Copenhague, Danemark— Les résultats de l'essai SIMCOMBIN [1], le plus important réalisé à ce jour pour évaluer l'intérêt des statines dans la sclérose en plaques (SEP), montre qu'ajouter la simvastatine à l'interféron dans la sclérose en plaques récurrente-rémittente n'apporte aucun bénéfice. Ces résultats de phase 4, publiés dans le Lancet Neurology, sont les derniers d'une série de tentatives infructueuses pour associer la simvastatine et l'interféron dans la SEP. Et certains disent qu'ils sonnent le glas de cette statine et même des statines dans la SEP.
« Les observations d'un nombre réduit de poussées sous statines et le fait, sur le plan fondamental, que l'efficacité des statines dans l'athérosclérose soit probablement due, en partie, à leur effet anti-inflammatoire sur les parois artérielles, rendait logique de tester ces molécules dans la SEP. Malheureusement, une page se tourne aujourd'hui car les essais ne sont pas concluants», a commenté pour Medscape.fr le Dr Michel Dib (neurologue, hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris).
L'auteur principal, le Dr Per Soelberg Sorensen et ses collaborateurs (Hôpital universitaire de Copenhague, Danemark) n'excluent toutefois pas la possibilité que d'autres associations de statines et de traitements modifiant le cours de la maladie puissent être bénéfiques.
Récemment, la simvastatine a été associée à un sur-risque d'atteintes musculaires. Et en juin, la Food and Drug Administration (FDA) a conseillé aux médecins de limiter l'utilisation de la dose de 80 mg (la dose utilisée dans cette étude) aux patients qui ont reçu la molécule depuis au moins un an s'il n'y a aucun signe de myopathie.
Dans cet essai, les auteurs ont inclus 307 patients atteints d'une SEP récurrente-rémittente et naïfs de traitement. Après avoir reçu de l'interféron bêta-1a à 30 ìg par semaine, ces patients étaient randomisés pour recevoir soit 80 mg de simvastatine, soit un placebo.
Pas d'amélioration du taux de rechute annuel
Les investigateurs n'ont pas observé d'événements indésirables inattendus avec la simvastatine. « Généralement, les événements indésirables étaient légers et aucune différence n'a été rapportée entre les deux groupes pour les infections ou les désordres musculosquelettiques, notamment la myalgie. Aucune rhabdomyolyse ou myoglobinurie n'a été recensée et il n'y avait pas de différence sur les taux sériques de créatinine phosphokinase (CPK).
La différence absolue en termes de taux de rechutes annuels était de 0,059 (IC 95%, -0,21 à 0,09, p=0,35)
Etude SIMCOMBIN : Taux annuels des rechutes documentées Rechute |
Simvastatine (n=151) |
Intervalle de confiance de 95% |
Placebo (n=156) |
Intervalle de confiance de 95% |
Taux |
0,19 |
0,13 to 0,28 |
0,14 |
0,09 to 0,23 |
Durée |
Simvastatine |
Placebo |
Risque Relatif |
Intervalle de confiance de 95% |
P |
Mois |
18,1 |
21,5 |
1,21 |
0,74 to 1,99 |
0,51 |
Lésions |
Simvastatine |
Placebo |
Taux de nouvelles lésions |
Intervalle de confiance de 95% |
P |
Nombre |
2,96 |
2,52 |
1,17 |
8,89 to 1,55 |
0,25 |
Dans le groupe simvastatine, 6 % des patients ne présentaient pas d'activité de la maladie alors que dans le groupe placebo, le taux était de 13% (RR= 0,42, 95% IC, 0,17-1,00, p=0,05).
« Nous en concluons que l'association d'interféron bêta et de simvastatine ne devrait pas être utilisée comme traitement dans la SEP récurrente-rémittente. Toutefois, l'association d'autres statines avec d'autres molécules modifiant le cours de la maladie comme l'acétate de glatiramère (Copaxone®) pourrait être efficace», ont noté les chercheurs.
Dans un éditorial accompagnant l'article, le Dr Scott Zamvil (Université de Californie, San Fransisco, Etats-Unis) et le Dr Lawrence Steinman (Université de Stanford, Etats-Unis) notent : « Etant donné l'absence de bénéfice et l'antagonisme potentiel, il faut réfléchir à deux fois avant d'ajouter une statine à l'interféron bêta dans le traitement de la sclérose en plaques ».
Les auteurs et les éditorialistes précisent que SIMCOMBIN est la seule étude à ce jour avec un niveau de preuve de classe 1.
Une opinion que ne partage pas le Dr Emmanuelle Waubant (Université de Californie, San Fransisco, Etats-Unis) qui explique à Medscape medical News que SIMCOMBIN est, en effet, la meilleure étude publiée à avoir évalué cette association à ce jour mais qu'elle n'atteint pas le seuil d'un niveau de preuve de classe 1.
« A mon avis, l'essai n'avait pas la puissance nécessaire pour répondre à la question qu'il posait », précise t-elle.
Emmanuelle Waubant est aussi sceptique sur le taux de rechute anticipé par les chercheurs. Elle s'explique : « Je pense que 39% de baisse relative surestime les effets et qu'il n'y a pas de référence expliquant d'où vient ce nombre».
L'essai STAYCIS est non concluant
Emmanuelle Waubant est l'auteur principal de STAYCIS, un autre essai très attendu, destiné à évaluer l'intérêt de l'atorvastatine dans la SEP, et qui sera publié dans les prochains mois.
Malheureusement, le recrutement des patients avec un syndrome clinique isolé a été laborieux et l'essai s'est terminé sans apporter de réponse.
Dans l'étude de 18 mois, les patients devaient recevoir soit de l'atorvastatine soit un placebo pendant 12 mois puis aucun traitement pendant les six mois restants.
« Il y a eu un changement majeur de pratique au milieu du recrutement. C'était un énorme challenge, il y avait de la compétition avec les autres essais, et nous ne pouvions pas augmenter le nombre de sites du fait des budgets limités», a expliqué Emmanuelle Waubant.
« Cela montre surtout le manque d'enthousiasme vis-à-vis des statines car les essais sont non concluants, ce qui fait que les gens n'incluent pas, c'est un cercle vicieux », note Michel Dib.
L'essai SIMCOMBIN a été financé par Biogen Idec. Certains des chercheurs et des éditorialistes ont été consultants pour la compagnie.
Cet article a été originalement publié sur Medscape.com le 31 août 2011; adapté par Aude Lecrubier.
Citer cet article: Fin de parcours pour la simvastatine dans le traitement de la SEP - Medscape - 6 sept 2011.
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