O'CLOC doit préciser la prévalence de la cataracte chez les cardiologues interventionnels

Fontenay-aux-Roses, France — Les radiologues ont mis du temps avant de prendre conscience des risques de l'exposition aux rayons X et de s'en protéger. Chez les cardiologues interventionnels, cette prise de conscience semble en train de s'opérer, la surexposition liée à l'abord radial jouant probablement un rôle d'accélérateur. La nature même du risque reste cependant mal précisée. Dernier problème en date, la cataracte, qui semble pouvoir être induite par des doses de l'ordre de grandeur de ce que reçoivent les cardiologues interventionnels les plus exposés — ou se protégeant le moins.

Quelle est, au juste, la prévalence de l'affection parmi les praticiens français ? L'étude O'CLOC (Occupational Cataracts and Lens Opacities among Cardiologists) vient d'être lancée par l'Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN), avec le soutien de la Société Française de Cardiologie (SFC) et de la Société Française d'Ophtalmologie (SFO) pour répondre à la question.

Les faibles doses en question

Comme l'explique Sophie Jacob, responsable de l'étude au Département d'Epidémiologie de l'IRSN ^[1], le risque de cataracte parmi le personnel médical exposé aux rayons X est une notion relativement nouvelle.

« Jusqu'au début des années 90, on estimait que la cataracte ne pouvait être induite que par de fortes doses de rayonnements ionisants. Le suivi de cohortes composées de survivants d'Hiroshima, de liquidateurs de Tchernobyl, ou encore, d'astronautes, a néanmoins fait naître un soupçon sur les faibles doses. »

La limite d'exposition de l'œil pourrait parfois être dépassée

S'agissant des professions exposées, la réglementation actuelle fixe la dose maximale admissible à 150 mSv/an au niveau du cristallin. En pratique, les doses reçues par l'œil lors d'une coronarographie ou d'une angioplastie, semblent extrêmement variable. Mais certains résultats indiquent qu'elles pourraient parfois atteindre, voire dépasser les 1000 microSv ^[2]. La question se pose donc du risque encouru par les cardiologues interventionnels.

De fait, des observations effectuées dans un groupe de 42 cardiologues interventionnels et communiquées cette année, font état d'une opacité du cristallin dans 43 % des cas, contre 12,5 % dans un groupe témoin non exposé (DURAN 2009) ^[3]. « Ce résultat préliminaire comporte des limites méthodologiques », souligne Sophie Jacob. « Mais compte tenu du faisceau d'arguments, il est nécessaire aujourd'hui de savoir à quoi s'en tenir sur la prévalence de la cataracte chez les cardiologues interventionnels ».

On demande aussi des cardiologues non interventionnels

O'CLOC est une étude transversale qui doit recruter un total de 150 cardiologues interventionnels (100 hémodynamiciens et 50 rythmologues), et autant de cardiologues non interventionnels, à titre de contrôle. L'âge de recrutement est fixé à 40 ans ou plus, soit une dizaine d'années d'activité au minimum. Par ailleurs, les sujets exposés aux rayonnements ionisants pour raisons médicales (radiothérapie, scanners, ...) sont exclus.

Le recrutement a démarré en octobre 2009. À ce jour, 28 hémodynamiciens, 13 rythmologues interventionnels et 7 cardiologues non interventionnels ont déjà été inclus. Ces derniers, non directement concernés, sont apparemment les plus difficiles à recruter — alors même que l'existence d'un groupe contrôle, fournissant un taux de référence dans une population comparable et non exposée, est un point fort de l'étude.

Deux questionnaires, un examen

Concrètement, la participation implique de répondre à un questionnaire médical de 5 minutes sur les facteurs personnels de risque de cataracte (diabète, corticothérapie, myopie...), ainsi qu'à un questionnaire professionnel de 10 minutes sur l'historique de carrière (centres, nombre et types de procédures, protections mises en œuvre...).

« Rétrospectivement, l'évaluation de l'exposition sera de toutes façons une indication plutôt qu'une estimation précise des doses reçues, note Sophie Jacob. Mais elle permettra de définir des classes d'exposition. »

Enfin, les participants passeront un examen ophtalmologique avec dilatation pupillaire. D'une durée de 30 minutes, cet examen vise bien sûr à dépister la cataracte, mais aussi à la caractériser.

« Les plus fréquentes des cataractes radio-induites sont de type sous-capsulaire postérieure, indique Sophie Jacob. Leur signature est très particulière et distincte de celle des cataractes nucléaires liées à l'âge. »

Les analyses et la publication des résultats sont annoncés pour 2011. En toute hypothèse sur la fréquence des cataractes qui sera observée parmi les cardiologues interventionnels, l'étude O'CLOC participera à la sensibilisation des praticiens vis-à-vis du risque radiologique, ce qui, en temps de multiplication des procédures sans forcément d'incrémentation des protections, va de toutes façons dans le bon sens.

Actualités Heartwire © 2009 

Citer cet article: O'CLOC doit préciser la prévalence de la cataracte chez les cardiologues interventionnels - Medscape - 11 déc 2009.