Lyon, France - Chimiquement, l'histoire du Médiator® est celle d'une affinité du benfluorex, ou plutôt de son métabolite cardiotoxique, la norfenfluramine, pour les récepteurs sérotoninergique 5HT-2b. Or, il existe un certain nombre d'autres médicaments qui entrent aussi dans ce schéma.
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Pr Atul Pathak |
L'exposé visait à montrer que l'affaire du Médiator® pose des questions sur une famille comportant de nombreuses molécules. Les valvulopathies médicamenteuses pourraient donc être plus fréquentes qu'on ne le suppose.
Signaux d'alertes successifs
L'histoire commence dans les années 1960, lorsque des dérivés de l'ergot de seigle utilisés dans la migraine ont été mis en cause dans des insuffisances mitrales et aortiques - valvulopathies d'ailleurs régressives à l'arrêt du traitement.
Dans un second temps, ce sont des agonistes dopaminergiques comme le pergolide et la cabergoline, utilisés dans la maladie de Parkinson, qui ont été associés à la survenue de valvulopathies. Celles-ci étaient dose-dépendante, dose-cumulative, et leur régressivité à l'arrêt du traitement restait cette fois incertaine.
La limite méthodologique de ces conclusions est que « l'échocardiographie initiale fait systématiquement défaut » met en garde le Pr Pathak. Il faut aussi compter avec le biais de mémorisation, et le fait que le risque de valvulopathie augmente naturellement avec l'âge. Tout repose sur la description de cas et il existe un biais de sélection. La force de l'association n'est pas indiscutable.
Enfin, sont arrivés les anorexigènes utilisés dans le traitement de l'obésité. Il s'agissait de dérivés amphétaminiques, initialement développés comme psychostimulants. Leur mode d'action correspond à une activité sympathomimétique indirecte, et à la libération de noradrénaline au niveau de la fente synaptique. Il y a également une action sur le système de la récompense dopaminergique et le système sérotoninergique.
S'agissant du benfluorex, les mentions de l'origine amphétaminique de la molécule sont remarquablement rares. Un document remontant à 1970, émanant d'ailleurs du groupe de recherche des laboratoires Servier, et qui s'intéresse aux propriétés anorexigènes du benfluorex (désigné sous le sigle S 992), relie la fenfluramine aux amphétamines, puis le benfluorex à la fenfluramine [2].
Mais il faudra ensuite attendre les mises en garde de la revue Prescrire, qui relève en 1997 que le suffixe « orex » qualifie les anorexigènes, puis rappelle en 2006 que le benfluorex est un dérivé amphétaminique, pour que les choses soient remises à leur place. Et dans l'intervalle, la littérature est restée bien pauvre sur la question. « Rien ne fait penser à l'origine amphétaminique du benfluorex », note le Pr Pathak, qui précise avoir recherché l'information dans nombre d'ouvrages médicaux.
Une question d'affinité, non de concentration
Il est aujourd'hui établi que le métabolisme de la fenfluramine et du benfluorex passent l'un et l'autre par la norfenfluramine, métabolite mis en cause dans les valvulopathies. Le Médiator® a finalement été retiré. Mais l'affaire remet évidemment en lumière toutes les observations passées. Et selon le Pr Pathak, la leçon à tirer est qu'il pourrait y a voir un risque associé à l'affinité pour les récepteurs 5HT-2b.
Lors du congrès du CNCF, le Pr Pathak a mentionné plusieurs situations suggestives de ce problème. Expérimentalement, le pergolide induit chez le rat une valvulopathie aortique, mitrale ou tricuspidienne. Par ailleurs, Les patients atteints de tumeur carcinoïde sécrétant de grandes quantités de sérotonine développent aussi ce type de lésions mais plus volontiers sur le cœur droit.
Un contre-exemple pourtant : la fluoxétine (Prozac®), qui élève le taux de sérotonine, et n'induit pas de valvulopathie.
Ces convergences et ces divergences d'effet clinique, le Pr Pathak les relie non pas à des effets de concentration, mais plutôt à des affinités des médicaments. « Un médicament ayant une affinité pour les 5HT-2b a des chances d'entrer dans la valve », souligne le Pr Pathak.
Naturellement, « il existe aussi une variabilité d'expression individuelle des récepteurs à la sérotonine », ajoute le Pr Pathak. C'est d'ailleurs ce qui expliquerait pourquoi tous les patients ne font pas de valvulopathie sous benfluorex.
Pharmacologie et clinique doivent penser aux valvulopathies médicamenteuses
Dans cette logique, il serait donc intéressant de mesurer pharmacologiquement, l'affinité de diverses molécules pour ce récepteur, et ceci notamment pour la quinidine et la guanfacine qui sont des agonistes 5HT2, estime le Dr Pathak. De même, d'ailleurs, pour la ritaline ou le bupropion.
Dans cette logique toujours, y aurait-il des conséquences à tirer dans la pratique clinique ?
Le Pr Pathak a donné deux exemples.
« Je conseille de faire une écho avant de mettre un enfant sous ritaline, pour éviter l'écueil méthodologique d'absence d'examen antérieur » a-t-il indiqué.
Par ailleurs, « il faut toujours penser à une valvulopathie médicamenteuse lorsqu'on se trouve face à un aspect atypique de rhumatisme articulaire aigu. »
Ces deux recommandations suggèrent que le problème des valvulopathies médicamenteuses a peut-être été ouvert avec le Médiator®, mais ne cessera pas nécessairement avec son retrait.
Le Pr Atul Pathak a déclaré n'avoir aucun conflit d'intérêt en rapport avec cette présentation |
Actualités Heartwire © 2011
Citer cet article: Benfluorex : vers un problème élargi à d'autres agonistes 5-HT ? - Medscape - 19 oct 2011.
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