RAFT prouve que la resynchronisation précoce améliore la survie

Dr Catherine Desmoulins

14 novembre 2010

Dr Tang

Chicago, IL, É.-U. — Implanter d'emblée un dispositif de resynchronisation à des patients désynchronisés ayant une indication de défibrillateur implantable réduit à la fois les hospitalisations et la mortalité.

Les résultats de l'étude RAFT, présentée en Late Breaking du congrès de l'American Heart Association 2010, par le Dr Anthony Tang (Université d'Ottawa, Ontario) confirment REVERSE et MADIT-CRT. [1] RAFT est simultanément publiée dans le New England Journal of Medicine. [2]

 
Cette étude fait la démonstration que la double implantation d'un défibrillateur et d'une resynchronisation va sauver des vies — Dr Tang (Université d'Ottawa, ON)
 

« Cette étude fait la démonstration que la double implantation d'un défibrillateur et d'une resynchronisation va sauver des vies » a commenté le Dr Tang.

« Elle apporte la preuve qu'il est possible d'agir sur l'évolution de l'insuffisance cardiaque puisqu'elle montre à la fois une baisse relative des hospitalisations pour décompensation cardiaque de 25 % et une baisse de la mortalité de toute cause de 25 %. »

Dr Yancy

« Il y a effectivement de quoi nous enthousiasmer », a commenté le Dr Clyde Yancy (Dallas, Texas), qui s'est beaucoup impliqué dans la recherche de nouvelles solutions thérapeutiques pour l'insuffisant cardiaque durant son récent mandat de président de l'AHA.

 
RAFT confirme que la resynchronisation apporte un bénéfice clinique y compris chez des patients peu symptomatique. Il va probablement falloir réviser nos recommandations — Dr Yancy (Dallas, TX)
 

Le choix des sujets de cette première session des Late-Breaking dédiée à l'insuffisance cardiaque en RAFT confirme que la resynchronisation apporte un bénéfice clinique y compris chez des patients peu symptomatiques.

Il va probablement falloir réviser nos recommandations.

Indication de défibrillateur et QRS élargi

L'étude RAFT ( Resynchronisation-Defibrillation for Ambulatory Heart Failure Trial ) est une étude randomisée, contrôlée en double aveugle qui a fait participer 34 sites, au Canada, en Europe, en Australie et Turquie, entre janvier 2003 et février 2009.

Au total, 1798 insuffisants cardiaques en classe NYHA II et III, avec un QRS élargi d'au moins 120 msec (ou 200 msec avec pacemaker) et une dysfonction ventriculaire avec FEVG < 30 %, ont été randomisés pour recevoir soit un défibrillateur implantable (DAI), soit un DAI et une resynchronisation (DAI + CRT). Tous ces patients recevaient par ailleurs un traitement médical optimal.

À l'inclusion, les patients devaient être en rythme sinusal ou en FA avec un rythme contrôlé.

Le critère de jugement primaire combinait les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et les décès de toute cause. Les critères secondaires étaient la mortalité de toute cause, la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Seules les hospitalisations > 24 h et dont l'étiologie avait été confirmée par un comité d'expert soumis par l'aveugle ont été retenues.

Le suivi moyen est de 3 ans.

« La plupart des patients désynchronisés sont également des candidats à l'implantation d'un défibrillateur automatique » a expliqué le Dr Tang. « Nous avons donc évalué l'impact de l'implantation des deux dispositifs chez des patients avec une insuffisance cardiaque peu ou modérément évoluée, pour lesquels le bénéfice d'une stimulation bi-ventriculaire n'est pas formellement prouvé. »

Un effet rapide sur les hospitalisations et moins rapide sur les décès

Il s'agit d'une population âgée de 66 ans en moyenne avec une majorité d'hommes (82 %), de cardiopathies ischémiques (67 %) et de classe NYHA II (80 %). La FEVG moyenne est de 22 %, 27% ont un bloc de branche gauche et 13 % des sujets sont en fibrillation auriculaire.

Environ 90 % sont sous bêtabloquant, 96 % sous IEC/ARAII, 42 % sous spironolactone et 34 % sous digoxine.

Dans le groupe implanté d'un DAI, la fréquence du critère de jugement primaire est de 40,3 % contre seulement 33,2 % en cas d'implantation combinée DAI + CRT, soit une différence significative de 7,1 % en valeur absolue et de 25 % en risque relatif.

« Il est important de souligner que les deux paramètres du critère de jugement (mortalité et hospitalisations) sont améliorés par l'ajout d'un resynchronisation » a noté le Dr Tang.

La projection à 5 ans, présentée par le Dr Tang estime qu'il faut traiter 14 patients pour éviter un décès et 11 patients pour prévenir une hospitalisation.

RAFT : décès de toutes causes et hospitalisation pour insuffisance cardiaque


Défibrillateur
n = 904
Déf. + resynchro.
n = 894
HR
p
Critère primaire (décès toute cause et hospitalisation pour IC)
364 (40,3 %)
297 (33,2 %)
0,75 (0,64-0,87)
< 0,001
Décès toutes causes
236 (26,1 %)
186 (20,8 %)
0,75 (0,62-0,91)
0,003
Hospitalisation pour IC
236 (26,1 %)
174 (19,5 %)
0,68 (0,56-0,83)
< 0,001
Classe NYHA II -Critère primaire
253/730 (34,7 %)
193/708 (27,3 %)
0,73 (0,61-0,88)
0,0002
Classe NYHA III-Critère primaire
111/174 (63,8 %)
104/186 (55,9 %)
0,76 (0,58-0,99)
0,04

L'analyse en sous-groupes, pré-spécifiée, montre une amplitude de réduction des risques de décès et d'hospitalisation comparable dans le groupe des patients NYHA II et III. Chez les patients les moins sévères (NYHA II), la réduction du critère combiné est significative, de même que les décès pris isolément : HR 0,71 (0,56-091), p = 0,006).

La seule différence significative concerne les patients avec une QRS > 150 msec qui tirent le plus bénéfice de la resynchronisation.

Deux dispositifs = deux fois plus de complications

Reste néanmoins la question des complications. Le nombre d'hospitalisations liées à la procédure ou aux dispositifs passe de 110 (12,2 %) à 179 (20 %), soit un doublement.

« Il est intéressant de constater que la différence en terme de survie ne s'est révélée qu'après environ deux ans de suivi » commente dans son éditorial du NEJM le Dr Arthur J Moss (Rochester, NY). [3] « De fait, la réduction des hospitalisations précède la réduction de mortalité. Malgré ce bénéfice, les hospitalisations liées aux complications des dispositifs étaient deux fois plus importantes dans le groupe resynchronisé que dans le groupe DAI seul. »

Feu vert pour l'élargissement des indications ?

 
Il va falloir évaluer le rapport coût-efficacité et mieux définir le phénotype des patients répondeurs. Un QRS à 120 msec n'est peut-être pas optimal — Dr Yancy
 

Pour le Dr Yancy, « RAFT vient s'ajouter aux résultats de REVERSE et MADIT-CRT mais il est intéressant de souligner qu'il s'agit de populations relativement différentes. Les fractions d'éjections du VG sont différentes, de même que les durées des QRS. On voit que ça marche, malgré ces différences et qu'il n'est donc pas nécessaire d'ajouter un critère échographique pour sélectionner les patients ; mais il y a également plus de complications. Il va donc falloir évaluer le rapport coût/efficacité d'un tel traitement. Une analyse ultérieure de RAFT devrait nous répondre. »

Pr Cohen Solal

Deuxième point soulevé par le Dr Yancy : Le « phénotypage » des patients bons répondeurs. À ce jour, la valeur seuil du QRS est de 120 msec mais « le QRS moyen des patients dans cette étude est de 158 msec. Quel doit être, par conséquent, la valeur seuil du QRS, 120,130, 150 msec ? On voit une nouvelle fois dans l'analyse en sous-groupe de RAFT que les meilleurs répondeurs ont les QRS les plus larges, un BBG et que les femmes en tirent aussi un plus grand bénéfice, sans que l'on puisse l'expliquer. »

« Jusqu'à présent, il existait une certaine réticence à élargir les indications de la resynchronisation à ce type de patients, commente pour heartwire le Pr Alain Cohen-Solal (hôpital Lariboisière, Paris).

 
Jusqu'à présent, il existait une certaine réticence à élargir les indications de la resynchronisation à ce type de patients. RAFT devrait achever de convaincre les sceptiques en pesant bien le rapport bénéfice/risque dans une population à moindre risque — Pr Cohen-Solal (hôpital Lariboisière, Paris)
 

« RAFT devrait achever de convaincre les sceptiques en pesant bien le rapport bénéfice-risque dans une population à moindre risque. Il faut voir si on peut définir les patients répondeurs autrement que sur de simples critères ECG.

L'essai REVERSE avait été retenu comme non significatif sur la mortalité, mais au fur et à mesure que l 'on s'éloignait, l'impact devenait de plus en plus important, de sorte que dans REVERSE follow-up la resynchronisation a aussi un impact significatif sur la mortalité ».

« En deux ans, avec RAFT, MADIT-CRT et REVERSE, nous avons accumulé des preuves solides en faveur du bénéfice de la resynchronisation chez des patients sélectionnés avec des cardiopathies ischémiques ou non ischémiques » écrit encore l'éditorialiste. « En septembre 2010, la FDA a d'ailleurs élargi les indications de la resynchronisation aux patients MADIT-CRT. On peut dire aujourd'hui que la resynchronisation chez des insuffisants cardiaques faiblement symptomatiques mais avec des ventricules désynchronisés peut ralentir la dégradation de la fonction myocardique. »

 
En 2 ans, avec RAFT, MADIT-CRT et REVERSE, nous avons accumulé des preuves solides en faveur du bénéfice de la resynchronisation chez des patients sélectionnés avec des cardiopathies ischémiques ou non ischémiques — Dr Moss (Rochester, NY)
 

Pour le Dr Moss, trois questions restent en suspens :

« La resynchronisation prévient-elle ou réduit-elle la dysfonction myocardique ?

Peut-être réduire le risque de FA et de FV ?

La localisation de l'implantation de la sonde gauche dans une veine coronaire peut-elle influer l'efficacité de la resynchronisation ? »

Il faut que le bénéfice dans cette population moins sévère soit suffisamment important.

RAFT a été sponsorisée par le Canadian Institute of health research et Medtronic.

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