POINT DE VUE

Sécurité des bêta-agonistes de longue durée d'action dans l'asthme

Dr Nicholas J. Gross

Auteurs et déclarations

5 mai 2011

Controverse sur les bêta-agonistes de longue durée d'action

Une grande étude rétrospective américaine ne confirme pas le risque d'exacerbation de l'asthme sous bêta-agonistes de longue durée d'action observé dans l'essai SMART. Faut-il restreindre l'utilisation des LABA ou pas ?
5 mai 2011

Risk of Serious Asthma Exacerbations Associated with Long-Acting Beta Agonists Among Patients With Asthma: A Retrospective Cohort Study. Guo JJ, Tsai K, Kelton CM, Bian B, Wigle PR. Ann Allergy Asthma Immunol. 2011;106:214-222.e2.

Sécurité à long terme des bêta-agonistes d'action longue

Après les résultats de l'étude SMART (Salmeterol Multicenter Asthma Research Trial). L), des préoccupations concernant la sécurité à long terme des bêta-agonistes d'action longue* (LABA) ont conduit l'administration nord-américaine (FDA : Food and Drug Administration) à émettre des nouvelles recommandations alertant sur l'utilisation des LABA en monothérapie dans l'asthme.

Comme ces recommandations sont toujours l'objet de controverses, des études continuent à être menées sur la sécurité des LABA. Guo et ses collègues ont donc conduit une étude rétrospective en se fondant sur la base de données de l'assurance maladie américaine dans laquelle ils ont identifié 940 000 patients asthmatiques. Les investigateurs ont étudié l'association entre l'utilisation d'un LABA, concomitamment ou non avec celle d'un corticoïde inhalé, et la survenue d'évènements indésirables graves (EIG), témoins d'une exacerbation de l'asthme, tels que les passages aux urgences, les hospitalisations et les intubations.

Les auteurs ont trouvé que le risque relatif d'évènements indésirables graves chez les patients qui avaient reçu un LABA, avec ou sans adjonction d'un corticoïde inhalé, était plus faible que chez les patients qui avaient reçu uniquement un bêta-agoniste de courte durée d'action. Les principaux facteurs de risque d'EIG ont été le fait d'être de race noire, l'abus d'alcool et la grossesse. Les résultats étaient similaires que l'asthme soit récent ou ancien.

Point de vue du Pr Nicholas Gross (Stritch-Loyola School of Medicine, Maywood, IL)

« L'étude qui a inspiré de nouvelles recommandations à la FDA est l'essai prospectif SMART [1]. Le risque relatif d'EIG observé dans cet essai était faible mais significatif. De fait, pour apporter une réponse définitive, une nouvelle étude se devait d'être menée à grande échelle et il était peu probable qu'un tel essai voit le jour. C'est pourquoi les investigateurs de la présente étude se sont appuyés sur les données médicales et thérapeutiques pour confirmer ou infirmer les résultats de SMART. Cette étude qui a porté sur l'observation de près de 5 millions de patient/année est la plus importante à ce jour, et elle semble contredire les résultats de SMART et tendrait, qu'au final, les LABA peuvent être utilisés en toute sécurité dans l'asthme.

Il est connu que les études rétrospectives basées uniquement sur les données médicales administratives se heurtent à des obstacles. L'un des plus difficiles à surmonter tient à l'impossibilité, bien souvent, d'estimer la sévérité de la maladie. On comprend que des patients présentant une maladie plus sévère soient plus susceptibles de présenter des EIG et de recevoir des traitements plus nombreux contre l'asthme. Cela peut conduire à la conclusion erronée que la thérapeutique est responsable des EIG, plutôt que de considérer que le risque d'EIG a justifié l'utilisation de traitements supplémentaires. Néanmoins, le fait que l'utilisation des LABA soit associée à un risque plus faible d'EIG dans cette étude suggère que leur utilisation est plus sûr que le traitement de référence (bêta-agoniste à courte durée d'action uniquement).

Toutefois, il existe un écueil potentiel dans l'étude qui serait que le groupe de référence ait été sous-médicalisé et soit donc plus vulnérable aux évènements indésirables graves. Cela aurait tendance à minimiser à tort le risque qu'il y a à ajouter un traitement supplémentaire tel qu'un LABA. Bien que les résultats semblent en faveur d'une sécurité d'utilisation des LABA dans l'asthme, les problèmes inhérents à l'utilisation rétrospective de données peuvent jeter le doute sur cette conclusion.

L'étude procure néanmoins d'autres résultats intéressants. Les sujets de race noire sont plus à risque d'effets indésirables graves, et si les raisons n'en sont pas claires, ce résultat est en accord avec ce qui a pu être retrouvé précédemment dans d'autres études [2] [3]. La grossesse, de son côté, fait plus que doubler le risque d'EIG, un résultat qui n'aurait jamais été retrouvé dans une étude prospective pour lesquelles la grossesse constitue un facteur d'exclusion. Parmi les facteurs de risque additionnels figurent les problèmes mentaux, l'abus de substances et l'obésité. Tous les patients asthmatiques qui les présentent nécessitent une surveillance attentive. Autre constatation intéressante : l'utilisation concomitante d'un corticostéroïde inhalé avec les LABA n'a pas changé le risque relatif d'EIG, ne l'augmentant, ni ne le diminuant et apportant ainsi un élément de réponse à une question qui a été longuement débattue. »

*salmétérol, (Sérévent) ; formotérol (Foradil) ; bambutérol (Oxéol) ; salmétérol et fluticasone (Sérétide) ; formotérol et budésonide (Symbicort).

Cet article a été originalement publié sur Medscape.com, le 8 avril 2011 ; Adapté par Stéphanie Lavaud

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