Nice, France — Alors que la capacité de télétransmission sera sous peu généralisée à l'ensemble des stimulateurs cardiaques implantables, aucune évaluation prospective de ce mode de suivi n'avait encore été réalisée. C'est maintenant chose faite, avec l'étude COMPAS (COMPArative follow-up Schedule with home monitoring), dont les résultats ont été présentés par le Pr Philippe Mabo (CHU de Rennes) lors du congrès Cardiostim (Nice 16-19 juin 2010) [1]. Pour l'essentiel, ces résultats montrent que la télésurveillance n'est pas inférieure au suivi conventionnel en terme de sécurité, qu'elle réduit la fréquence des visites de suivi, et enfin, qu'elle pourrait s'accompagner d'une moindre incidence des arythmies auriculaire et des AVC.
Quelle place pour la télésurveillance en France ?
Ceci montré, il reste maintenant à préciser la place et les modalités de la télésurveillance en France.
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Pr Philippe Mabo |
Un critère primaire de sécurité
L'étude COMPAS a été menée de février 2006 à janvier 2008, chez 538 patients, recrutés dans 43 centres en France (30 centres publics, 13 centres privés). Ces patients présentaient des critères d'indication classiques d'une stimulation cardiaque. Ils ont été implantés avec un stimulateur Philos II DR-T (Biotronik). Le recrutement et la randomisation ont commencé au moins un mois après l'implantation. Initialement, le groupe actif et le groupe contrôle comportaient chacun 269 patients, équivalents du point de vue de l'âge (76 et 77 ans respectivement), de la répartition des sexes (67 et 63% d'hommes), de la FEVG (59% et 56%), de la symptomatologie, dominée par les syncopes et la dyspnée, de l'étiologie, dominée par la fibrose du tissu conductif, l'HTA et les cardiomyopathies ischémiques, et enfin, des traitements médicaux.
Les patients ont été suivis de manière conventionnelle ou par télésurveillance durant 18 mois, au terme desquels une visite était obligatoire. Les résultats de 248 patients ont pu être analysés dans le groupe actif, et de 246 patients dans le groupe contrôle. Le critère primaire était un composite associant les décès, toutes causes confondues, les évènements cardiovasculaires sévères, et les évènements sévères liés au dispositif implanté. Les critères secondaires reprenaient chacune des trois composantes du critère primaire, ainsi que le délai de prise en prise en charge d'un évènement, le nombre de visite, et l'utilité des visites en terme de conséquence sur la prise en charge, et enfin la qualité de vie.
Taux d'évènements en fonction du mode de suivi Actif (n=248) |
Contrôle (n=246) |
p |
|
Critère I (décès ou =1 évèn. CV ou lié à l'appareil) |
17,30% |
19,10% |
ns |
Décès |
7,30% |
5,30% |
ns |
Evènements CV |
37 chez 29 patients (11,70%) |
33 chez 32 patients (13,00%) |
ns |
Evènements liés à l'appareil |
2 chez 1 patient (0,40%) |
8 chez 7 patients (2,80%) |
0,03 (RR=0,14 [0,02-1,13] |
Selon le critère primaire de l'étude, la non-infériorité de la télésurveillance sur le suivi conventionnel est vérifiée (p<0,01). Par ailleurs, concernant les arythmies atriales et les AVC associés, la télésurveillance fait apparemment mieux que le suivi conventionnel, puisque l'évènement est survenu chez 6 patients du groupe actif vs 17 patients du groupe contrôle (p<0,01 ; RR=0,33 [0,13-0,86]).
La télésurveillance diminue le temps de réaction, et le nombre de visites
En ce qui concerne le temps de réaction après un évènement (mesuré rétrospectivement dans le groupe contrôle grâce aux enregistrements non exploités), le bénéfice de la télésurveillance est spectaculaire, puisque le délai moyen passe de 145 jours avec un suivi conventionnel, à 28 jours avec la télésurveillance (p<0,001).
Au total, en incluant la visite à 18 mois, 389 visites ont été comptabilisées dans le groupe actif, contre 601 dans le groupe contrôle. On note que 51% des patients suivis par télésurveillance n'ont pas eu besoin de visite intermédiaire avant la visite de fin d'étude. En incluant cette visite, la diminution du nombre de visites permise par la télésurveillance est de 36% (p<0,001). En excluant cette visite, pour ne considérer que les visites intermédiaires - 371 dans le groupe contrôle vs 167 dans le groupe télésurveillance -, cette réduction grimpe à 56% (p<0,001).
En ce qui concerne l'utilité des visites, la consultation à 18 mois ne se justifie ni plus ni moins pour un groupe que pour l'autre (73% de visites à 18 mois inutiles dans le groupe actif vs 79% dans le groupe contrôle ; p=ns). S'agissant des visites intermédiaires, en revanche, leur « rentabilité » apparait très supérieure dans le groupe actif, avec un taux de visite inutile de 38%, contre 71% dans le groupe contrôle (p<0,001).
On note également que sur les 167 visites intermédiaires enregistrées dans le groupe actif, 73 ont été déclenchées par les données de la télésurveillance. Parmi elles, 34 (47%) concernaient des évènements cliniques, avec un taux d'intervention de 82%, et 39 (53%) concernaient un évènement lié à l'appareil, avec un taux d'intervention de 67%.
Enfin, la qualité de vie, mesurée sur l'échelle SF36, apparait équivalente dans les deux groupes.
Comment utiliser la télésurveillance ?
COMPAS montre donc que la télésurveillance est une alternative sûre au suivi conventionnel des porteurs de stimulateurs cardiaques. A partir de là, quel système de télésurveillance convient-il de mettre en place ?
La question a en fait été posée par le Pr Thomas Vogtmann (Berlin), qui, sur la base d'une étude menée outre-Rhin, s'est prononcé en faveur d'un système très centralisé, fonctionnant 24h/24 et 365 jours/an à l'échelle nationale. Le Pr Mabo se montre plus nuancé.
« Il n'est pas certain qu'un système totalement déconnecté du patient soit le plus efficace : la même information ne sera, en effet, pas gérée de la même façon selon l'histoire de ce patient. Le centre d'implantation parait être une échelle beaucoup plus pertinente. Quant à un suivi 24h/24, 365jours/an, il aurait un coût considérable pour un taux d'évènements très faible. Au demeurant, l'intérêt d'une détection de l'évènement à la seconde même, n'est pas évident : si un patient, victime d'un orage rythmique, est soumis à une série de chocs, la transmission de l'information en direct au centre de surveillance ne changera rien. Une télésurveillance aux heures ouvrables parait beaucoup plus réaliste ».
« Naturellement, il faut viser l'intérêt des patients, et cet intérêt consiste à détecter les évènements le plus tôt possible. Mais tôt ne veut pas dire dans la seconde : l'utilisation de la télésurveillance ne doit pas être décorrélée de ce qu'on cherche à voir et à faire. Cela étant, la question de fond, aujourd'hui, est justement de préciser ce que l'on cherche à faire avec la télésurveillance, et avec quels moyens ».
L'étude COMPAS a été financée par Biotronik. |
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Citer cet article: COMPAS montre l'intérêt de la télésurveillance dans la stimulation cardiaque - Medscape - 17 juin 2010.
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