Paris, France - Le lancement en fanfare des nouveaux anticoagulants est sans doute le bon moment pour procéder à quelques rappels sur les AVK. Les personnes âgées sont une catégorie de patients que l'anticoagulation « à l'ancienne » pourrait concerner encore longtemps. D'abord parce que le petit poids et l'insuffisance rénale figurent parmi les contre-indications des nouvelles molécules. Ensuite parce que chez les patients âgés tout particulièrement, le contrôle de l'INR permet une surveillance de la prise du traitement, dont les nouveaux traitements permettent de se dispenser - c'est même là leur gros argument.
Lors des Entretiens de Bichat 2011, le Dr Eric Pautas (Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine) a donc rappelé comment manier les AVK en gériatrie [1].
Un risque hémorragique maximal à l'instauration du traitement
En substance, oui les AVK font saigner, mais « le risque dans la littérature est souvent surestimé », souligne le Dr Pautas, qui pronostique par ailleurs la publication prochaine de nombreux papiers mettant ce risque en avant, lancement des nouveaux anticoagulants oblige.
En fait, l'incidence annuelle des évènements hémorragiques majeurs est comprise entre 0,5 et 4,2% selon les études, avec une mortalité de 0,4-0,8%. Sans être écrasant, ce risque n'est évidemment pas négligeable. Il apparait néanmoins principalement durant le premier mois de traitement, jusqu'à l'obtention de l'équilibre.
Il peut par ailleurs être augmenté par différents facteurs de risque : un INR > 4, les antécédents, et surtout, l'âge.
« Un âge supérieur à 80 ans est en soi un facteur de risque hémorragique », indique le Dr Pautas. Des résultats rétrospectifs suggèrent d'ailleurs que le risque hémorragique relatif à partir de 80 ans (par rapport à des patients plus jeunes), est plus important dans une population non traités par AVK que dans une population sous AVK. En outre, « plus on est vieux, plus on bénéficie des AVK », rappelle le Dr Pautas.
La démence n'est pas une contre-indication aux AVK
En pratique, il y a quelques erreurs à éviter. En gériatrie, la première est sans doute de s'abstenir de mettre sous AVK un patient dément. Il n'y a pas de preuve que le risque hémorragique est augmenté chez ces patients, et la prévention des AVC reste malgré tout un bénéfice.
La seconde, qui n'est pas spécifique à la gériatrie, consiste à prescrire un AVK à demi-vie intermédiaire. Pour des raisons évidentes de stabilité de l'effet, le choix doit se porter sur une molécule à demi-vie longue. Mais laquelle ? En France, l'AVK le plus utilisé est la fluindione. La warfarine, elle, représente moins de 10% des prescriptions, ce qui peut apparaitre un peu problématique dans la mesure où elle constitue l'AVK de référence dans la quasi-totalité des essais internationaux.
« L'evidence-based medicine voudrait que l'on choisisse la warfarine », estime le Dr Pautas, qui note en outre que la formulation galénique de la warfarine permet souvent des ajustements plus fins des posologies, généralement faibles chez les personnes âgées.
Attention aux affections intercurrentes chez les patients âgés
En ce qui concerne la surveillance, le schéma chez un patient âgé est analogue à celui d'un patient jeune : le premier INR est mesuré après trois prises, puis tous les 2-3 jours jusqu'à l'obtention de deux mesures consécutives dans l'intervalle cible. Durant le premier mois, où le risque hémorragique est maximal, la fréquence doit être de un INR par semaine. Ensuite, même chez le patient le mieux équilibré, un INR mensuel reste indispensable, en particulier chez une personne âgée, sujette à des affections intercurrentes fréquentes.
Le Dr Pautas a rappelé à ce propos que les médicaments les plus incriminés dans les surdosages d'AVK sont les antibiotiques, les antifongiques azolés, l'amiodarone, l'oméprazole, et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. S'agissant des azolés, le Dr Pautas a souligné qu'ils font « exploser l'INR », et que les mycoses chez un patient sous AVK doivent être traités par amphotéricine B, ou Mycoster® pour les applications locales (les antifongiques azolés administrés localement, par voie transdermique, perturbent aussi l'INR).
En revanche, sur le plan alimentaire, les restrictions vis-à-vis des aliments riches en vitamine K (salade et choux, notamment) n'ont aucune justification. Un régime particulièrement riche en vitamine K peut éventuellement modifier très légèrement l'INR, mais « pas dans des proportions cliniquement pertinentes », souligne le Dr Pautas. L'Afssaps recommande une alimentation variée ; il suffit de s'en tenir à ce principe.
Enfin, l'éducation thérapeutique, « même si elle est peu décrite dans la littérature », note le Dr Pautas, a fait la preuve de son efficacité en termes d'équilibre et de complications hémorragiques. Elle est délivrée notamment au sein des structures dédiées à la gestion de l'anticoagulation, et vise le patient, son conjoint, la famille, les aidants,…, et doit aider à identifier les signes d'alerte, justifiant une mesure immédiate de l'INR, ainsi que sur la question des interactions médicamenteuses.
Les recommandations de la HAS en cas de surdosage
Si malgré tout, une hémorragie survient, l'hospitalisation est obligatoire -à tout âge - suivie de l'administration de complexe prothrombotique et de vitamine K. en cas de surdosage asymptomatique, la conduite à tenir, formalisée par la HAS en 2008, est la suivante.
Recommandations de la HAS en cas de surdosage asymptomatique* INR cible : 2,5 / [2-3] |
INR cible > 3 / [2,5-3,5] ou [3-4] |
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INR <4 |
Pas de saut de prise ; pas de vit K |
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4 < INR < 6 |
Saut d'une prise ; pas de vit K |
Pas de saut de prise ; pas de vit K |
6 < INR < 10 |
Arrêt des AVK ; 1 à 2 mg de vit K par voie orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique) |
Saut d'une prise ; avis spécialisé sur l'opportunité de 1 à 2 mg de vit K par voie orale |
INR > 10 |
Arrêt des AVK ; 5 mg de vit K par voie orale (1/2 ampoule buvable forme adulte) |
Avis spécialisé sans délai, ou hospitalisation |
Les nouveaux anticoagulants à l'épreuve de la vraie vie
Qu'est-ce que les nouveaux anticoagulants pourraient apporter en gériatrie ?
« Ce sont des produits séduisants sur le plan de la surveillance, absente pour le moment, et de la pharmacologie », résume le Dr Pautas. « Reste à voir ce qu'ils permettront dans la vraie vie. »
Le Dr Pautas a déclaré n'avoir aucun conflit d'intérêt en relation avec son exposé. |
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Citer cet article: Comment bien gérer les AVK chez les patients âgés ? - Medscape - 10 oct 2011.
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