Chicago, IL, États-Unis — L'étude ROCKET-AF, présentée en Late-Breaking du congrès de l'American Heart Association montre que le rivaroxaban (Xarelto, Bayer HealthCare) est une alternative aux AVK en prévention thromboembolique dans la FA [1]. Dans une population à haut risque, l'anti-Xa se montre en effet non inférieur à la warfarine en terme d'efficacité, et son utilisation ne s'accompagne pas d'un surrisque hémorragique.
Une analyse per protocole pour la forme
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Dr Mahaffey |
Et pour le Dr Helaine M Hylek (Boston, Massachusetts), qui discutait la présentation, « les résultats en intention de traiter, qui montrent une supériorité non significative, reflètent probablement davantage la véritable différence d'efficacité entre les deux traitements ».
Interrogé par heartwire , le Pr Jean-Yves Le Heuzey (HEGP, Paris) a pour sa part confirmé « qu'en tant que clinicien, seule l'analyse en intention de traiter avait de l'importance ».
On retiendra donc la notion de non-infériorité qui ressort de cette analyse.
Une population à haut risque
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Pr Le Heuzey |
Le Dr Hylek a souligné que « l'on ne peut apprécier les résultats de ROCKET-AF qu'en prenant pleinement la mesure de la complexité de cette population de patients ». Quant au Pr Le Heuzey, il remarque que « ROCKET-AF est plus proche de la prévention secondaire que RE-LY ».
Facteurs de risque des populations de ROCKET-AF et de RE-LY Âge |
Antécédent d'AVC ou AIT |
HTA |
IC |
Diabète |
Score CHADS2 |
|
ROCKET-AF (n = 14264) |
73 ans |
55 % |
91 % |
62 % |
39 % |
3,5 |
RE-LY (n = 18113) |
72 ans |
20 % |
79 % |
32 % |
23 % |
2,1 |
Un double aveugle avec la warfarine
Les patients de ROCKET-AF ont été randomisés et traités par rivaroxaban, à la dose de 20 mg/j (15 mg/j pour une clairance de créatinine de 30-49 ml/min), ou par warfarine, avec un INR cible de 2,5, et compris entre 2 et 3. On note que le double-aveugle, traditionnellement difficile à mettre en place avec la warfarine, a été réalisé avec une procédure en « double-dummy », tous les patients subissant les dosages d'INR.
Cette sophistication n'a pas été retenue dans RE-LY, ce qui n'a pas empêché la FDA de retenir le dabigatran dans la FA — après nombre de débats entre experts, il est vrai. Pour le Pr Le Heuzey, néanmoins, « si l'ouvert a finalement été accepté par la FDA, c'est parce que la dose de 150 mg de dabigatran s'est montrée supérieure à la warfarine. Sans cette supériorité, il est très probable qu'une simple non-infériorité montrée en ouvert, n'aurait pas été admise par l'agence américaine ».
Un INR cible souvent raté
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Dr Hylek |
* temps à partir duquel la supériorité de la warfarine sur la bithérapie antiplaquettaire a été démontrée.
Comme l'a souligné le Dr Hylek, « moins de 50 % des patients sous warfarine ont dépassé le seuil de 58-60 % du temps dans l'intervalle cible, temps à partir duquel la supériorité de la warfarine sur la bithérapie antiplaquettaire a été démontrée. Dans ces conditions, la question se pose de la performance du comparateur ».
La non-infériorité
Le critère primaire d'efficacité était l'incidence des AVC et des évènements thromboemboliques hors SNC, durant un suivi maximal de 960 jours.
Incidence du critère primaire dans ROCKET-AF selon le mode d'analyse (intention de traiter ou per protocole) Rivaroxaban |
Warfarine |
RR |
p |
|
ITT (n = 14171) |
2,12 |
2,42 |
0,88 |
0,117 |
PP (n = 14143) |
1,70 |
2,15 |
0,79 |
0,015 |
En retenant l'analyse en intention de traiter comme référence, le taux d'évènement étant moindre dans le groupe rivaroxaban, mais non significativement moindre, on conclut donc à la simple non-infériorité de l'anti-Xa sur la warfarine.
Le rivaroxaban parait sûr en terme de saignements
En ce qui concerne le risque hémorragique, les écarts entre groupes ne sont significatifs ni pour l'ensemble des hémorragies, ni pour les hémorragies majeures, ni pour les hémorragies mineures. Le rivaroxaban ne fait donc pas moins saigner que les AVK.
En détaillant les types de saignements, on retrouve toutefois des différences de profil des deux molécules.
Taux de saignements Rivaroxaban |
Warfarine |
RR |
P |
|
Saignements intracrâniens |
0,49 |
0,74 |
0,67 |
0,019 |
Hémorragies fatales |
0,24 |
0,48 |
0,50 |
0,003 |
Transfusion |
1,65 |
1,32 |
1,25 |
0,044 |
Chute > 2 g/dL |
2,77 |
2,26 |
1,22 |
0,019 |
La réduction des saignements intracrâniens et des hémorragies fatales sous rivaroxaban a été qualifiée « d'importante » par le Dr Hylek. L'augmentation des transfusions et des chutes de l'hématocrite, « rend toutefois le profil de sécurité moins clair » a-t-elle ajouté.
Le Pr Mahaffey a précisé qu'il s'agissait principalement d'épistaxis donc d'hémorragies de « surface » mais ayant néanmoins conduit à la nécessité de transfuser.
La question « désagréable » du choix entre rivaroxaban et dabigatran
Au total, donc, on dispose avec le rivaroxaban d'une alternative à la warfarine dans la FA non valvulaire.
Reste la question difficile de la comparaison entre ROCKET-AF et RE-LY, c'est-à-dire entre rivaroxaban et dabigatran. Et le Dr Douglas P Zipes (Carmel, Indiana, É.-U.) ne s'est pas privé de la poser à Kenneth Mahaffey, en séance plénière — en la qualifiant néanmoins de « question désagréable ».
À quoi le Dr Mahaffey n'a pu répondre que de manière évasive : « Les deux essais sont de très bons essais, mais des médicaments différents, évalués avec des protocoles différents, dans des populations différentes, doivent être comparés face à face pour pouvoir être situés mutuellement ».
Le Dr Zipes a qualifié cette réponse « d'éminemment politique ».
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Citer cet article: ROCKET-AF montre seulement que le rivaroxaban est non inférieur aux AVK - Medscape - 15 nov 2010.
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