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Dr Croisille |
Une alternative à la biopsie
La fibrose diffuse ou interstitielle est une évolution de nombreuses cardiomyopathies. La fibrose myocardique s'accompagne d'une dysfonction diastolique et systolique pourvoyeuse d'évènements cardiovasculaires majeurs. Jusqu'à présent, la seule méthode de quantification fiable de la fibrose était la biopsie. Mais elle présente trois inconvénients : son caractère invasif, la difficulté de prélever au bon endroit et il n'est pas possible d'estimer le degré de fibrose de la totalité du VG. Dans les dix dernières années, l'IRM cardiaque est apparue comme une méthode d'imagerie permettant une évaluation complète de l'anatomie et de la fonctionnalité myocardique avec une précision et une reproductibilité inédites.
« L'IRM est devenue une méthode adulte grâce à l'émergence de machines et de savoir-faire. Elle est la seule capable de visualiser en positif la distribution du produit de contraste dans les plages de nécrose » explique à heartwire le Dr Croisille. L'utilisation du Gadolinium permet d'acquérir des séquences de réhaussement tardif qui vont plus loin dans l'analyse précise de la composition tissulaire. Il a été démontré que le réhaussement tardif est bien corrélé à l'extension de la fibrose cicatricielle à huit semaines.
Les bases physiques sont détaillées pour expliquer comment les différences de contenu cellulaire se traduisent par des images spécifiques. Schématiquement, le réhaussement tardif est défini sur les bases d'une différence d'intensité du signal entre le myocarde normal et le tissu fibrosé et cette différence génère un contraste. « La différence de contraste est basée sur la différence de répartition du produit de contraste » explique le spécialiste.
Un intérêt bien démontré dans l'infarctus
L'impact clinique de la technique a été démontré dans les cardiopathies ischémiques chez 50 patients revascularisés en observant un lien entre la fraction d'éjection et l'importance du réhaussement transmural. Il a aussi été établi que le réhaussement tardif a une valeur prédictive de l'importance du remodelage ventriculaire gauche. La taille de l'IDM est un facteur pronostic indépendant de la survenue ultérieure d'une insuffisance cardiaque, de troubles du rythme et de mortalité cardiaque.
D'autres cardiomyopathies ont aussi bénéficié de l'IRM qui est devenu un examen de choix pour rechercher l'étiologie de dysfonction myocardique inexpliquée. Dans les myocardiopathies dilatées non ischémiques, la présence d'un réhaussement tardif est associée à un triplement du risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou de décès d'origine cardiaque et un risque multiplié par cinq de mort subite ou d'arythmie ventriculaire. Dans les cardiopathies hypertrophiques, il existe aussi une corrélation forte avec les arythmies et la mort subite.
Dans l'amyloïdose ou en cas de remplacement valvulaire aortique, le réhaussement tardif est associé à la survenue d'évènements cardiovasculaires. Plus récemment, la valeur pronostique a été démontrée chez l'hypertendu ou le diabétique, indemnes de tout accident cardiaque ou de dysfonction ventriculaire gauche. Reste à standardiser la technique d'évaluation qui diffère d'une étude à l'autre.
Vers une quantification plus précise
Les limites sont précisément les caractéristiques techniques de l'examen.
« Le réhaussement est influencé non seulement par les paramètres techniques de la phase d'acquisition mais aussi par le seuil d'intensité qui est déterminé arbitrairement pour différencier le tissu normal de la fibrose » indiquent les auteurs. Il n'y a pas de consensus sur ce seuil, ce qui peut expliquer les grandes différences de fréquences de fibrose myocardiques selon les études.
« Bien qu'elle soit la méthode la plus sensible pour mesurer la fibrose myocardique, la sensibilité est limitée pour déterminer la fibrose interstitielle » écrivent les auteurs. Lorsque le processus de fibrose est diffus, le contraste est difficile à mettre en évidence.
Le Dr Croisille explique : « L'approche classique ne suffit plus et on utilise une approche quantitative en mesurant des paramètres physiques. L'objectif est de mesurer chaque voxel (pixel volumétrique) correspondant à une épaisseur du tissu (comme le pixel sur une photographie). On mesure le temps de relaxation T1 en millisecondes. En connaissant T1, on peut estimer la quantité de gadolinium et quantifier la fibrose. Il y a un intérêt grandissant pour cette technique. Nous avons fait des travaux sur les diabétiques et les patients atteints de sclérodermie en phase débutante. Ce qui sera intéressant, c'est de prendre en charge plus tôt cette fibrose lorsqu'elle est réversible et sensible à des thérapeutiques antifibrosantes ».
Dans la cartographie T1, la quantification du signal est directe sur une échelle standardisée. D'où une meilleure analyse globale et régionale. Bien que la technique n'ait pas encore été validée, la cartographie pourrait mieux différentier la fibrose interstitielle du tissu normal.
« Elle est beaucoup moins opérateur-dépendante, un inconvénient commun à d'autres méthodes comme l'échocardiographie » souligne le Dr Croisille. Théoriquement, elle pourrait être l'outil idéal pour quantifier la fibrose diffuse et améliorer la précision du réhaussement tardif. Il reste encore à déterminer quelle est la meilleure stratégie et le timing optimal. « Flett a corrélé la quantification par cartographie à l'histologie sur biopsie myocardique sur un petit collectif de patients » précise le spécialiste.
Ces techniques permettront de mieux stratifier les populations à risque (diabétiques, HTA) en détectant des changements myocardiques infra-cliniques avant la dysfonction diastolique ou systolique. La cartographie T1 combinée à l'IRM avec réhaussement tardif promet une meilleure caractérisation du tissu myocardique avec, en ligne de mire, un traitement plus personnalisé.
Actualités Heartwire © 2011
Citer cet article: L'IRM pourrait devenir l'outil idéal pour quantifier la fibrose cardiaque - Medscape - 1er mars 2011.
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