Quand la CNAM enquête sur les pratiques des cardiologues

Adélaïde Robert-Géraudel

13 janvier 2011

Paris, France — Fin 2010, des cardiologues ont été sommés de rembourser des sommes indues, liées au cumul de facturation d'actes d'échocardiographie et d'écho Doppler, cumul interdit depuis 1994. C'est le type de sanction sur lequel peuvent déboucher les contrôles menés par les Caisses primaires d'Assurance maladie. Nul n'est sensé ignoré la loi, aussi mieux vaut connaître ses droits et les meilleures manières de se mettre à l'abri des attaques.

Ces questions ont été soulevées lors d'une session consacrée aux relations entre les cardiologues et l'Assurance maladie au cours des XXIes Journées Européennes de la Société française de cardiologie (SFC).

Hélène Lainguy, juriste responsable du pôle de protection sociale au Sou médical (Groupe MASCF), une société médicale d'assurances et de défenses professionnelles, a ainsi rappelé que les médecins conseils de l'Assurance maladie pouvaient procéder à des contrôles de l'activité des médecins.

Par la suite, le service médical peut consulter les dossiers tenus par un praticien mais également contacter ses patients après l'en avoir informé.

Quatre procédures peuvent alors être engagées : des demandes de remboursement de prestations indues, un contentieux ordinal, conventionnel ou encore des pénalités financières.

« Il en existe peu en cardiologie, ce sont plutôt les médecins généralistes et les infirmières qui en font l'objet », a-t-elle précisé. Le Sou médical-MASCF n'a ainsi ouvert que de 58 dossiers de protection juridique, essentiellement pour des recouvrements d'indus (18) ou un contentieux ordinal (21).

Ces chiffres ne reflètent cependant pas la réalité des contentieux engagés avec les CPAM, bien plus nombreux, a pour sa part affirmé Vincent Guillot, vice-président du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV), présent dans la salle. Les cardiologues s'adresseraient plus souvent à leurs syndicats pour réclamer de l'aide en cas de litiges.

« Le nombre de litiges a baissé depuis les nouvelles dispositions de la CCAM (codage des actes médicaux) qui ont éclairci certains points », remarque le Dr Guillot.

Les bêtes noires : cotation et abus d'actes

Les principales infractions relevées concernent des problèmes de cotation NGAP/CCAM (nomenclature générale des actes professionnels) ainsi que le cumul d'actes ou encore les abus d'actes, les actes fictifs ou non réalisés.

« Attention, ces litiges ne sont pas pris en charge par l'assurance de responsabilité civile professionnelle. Il faut penser à prendre une assurance de protection juridique », conseille H Lainguy. Cette assurance permet de prendre en charge les frais de procédure (avocats, avoués, huissiers). En revanche, elle ne couvre pas la prise en charge des condamnations.

 
Attention, ces litiges ne sont pas pris en charge par votre assurance de responsabilité civile professionnelle. Pensez à prendre une assurance de protection juridique — H Lainguy, Sou médical-MASCF
 

Les sanctions peuvent aller de l'avertissement au blâme, en passant par l'interdiction temporaire ou permanente d'exercice ou le remboursement de trop perçus.

Dans le cas du non-respect des dispositions de la convention nationale comme l'abus du droit de dépassement, il peut y avoir également suspension de ce droit, mise hors convention jusqu'à un an ou suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux (entre un mois et un an).

« En cas de doute sur vos pratiques, comme par exemple sur la cotation des actes, n'hésitez pas à vous mettre en relation avec les médecins des Caisses d'assurance maladie en demandant une réponse écrite. Par ailleurs en cas de contrôle, n'hésitez pas à prévenir votre compagnie d'assurance ou un syndicat », conseille le Dr Cédric Gaultier, cardiologue interventionnel et médecin-conseil au Sou Médical.

Connaître les procédures et les recours

Suite au contrôle, la Caisse primaire d'assurance maladie notifie au praticien ses griefs, c'est-à-dire les faits reprochés (qui ne peuvent pas remonter à plus de trois ans) ainsi que l'identité des patients concernés. Le praticien peut alors demander à être entendu par le service médical, en se faisant éventuellement assister par un autre médecin.

Un compte-rendu est envoyé par la CPAM, suivi, dans un délai de trois mois, de la notification des griefs retenus. « Après réception du compte-rendu, le médecin doit faire part de ses réserves, sinon celui-ci est considéré comme approuvé », met en garde la juriste.

Suivant les infractions visées, différentes procédures existent.

 
Après réception du compte-rendu de la CPAM, le médecin doit faire part de ses réserves, sinon celui-ci est considéré comme approuvé — H Lainguy
 

Lorsqu'il s'agit de problèmes de facturation ou tarification, le médecin peut saisir la Commission de recours amiable (CRA) dans un délai d'un mois. La CPAM a un mois pour se prononcer. En l'absence de réponse, il y a rejet implicite de la Caisse.

Il peut alors saisir le Tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS), dans un délai de deux mois et y comparaître seul ou avec un avocat.

En cas de fautes, abus et fraudes intéressant l'exercice de la profession, la plainte est soumise en première instance à une section des assurances sociales de la chambre disciplinaire des médecins.

Les voies de recours consistent à faire appel devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins et à se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.

Attention aux sanctions aggravées

Attention, cependant, à ne pas abuser des recours. « La sanction est parfois aggravée devant le Conseil de l'Ordre », a précisé le Dr Cédric Gaultier.

C'est la raison pour laquelle les cardiologues qui ont été sommés de rembourser aux CPAM des sommes indues du fait d'un cumul d'actes en KE (échographies cardiaques et écho-Doppler vasculaires) ont été invités à accepter leur sanction.

Dans une circulaire envoyée le 13 décembre 2010, le SNSMCV, estime ainsi « vain  de tenter des actions à titre individuel ; le recours gracieux est voué à des échecs systématiques et le recours au TASS s'annonce quasiment perdu d'avance ».

Il annonce cependant saisir de nouveau l'Assurance maladie pour « s'élever solennellement contre ces campagnes de contrôle nationaux rétrospectifs inopinés, sans information et sans aucune transparence méthodologique ».

Les griefs retenus contre les cardiologues
  • Cotation CS non justifiée pour la réalisation de la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA). Le conseil de Cédric Gaultier est de facturer directement l'acte au patient (en lui précisant que ce n'est pas remboursé) ou de faire au moins un minimum de consultation…

  • Actes répétés effectués sur des patients dont l'état de santé ne justifiait pas une multiplication des examens.

  • Non-respect de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).

  • Mauvaise tenue des dossiers médicaux.

  • Comptes rendus d'hospitalisation incomplets ou inexistants. Exemple : pour un patient obèse, le compte-rendu a été jugé trop sommaire (« peu échogène ») et l'acte n'a pas été remboursé.

  • Réalisation d'actes techniques de mauvaise qualité.


Mediator : quelle attitude auront les Caisses ?

Dans le cadre de l'affaire du Médiator (benfluorex), des cardiologues se sont interrogés sur la position de la Caisse nationale d'assurance maladie par rapport aux échographies de contrôle demandées par les patients.

« On voit défiler quatre à cinq patients par jour dans nos cabinets », témoignait un médecin présent dans la salle. La position de la Cnam n'est pas connue. La publication du rapport de l'IGAS, attendue samedi 15 janvier, devrait offrir à la Cnam de quoi se positionner.


Nomenclature et cotation : liens utiles

Site du CCAM : vous pouvez télécharger la version 22 de la CCAM au 30/09/2010 ici.

Site de la NGAP


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