Paris, France — La télémédecine acquiert en France un cadre légal. Prévue par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » de 2009, cette activité vient en effet de faire l'objet d'un décret (n°2010-1229 du 19 octobre 2010), publié au Journal Officiel du 21 octobre.
Déjà largement répandue outre-Atlantique, et dans certains pays voisins comme la Grande-Bretagne ou la Suisse, la télémédecine n'est, en fait, pas entièrement nouvelle en France. Plusieurs sites Internet de téléconsultation existent. Et spécifiquement dans le domaine de la cardiologie, les expériences de télésurveillance de dispositifs implantables se sont multipliées ces dernières années.
On peut ainsi citer l'étude COMPAS, menée de 2006 à 2008 dans 43 centres en France. Lors de la présentation des résultats au congrès Cardiostim 2010, le Pr Philippe Mabo (CHU de Rennes), avait expliqué à heartwire que si « aux États-Unis, la FDA reconnaît la télésurveillance comme une modalité de suivi parmi d'autres, il n'existe en France aucune recommandation et les systèmes de monitoring n'ont pas d'existence légale ».
Avec le nouveau décret, un cadre est maintenant posé, et les acteurs de la télémédecine disposent maintenant de 18 mois pour mettre leurs activités en conformité avec les dispositions légales.
Cinq domaines pour la télémédecine
Ces dispositions définissent cinq domaines dans lesquels « des actes médicaux peuvent être réalisés à distance, en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».
La téléconsultation. On note que le patient peut être assisté par un professionnel de santé ou un psychologue, présent à ses côtés.
La télé-expertise, par laquelle un professionnel médical peut solliciter l'avis d'un spécialiste à distance, sur la prise en charge d'un patient.
La télésurveillance médicale, dont l'objet est de permettre l'interprétation de données médicales à distance, et, le cas échéant, la prise de décision, l'enregistrement et la transmission des données pouvant être réalisé par un professionnel de santé, par le patient, ou par un automatisme.
La télé-assistance médicale, par laquelle un professionnel de santé peut en assister un autre, à distance, lors de la réalisation d'un acte.
La réponse médicale, qui, elle, est apportée dans le cadre de la régulation médicale des urgences.
Consentement éclairé et authentification
Quelle que soit le type d'activité, le décret stipule qu'un certain nombre de conditions doivent être remplies. Les deux principes généraux sont le consentement libre et éclairé du patient, et, pour les professionnels de santé intervenant dans l'acte de télémédecine, l'accès aux informations concernant le patient et la possibilité d'échanger ces informations (sauf opposition du patient).
Par ailleurs, chaque acte devra être réalisé dans des conditions garantissant l'authentification des professionnels de santé intervenant, et l'identification du patient. On note que le décret prévoit, lorsque nécessaire, « la formation ou la préparation du patient à l'utilisation du dispositif de télémédecine ».
Enfin, tout acte devra faire l'objet d'un compte rendu porté au dossier du patient, détaillant l'acte lui-même, l'identité des intervenants, et, le cas échéant, « les incidents techniques survenus au cours de l'acte ».
Un contrat tenant compte des spécificités locales de l'offre de soins
Du point de vue pratique, l'activité de télémédecine et son organisation pourront faire l'objet d'un programme national, défini par arrêté ministériel, d'une inscription dans un contrat pluriannuel d'objectif, ou encore, pour les professionnels de santé libéraux, d'un contrat avec l'agence régionale de santé (ARS) dont ils dépendent. Dans tous les cas, il est stipulé que ces programmes ou contrats tiendront compte « notamment des spécificités de l'offre de soins dans le territoire considéré ». En d'autres termes, si l'on peut supposer que dans une zone où aucun médecin n'exerce à moins de 50 km, la téléconsultation sera remboursée au tarif habituel de la consultation, ce taux est moins certain en ville.
Même si l'on en attend des économies à terme, l'investissement matériel et humain dans la mise en place de réseaux de télémédecine est évidemment lourd. Le décret précise donc que l'activité de télémédecine peut bénéficier des financements au Fond d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), ainsi qu'à la dotation de missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé (MIGAC).
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« Une porte ouverte mais tout reste à faire » commente le Pr Philippe Mabo (CHU de Rennes)
Pour le Pr Philippe Mabo, le décret qui vient de paraître est naturellement une bonne chose, mais « il s'agit d'un cadre très générique. Le texte ouvre clairement la porte, mais tout reste à faire sur le plan pratique, et pour commencer, relancer les discussions nécessaires sur les modalités de la télésurveillance des dispositifs implantables ».
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Pr Mabo |
Le point qui s'annonce difficile est celui des modalités financières de la télésurveillance. Pour le moment, les dispositifs implantables ne sont pas intégrés dans le GHS, mais payés sur la liste des prestations supplémentaires.
« Il est probable que ces dispositifs vont être intégrés au GHS, comme l'ont été les prothèses valvulaires cette année », estime le Pr Mabo. « En revanche, on ne sait ce que va devenir le bonus actuellement touché par Biotronik pour son service de télésurveillance ».
Enfin, « les aspects éthiques et les modalités techniques de l'anonymisation des données et de leur hébergement restent à préciser », conclut le Pr Mabo.
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Citer cet article: La télémédecine passe au JO - Medscape - 1er nov 2010.
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