San-Diego, Etats-Unis - L'étude ACTID (Early Activity in Type 2 Diabetes), présentée par le Dr Robert Andrews (Bristol, Grande-Bretagne) au 71ème congrès de l'American Diabetes Association, soulève quelques questions sur les mesures hygiéno-diététiques classiquement proposées dans le diabète [1]. Les résultats, publiés simultanément dans le Lancet[2], montrent en effet qu'entre trois types de prise en charge, standard, renforcée par un programme d'éducation sur la diète, ou encore, par ce même programme d'éducation diététique complété d'un programme d'activité physique, l'éducation est toujours préférable. En revanche, l'apport de l'exercice physique par rapport à la diète seule, semble négligeable. Ce résultat incite à réfléchir au contenu de ce qu'on présente comme activité physique, et à la manière de le présenter au patient.
L'étude a donc été menée chez 593 sujets, âgés de 30 à 80 ans, s'étant vus récemment diagnostiquer un diabète (5 à 8 mois). Quatre-vingt-dix-neuf sujets ont été pris en charge de manière standard, c'est-à-dire qu'ils ont bénéficié d'une consultation diététique au départ, pour être ensuite suivis tous les six mois. Un groupe d'intervention diététique de 248 sujets a suivi un programme plus intensif, comportant une consultation diététique tous les trois mois, et un contact mensuel avec une infirmière spécialisée. Enfin, chez 246 sujets, le programme diététique a été complété par un programme de marche à pied d'au moins 30 minutes par jour, cinq jours par semaine. Pour réussir ce programme, les patients se voyaient remettre un podomètre, des brochures « motivantes », et un calendrier pour noter leur activité quotidienne.
« Notre étude se caractérise par le recrutement de patients tout-venants, et par un très faible taux d'abandon [1% à 6 mois, 2% à 12 mois] », a souligné le Dr Andrews en présentant ACTID.
Le bénéfice est attribuable à la diète
A six mois, le contrôle glycémique s'était détérioré dans le groupe contrôle, avec une HbA1c passant de 6,72% à 6,86%. Dans le groupe diète, en revanche, le taux d'HbA1c avait diminué de 28% (p=0,005), et dans le groupe diète+activité, de 33% (p<0,001).
L'écart entre groupe contrôle et groupes d'intervention était significatif (p=0,0001). En revanche, l'écart entre les deux groupes contrôle ne l'était pas (p=0,6).
A 12 mois, ces écarts persistaient, alors même que la consommation médicamenteuse avait diminué dans les groupes interventions. Mais une fois encore, aucun écart significatif n'est apparu entre ces groupes, que ce soit pour l' HbA1c, l'IMC ou l'insulinorésistance. La PA, quant à elle, était identique dans les trois groupes.
Trois hypothèses pour mieux prescrire l'activité physique
Que faut-il en conclure ?
Le Dr Andrews a suggéré trois hypothèses, susceptibles de rendre compte du résultat, et/ou de mieux guider la prescription d'activité physique.
Premièrement, il est possible que l'activité, mesurée en durée et intensité, ne soit pas un paramètre très pertinent. Le Dr Andrews a souligné qu'à l'entrée dans l'étude, le tour de taille des patients était beaucoup moins corrélé à leur activité physique, toujours « modérée », qu'au temps passé à ne strictement rien faire, qualifié de « temps de sédentarité. »
« Ceci suggère qu'il vaut mieux se concentrer sur ce temps de sédentarité, plutôt que d'insister sur une dose d'activité modéré », a souligné le Dr Andrews.
Seconde hypothèse : l'activité physique choisie dans ACTID, la marche, si elle répond à des impératifs pratique évidents, pourrait être sub-optimale. Et le Dr Andrews a rappelé à ce propos l'étude de TS Church, publiée l'an dernier, et qui suggérait qu'une activité soit de résistance, soit aérobie, n'apportait rien [3]. Apparemment, « il faut une combinaison des deux types d'activité », a-t-il indiqué.
Enfin, troisième hypothèse : les petits arrangements avec soi-même. Des interviews approfondies ont en effet montré que dans le groupe diète+activité, certains patients dérapaient un peu sur le front diététique avant ou après leur activité quotidienne, ceci étant supposé compenser cela. Il y a donc certainement lieu de bien faire comprendre aux patients que différents aspects de la prise en charge se complètent, et ne doivent pas se cannibaliser l'un l'autre.
Optimiser les programmes d'activité physique
Même après ACTID, nul n'envisage que l'activité physique puisse ne plus avoir sa place dans la prise en charge des diabétiques, surtout récemment diagnostiqués. Pour autant, l'évaluation s'impose ici aussi, et non seulement pour des raisons d'efficacité, mais aussi de coût, a souligné le Dr Andrews.
« En ce temps de contraintes budgétaires, ces résultats ont le mérite de montrer que l'intervention diététique seule est déjà légitime comme approche de première ligne », a-t-il indiqué, en ajoutant que le coût du programme d'éducation suivi dans ACTID était équilibré par la réduction de consommation d'antidiabétiques.
Le commentaire du Pr Vexiau « ACTID est une étude très biaisée »
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Pr Patrick Vexiau |
« L'étude ACTID a été menée chez des diabétiques nouvellement diagnostiqués », explique-t-il, « et contrôlés de manière très satisfaisante. Avec 6,7% d'HbA1c à l'inclusion, on est déjà pratiquement à l'objectif en début d'étude. »
Dans ces conditions, il est évidement difficile de montrer le bénéfice d'une intervention, et encore plus difficile de montrer un différentiel entre deux interventions. « Plus on s'approche des valeurs normales, et plus l'effet des interventions devient ténu », indique le Pr Vexiau. « Ce phénomène est connu avec les médicaments. Et compte-tenu du bon contrôle initial des patients, l'étude n'a simplement pas la puissance nécessaire pour montrer un bénéfice significatif de l'exercice physique ajouté à la diète par rapport à la diète seule. Pour cet objectif, et compte tenu du contrôle initial de la population recrutée, il aurait fallu 2000 patients par groupe. »
Au demeurant, une tendance favorable en faveur de l'activité physique existe bel et bien, et « il aurait fallu s'intéresser au bénéfice à long terme », souligne le Pr Vexiau. « Il ne faut perdre de vue que le diabète est une maladie évolutive, et qu'à quatre ou cinq ans, les patients peuvent tirer un bénéfice réel d'un écart initialement très faible. »
S'ajoutent à cela « la difficulté d'évaluer l'activité physique avec un podomètre, surtout lorsqu'il s'agit d'appareils à bas prix, seuls accessibles dans les études », ainsi que le facteur confondant que constitue l'activité physique qu'ont pu pratiquer les patients du groupe diète seule, compte tenu de « la pression générale en ce sens. »
Bref, l'étude ACTID est « très biaisée », conclut le Pr Vexiau. Il rejoint néanmoins le Dr Andrews sur la nécessité d'une activité physique suffisamment intensive, et sur l'importance d'expliquer aux patients que la pratique de cette activité ne doit pas être un prétexte pour venir « polluer » les efforts diététiques.
Le Dr Robert Andrews a rapporté des liens d'intérêt avec GSK, Eli Lilly, Novartis et Sanofi-Aventis. |
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Citer cet article: Selon ACTID, une activité physique modérée n'ajoute rien à la diète contre le diabète - Medscape - 4 juil 2011.
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