Paris, France — La bicuspidie aortique concerne 0,5 à 1 % de la population. Elle s'accompagne d'une dysfonction valvulaire prématurée et d'anomalies de l'aorte ascendante. « C'est la première cause de remplacement valvulaire aortique aux États-Unis » a précisé le Dr Raymond Roudaut (Hôpital cardiologique, Université Victor Segalen, Bordeaux) lors des Rendez-vous de Cardiologie de l'hôpital Pitié salpêtrière (Paris, 10-11 mars 2011) [1].
Un risque de dissection aortique multiplié par 9
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Dr Roudaut |
La fusion des deux valves aortiques résulte d'anomalies de la vasculogenèse.
« C'est une artériopathie avec une dégénérescence de la média et une fragmentation de l'élastine » a expliqué le Dr Roudaut. Le fonctionnement valvulaire reste normal dans 20 % des cas. Le risque de dissection est multiplié par neuf, et lorsqu'une endocardite infectieuse survient sur ce terrain, elle est de pronostic plus réservé.
Une classification en trois types
La bicuspidie est associé à un large spectre d'anomalies cliniques. Chez l'enfant, elle peut se manifester par une sténose aortique voire un choc cardiogénique initial. Chez l'adolescent, elle peut se révéler comme une insuffisance aortique. Chez l'adulte, la bicuspidie peut avoir pour conséquences un anévrysme, une dissection ou être la cause de remplacement valvulaire aortique.
En 2007, l'allemand Hans Sievers a proposé une classification, basée sur 304 patients opérés [2].
Le type 0 ne présente pas de raphé, zone surélevée faisant partie de l'anneau aortique et se terminant sur le bord libre de la valve)
Le type 1 se caractérise par un raphé avec une sténose prédominante
Le type 2 comporte deux raphés, soit « une monocuspidie »
La plus fréquente des bicuspidies est de type 1. Elle se caractérise par la présence d'un raphé entre les deux ostiums coronaires. L'orifice aortique comporte deux valves avec un large raphé médian. Les types 0 et 2 sont plus rares. Le diagnostic n'est pas évident et l'échocardiographie doit être complétée par une autre technique d'imagerie (scanner ou IRM).
Les facteurs de risque de progression
La question de la grossesse peut se poser, chez une femme, lorsque la présence d'un souffle au foyer aortique révèle une bicuspidie avec une aorte ascendante dilatée. « Il faut se baser sur la progression du diamètre de l'aorte » a indiqué le Dr Roudaut.
L'américain Maros Ferencik a montré que le taux annuel de progression est de 0,5 mm/an au niveau du sinus de Valsalva, et de 0,9 mm au niveau de l'aorte ascendante proximale [3]. Dans cette étude, menée chez 68 patients suivis durant 4 ans, les auteurs montrent également que le gradient transvalvulaire augmente régulièrement.
Plusieurs travaux s'accordent pour identifier des facteurs de risque de progression : les antécédents de coarctation, l'âge et une surface corporelle élevée.
Côté traitement médical, les bêtabloquants sont indiqués si l'aorte dépasse 40 mm en absence d'insuffisance aortique significative (niveau de recommandation IIaC). Les IEC/ sartans sont efficaces pour enrayer la progression du calibre de l'aorte. Il n'y a pas d'évidence clinique pour privilégier les IEC ou les sartans pour contrôler la pression artérielle. Les statines ne sont pas validées dans cette indication, et elles n'ont pas été convaincantes dans les sténoses aortiques.
La chirurgie de l'aorte ascendante est indiquée dès que l'aorte dépasse 50 mm sans valvulopathie, ou que la progression dépasse 0,5 mm par an. Le remplacement valvulaire est préconisé dès que le diamètre de l'anneau aortique est supérieur à 45 mm et en cas de valvulopathie associée.
« Il faudrait indexer la dilatation de l'aorte à la surface corporelle. On y travaille avec les radiologues » a indiqué le Dr Roudaut.
Une surveillance annuelle
La surveillance annuelle porte sur le fonctionnement valvulaire, le diamètre de l'anneau, les mesures du sinus valvulaire et de la jonction sinovalvulaire. Un suivi et un dépistage familial font également partie du bilan initial. La grossesse s'accompagnant d'une augmentation des estrogènes, le remodelage induit des variations hémodynamiques qu'il faut pouvoir anticiper.
« C'est une décision difficile car l'aorte peut brutalement progresser » a précisé le Dr Roudaut, le risque de dissection étant en effet multiplié par neuf.
Côté sport, si la valve aortique n'est pas sténosante ni fuyante, il n'y a pas de contre-indication. Néanmoins, en cas de dysfonctionnement valvulaire, le sport de compétition est interdit.
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Citer cet article: Face à une bicuspidie, toujours penser au risque de dissection aortique - Medscape - 22 avr 2011.
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