves qu'escomptés, la Commission de Transparence de la HAS a décidé de réévaluer l'intérêt des médicaments de la maladie d'Alzheimer avec plus d'un an d'avance. Elle a rendu publique ses conclusions le 27 octobre 2011.
La Commission a conclu à « un intérêt thérapeutique faible des médicaments de la maladie d'Alzheimer » et elle recommande « de limiter leurs prescriptions à un an, renouvelable sous conditions strictes », écrit la HAS dans un communiqué de presse [1].
« Le service médical rendu a été considéré comme faible, pas insuffisant, mais faible et nous pensons que ces médicaments, vues leurs performances, ne méritent pas mieux. D'autant qu'il y a des effets indésirables de type digestif, neuropsychiques (un peu plus qu'on ne le pensait) et cardiovasculaires puisqu'il y a eu des bradycardies, des syncopes, et des arrêts cardiaques ayant nécessité l'appareillage de certains patients », a commenté le Pr. Gilles Bouvenot, Président de la Commission de la Transparence de la HAS, dans une vidéo disponible sur le site de la HAS.
Un service médical rendu «faible »
Les quatre molécules qui ont été réévaluées sont la mémantine (Ebixa®, Lundbeck), le donépézil (Aricept®, Eisai), la rivastigmine (Exelon®, Novartis Pharma) et la galantamine (Reminyl®, Janssen Cilag).
La Commission de la Transparence considère « qu'il n'y a pas de différence de tolérance et d'efficacité entre les quatre médicaments et qu'ils n'apportent pas d'amélioration du service médical rendu ». Elle juge le rapport entre l'efficacité des médicaments et leurs effets indésirables « faible ».
« L'effet reste minime. Il ne touche pratiquement que les troubles cognitifs », a souligné Gilles Bouvenot. Les médicaments sont inefficaces sur la réduction des troubles de l'humeur et du comportement, la réduction de la mortalité, le délai avant institutionnalisation des patients, et la qualité de vie des patients et des aidant.
Autre point négatif, « la survenue d'effets indésirables digestifs, cardiovasculaires et neuropsychiatriques, notamment, peut nécessiter l'arrêt du traitement ».
Enfin, la Commission a souligné le « risque accru d'interactions médicamenteuses du fait de la polymédication habituelle chez les patients âgés ».
Ces conclusions divergent clairement de celles de la dernière évaluation. Dans une fiche de bon usage des médicaments publiée sur son site en 2007, la HAS écrivait : « Les effets de ces médicaments sont modestes. Toutefois, leur service médical rendu (SMR) reste important, du fait notamment de la gravité de la maladie et de la place du traitement médicamenteux dans la prise en charge des patients ».
« L'avis de 2011 est très différent de celui de 2007 […] Cette dégradation correspond « au vraies performances du produit, sans complaisance, sans sévérité » a commenté Gilles Bouvenot.
Une durée de traitement limitée
Autre différence importante avec l'évaluation de 2007, l'actualisation de 2011 précise et encadre la durée du traitement.
Aucune étude n'a montré la poursuite de l'efficacité des traitements de la maladie d'Alzheimer au-delà d'un an, et la Commission de transparence a donc décidé qu'ils devaient être prescrits au patient pour une durée d'un an renouvelable sous conditions strictes.
« Au bout de six mois, la poursuite du traitement doit faire l'objet d'une réévaluation attentive du médecin prescripteur. En effet, si le patient répond au traitement en atteignant les objectifs fixés (stabilisation ou ralentissement du déclin cognitif par exemple) et s'il n'a pas subi d'effet indésirable grave et/ou altérant sa qualité de vie, le traitement pourra être poursuivi jusqu'à un an », indique le communiqué.
Au-delà d'un an, la Commission de la Transparence recommande que « le renouvellement du traitement soit décidé en réunion de concertation pluridisciplinaire réunissant le patient (si son état le permet), son aidant, le médecin traitant, le gériatre et le neurologue ou le psychiatre, afin d'assurer un suivi de qualité et personnalisé. Si ce groupe donne son accord et si l'efficacité a été maintenue, alors le traitement pourra être reconduit ».
« Nous ne voulons pas que les patients faiblement répondeurs à ces produits soient lésés et soient sevrés de ces traitements s'ils ont une stabilisation ou un ralentissement de la perte cognitif. Nous avons donc proposé que ce traitement soit administré pendant 6 mois, qu'il soit réévalué systématiquement à 6 mois et qu'au bout d'un an au cas ou il continuerait à être faiblement efficace, la prolongation de prise en charge ne puisse se faire qu'après un accord résultant d'une réunion de concertation pluridisciplinaire, comme on le fait dans le cancer », a expliqué Gilles Bouvenot.
Le médicament n'est pas le seul élément de prise en charge
Consciente du problème de santé publique majeur que représente cette maladie qui touche plus de 800 000 personnes en France et de la détresse de l'entourage des malades, la Haute Autorité de Santé rappelle que la prise en charge de cette maladie ne doit pas se limiter à une prescription médicamenteuse mais doit être globale.
Gilles Bouvenot a précisé que le contexte actuel était différent de celui de 2007. « Nous sommes désormais dans le cadre d'un plan Alzheimer, donc le médicament qui était qualifié de structurant à l'époque, n'est plus le seul élément pour la prise en charge des patients », a-t-il souligné.
La HAS a prévu de mettre en ligne une fiche de bon usage du médicament spéciale pour les médicaments de la maladie d'Alzheimer. Elle a aussi précisé que l'actualisation des recommandations de bonne pratique sur la prise en charge de la maladie d'Alzheimer serait publiée à la fin de l'année.
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Aucun des membres de la Commission de la Transparence qui a participé à la réévaluation ni aucun des quatre experts recrutés sur appel à candidature pour fournir un rapport d'expertise scientifique n'ont de lien d'intérêts avec les fabricants des quatre médicaments. L'ensemble des débats et des votes a été filmé et les enregistrements vidéo sont rendus publics sur le site de la HAS. |
Citer cet article: Alzheimer : la HAS incite à limiter les prescriptions médicamenteuses - Medscape - 27 oct 2011.
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