Denver, États-Unis — L'étude SHARP montre que la combinaison d'un inhibiteur de l'absorption du cholestérol, l'ézétimibe (Ezetrol(R), Merck) et d'une statine, la simvastatine, à doses fixes (Inegy(R), Merck), réduit l'incidence des évènements athérosclérotiques majeurs et des évènements vasculaires majeurs, chez des sujets avec une maladie rénale chronique. Les résultats ont été présentés par les professeurs Colin Baigent et Martin Landray (Oxford) lors de l'American Society of Nephrology Renal Week, et ont fait l'objet d'un communiqué de l'Université d'Oxford[1].
Jusqu'à présent, l'intérêt d'une baisse médicamenteuse du cholestérol chez les insuffisants rénaux chroniques en stade terminal, était très débattu.
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Pr Massy |
« Les études AURORA et 4D sont différentes par rapport à l'étude SHARP puisqu'elles comportent uniquement des patients hémodialysés et qu'elles sont de plus petite taille » commente pour heartwire le Pr Ziad Massy, investigateur, coordinateur national de l'essai en France (CHU d'Amiens).
Un grand essai chez des patients ayant une maladie rénale chronique à différents stades
SHARP (Study of Heart and Renal Protection), a été menée chez 9438 patients, dialysés ou présentant une créatinine > 1,7 mg/dL chez les hommes ou > 1,5 mg/dL chez les femmes. Ces patients ne présentaient par ailleurs aucun antécédent d'infarctus de myocarde (IDM) ou de revascularisation coronaire. Ces patients ont été randomisés pour recevoir l'association (10 mg d'ézétimibe + 20 mg de simvastatine) ou un placebo.
On remarque qu'initialement, l'étude ne comportait pas deux, mais trois bras. Durant la première année, en effet, 1000 patients prenaient de la simvastatine seule. Ces patients ont ensuite été « re-randomisés » entre bras placebo et bras ézétimibe/simvastatine.
« Ce design était conçu pour tester la sécurité de l'association ézétimibe-simvastatine versus simvastatine seule car on n'avait pas de recul avec l'ézétimibe à l'époque » explique le Pr Massy.
Après un suivi médian de 4,9 ans, l'incidence des évènements athérosclérotiques majeurs, qui constituait le critère principale de jugement, a été réduite de 17 % (p = 0,0022), et l'incidence des évènements vasculaires majeurs (athérosclérotiques et non athérosclérotiques = MACE) de 15,3 % (p = 0,0012).
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On note que ces résultats ne diffèrent pas en analyse par sous-groupe et notamment entre patients dialysés ou non. On note également qu'ils ont été obtenus alors qu'une proportion de patients — de l'ordre d'un tiers — a arrêté le traitement de l'étude (différence non significative entre groupe traitement actif vs placebo).
On remarque enfin qu'une fois l'étude achevée, mais avant d'avoir pris connaissance des résultats, le comité de surveillance avait souhaité faire des évènements athérosclérotiques majeurs le critère primaire, en lieu et place des évènements vasculaires majeurs. L'objectif était d'éviter un résultat faussement négatif, en écartant du critère d'évaluation des évènements comme les AVC hémorragiques, ou les insuffisances cardiaques, certainement insensibles à la baisse du LDL.
Le laboratoire Merck-Shering Plough, qui sponsorisait l'étude, s'est toutefois opposé à cette modification — du fait des critiques qu'elle aurait suscitées, peut-on supposer.
Les deux critères étant positifs, le mini débat que semble avoir suscité cette question est de toutes façons caduc.
Enfin, sur le plan de la sécurité, aucun écart statistiquement significatif entre groupes n'a été constaté du point de vue de l'incidence des cancers, des myopathies et des hépatites entre les 2 groupes.
Pas d'influence des lipides sur la progression de la maladie rénale chronique
Dans SHARP, un critère secondaire évaluait le rôle des lipides dans la progression de la maladie rénale chronique.
« Dans les années 1980, on avait fait l'hypothèse que la maladie rénale provoquait la dyslipidémie et que cette dyslipidémie accélérait la progression de la maladie rénale » commente le Pr Massy. « Cette hypothèse était pour la première fois testée dans SHARP. Les résultats sont négatifs : la baisse du cholestérol n'a pas eu d'effet sur la progression de la maladie rénale vers le stade terminal. »
Le point faible de l'étude est évidemment qu'elle ne différencie pas le rôle de l'ézétimibe et le rôle de la simvastatine dans le bénéfice constaté. Reste la démonstration, importante, que la baisse du LDL profite aussi aux insuffisants rénaux chroniques.
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NB : La publication de SHARP est attendue dans le premier trimestre 2011 dans une revue princeps (NEJM ou Lancet).
L'étude SHARP a été financée par Merck-Shering Plough, ainsi que par le National Health and Medical Research Council australien, la British Heart Foundation, et le Medical Research Council britannique. Le Pr Ziad Massy a été investigateur, Coordinateur National de SHARP en France. |
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Citer cet article: Abaisser le cholestérol des patients ayant une maladie rénale chronique réduit les évènements athérosclérotiques et vasculaires - Medscape - 8 déc 2010.
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