Le dépistage du cancer au scanner plus efficace que la radiographie
C'est publié : le dépistage par scanner « low dose », faiblement irradiant, du cancer du poumon permet de réduire de 20 % les décès chez les fumeurs et ex-fumeurs par rapport à un dépistage par radiographie. Commentaire du Dr Bernard Milleron. 5 juillet 2011Etats-Unis - Dévoilés il y a quelques mois déjà, les résultats de la National Lung Screening Trial (NLST) qui montrent que le dépistage par scanner hélicoïdal à faible dose du cancer du poumon chez les fumeurs réduit la mortalité de 20% par rapport à la radiographie sont désormais en ligne sur le site du New England Journal of Medicine[1]], accompagnés d'un éditorial [2].
L'étude américaine dite National Lung Screening Trial (NLST) a porté, entre 2002 et 2007, sur plus de 50 000 fumeurs ou anciens fumeurs de 55 à 74 ans ayant consommé au moins trente paquets de cigarettes par an. Randomisés en deux groupes, les participants ont subi, chaque année, soit un scanner (26 722), soit une radiographie thoracique (26 732), et ce pendant 3 ans. Ils ont été suivis pendant 3,5 années supplémentaires. L'adhésion au dépistage a été très bonne, avec des taux supérieurs à 90 % dans les deux groupes.
Le taux de résultats positifs a été de 24,2% avec le scanner faible dose et de 6,9% avec la radiographie sur les 3 dépistages. Mais seuls 2 à 7 % de ces images suspicieuses se sont révélées être des cancers du poumon, avec 96,4% de faux-positifs dans le groupe faible dose et 94,5% dans le groupe radiographie, « probablement en raison de la présence de nodules lymphatiques bénins intra-pulmonaires ou de granulomes non calcifiés » expliquent les auteurs de l'étude. Quant à l'incidence du cancer du poumon, elle a été de 645 cas pour 100,000 personnes-années (1060 cancers) dans le groupe faible dose, versus 572 cas pour 100,000 personnes-années (941 cancers) dans le groupe radiographie (rate ratio, 1,13; 95%, intervalle de confiance [CI], 1,03 to 1,23). Au final, il a été observé 247 décès par cancer du poumon pour 100 000 personnes-années dans le groupe avec scanner contre 309 dans le groupe suivi par radiographie, soit une réduction de 20 % (95% CI, 6.8 to 26.7).
« Un impact aussi important sur le dépistage que la mammographie dans le cancer du sein » pour le Dr Milleron
Medscape France a demandé son commentaire au Dr Bernard Milleron, pneumologue et oncologue, ancien médecin de l'hôpital Tenon (AP-HP) et président de l'Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT).
Que pensez-vous de ces résultats ?
Dr B. Milleron : C'est la première fois qu'une telle étude est menée et montre des résultats aussi porteurs d'espoir. C'est extrêmement intéressant et cela devrait avoir un impact aussi important sur le dépistage qu'a pu l'être la mammographie pour le cancer du sein. Les résultats sont d'autant plus solides que l'étude montre, non seulement, une diminution de la mortalité spécifique (20 %) mais aussi de la mortalité globale (6,7 %) dans le groupe scanner « low dose ».
Dans quel contexte interviennent ces résultats ?
Dr B. M : Il faut se replacer dans le cadre des études historiques. Quatre essais randomisés ont investigué l'intérêt d'un dépistage radiologique et cytologique [3,4,5,6]]. Deux grandes études randomisées se sont intéressées à la place de l'analyse cytologique des expectorations, réunissant plus de 10 000 sujets, et n'ont pu montrer l'intérêt de cet examen, la mortalité étant identique dans les deux groupes [3,4]]. Deux autres études ont étudié la place du dépistage radiologique, le « Mayo Lung Project » et une étude tchécoslovaque [5,6]. L'incidence de cancer bronchique était plus élevée dans le groupe dépisté, le taux de cancer opérable était plus important dans ce groupe et la survie était meilleure. Néanmoins, il n'y avait pas de différence significative en terme de mortalité spécifique par cancer entre les deux groupes, du fait d'un excès de cancers bronchiques dans le groupe dépisté.
Puis sont intervenues les études de dépistage par scanner thoracique et notamment par scanner faiblement irradiant (ou low dose). Dans l'Early Lung Cancer Action Program (ELCAP), 31 567 sujets asymptomatiques à risque qui ont été suivis grâce à un scanner thoracique à faible dose, répété 7 à 18 mois après en cas de normalité au premier examen [7]. Les résultats ont montré que l'on dépistait beaucoup de cancers précoces, qu'on en guérissait plus mais aussi qu'il y avait de nombreux faux positifs. Toutefois, cette étude n'a pas permis de démontrer que le dépistage précoce par scanner thoracique était susceptible de diminuer la mortalité spécifiquement liée au cancer bronchique.
Que retenir de cette étude ?
Dr B. M. : Tout d'abord, elle s'applique à une population spécifique, celle de l'étude, à savoir des personnes de 55 à 74 ans, avec plus de 30 paquets/année et ayant subi 3 scanners sur 3 ans. Ensuite, on note que l'adhésion au dépistage est très forte, ensuite, au-delà de la réduction de la mortalité spécifique de 20%, il existe une réduction de la mortalité globale montrant l'absence de danger inhérent à la pratique.
Y-a-t-il un risque de sur-diagnostic ? Quid de l'irradiation par scanner « low dose » ?
Dr B. M. : La réponse à cette question est donnée, d'une part, par la réduction de 20 % de la mortalité spécifique par scanner faible dose, d'autre part, par le fait qu'il y a peu de cancers indolents parmi les cancers bronchiques et que la survie est bien meilleure chez les gens opérés.
En ce qui concerne l'irradiation induite par les scanners « low dose », la question reste débattue, mais il semble que celle-ci soit très faible et au final, que le risque soir minime en regard du bénéfice potentiellement obtenu.
Ne faut-il pas plutôt accentuer la lutte anti-tabac ?
Dr B. M. : Lutte anti-tabac et dépistage du cancer du poumon ne sont pas incompatibles. Dans une étude, les chercheurs se sont posés la question de savoir si faire du dépistage pouvait avoir un impact négatif sur la lutte anti-tabac. Ils ont montré qu'un examen de dépistage s'accompagnant d'un argumentaire anti-tabac conduisait à des taux d'abstinence de 14 %, soit un taux proche de ce que l'on obtient dans les consultations anti-tabac, ce qui n'est déjà pas si mal [8].
Peut-on envisager un tel dépistage en France ?
Dr B. M. : Aussi intéressants soient-ils ces résultats ne sont pas applicables tout de suite dans l'hexagone. Dans l'état actuel des choses, il serait très prématuré de proposer un tel dépistage de façon organisé. Le système de santé actuel ne permet pas de gérer un tel dépistage. Cela nécessite des centres adaptés. Ce serait coûteux, difficile et la gestion des faux positifs serait considérable.
Citer cet article: Le scanner « low dose », un espoir pour le dépistage du cancer du poumon - Medscape - 5 juil 2011.
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