Orlando, FL, É.-U. — Premier antagoniste injectable des récepteurs de P2Y12 à l'adénosine, le cangrelor aurait pu trouver sa niche du fait de son efficacité immédiate qui l'oppose à celle différée (et plus variable) des antagonistes classiques comme le clopidogrel ou le prasugrel. Malheureusement, les résultats de deux essais complémentaires (randomisés en double aveugle) CHAMPION-PCI et CHAMPION-PLATFORM présentés en Late-Breaking clinical trials à l'AHA 09 n'ont pas été à la hauteur des espoirs suscités. [1][2]
Comme l'ont souligné les membres du panel « la mise en évidence de nombreux problèmes méthodologiques permet de ne pas fermer la porte à de futurs travaux ».
Les résultats de ces deux études accompagnés d'un éditorial ont été mis en ligne sur le site du New England Journal of Medicine. [3][4]
Dans les deux études, c'est la place du cangrelor dans une stratégie de blocage rapide des récepteurs P2Y12, chez des patients destinés de toute façon à recevoir du clopidogrel, qui a été évaluée. De fait, les modalités d'administration du clopidogrel (timing, doses, relai…) avaient une importance majeure et il est probable que beaucoup de ces éléments déterminants aient été sous-estimés dans la conception de l'étude.
Clopidogrel en amont de la procédure dans CHAMPION-PCI et après, dans CHAMPION-PLATFORM
Dans CHAMPION, 15400 patients étaient randomisés pour recevoir, soit 600 mg de clopidogrel avant la procédure, soit un bolus/perfusion de cangrelor pendant 2 heures immédiatement suivi par une dose de charge de 600 mg de clopidogrel (avec dans les deux cas, une dose orale de 75 mg/jour au terme de la procédure ou de la perfusion).
Dans CHAMPION-PLATFORM (5295 patients), le bolus/perfusion de cangrelor était d'abord comparé à un bolus/perfusion de placebo ; 600 mg de clopidogrel étaient administrés en double aveugle dans les deux cas, soit au terme de la perfusion de cangrelor, soit au début de la procédure dans le groupe placebo.
L'incidence du critère principal d'évaluation qui était un composite de décès, infarctus et revascularisation pour cause d'ischémie dans les deux études, a été comparable dans les bras cangrelor et témoin, de chacune d'entre elles avec respectivement (7,5 vs 7,1 % dans CHAMPION-PCI et 7,0 vs 8,0 % dans CHAMPION-PLATEFORM).
De nombreuses critiques en direct
Parmi les critiques formulées à l'issue des présentations, il a été déploré que les conditions d'administration du clopidogrel dans les bras témoins n'aient pas été conformes aux recommandations (avant la procédure diagnostique) et qu'il ait même été administré au terme de la dilatation dans CHAMPION-PCI.
En discutant les résultats de CHAMPION PLATFORM, DP Faxon (Boston) a déploré que la durée de perfusion n'ait été que de 2 heures ce qui était nettement insuffisant. Il a aussi souligné qu'il semble y avoir eu de nombreux cross over du cangrelor vers le clopidogrel. Les résultats ont été présentés à la fois pour l'ensemble des patients (intention de traiter) et en excluant ceux dont l'élévation des troponines à l'admission n'avait pas pu faire diagnostiquer un infarctus du fait du délai trop court avant la procédure (intention de traiter modifiée). Les résultats sont sensiblement comparables, avec ou sans ce sous-groupe des infarctus à l'admission.
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Pr Michelson |
Et les éditorialistes du NEJM en rajoutent !
Dans l'éditorial satellite du NEJM,A Kastrati et G Ndrepepa notent aussi que les incertitudes qui planent sur les infarctus à l'admission sont à même de véhiculer une certaine confusion. [5]
Ils font une remarque du même ordre pour la multiplication des critères d'évaluation du risque hémorragique qui véhicule une certaine confusion. « Les effets thrombotiques et hémorragiques n'ont pas été présentés dans un critère unique (risque global du traitement antithrombotique), mais en ignorant que cette façon de faire (qui mélange des risques non comparables) a été vivement reprochée aux investigateurs de l'étude TRITON TIMI 38 avec le prasugrel » déplorent-ils. « Le suivi n'ai pas été de 30 jours comme il est classique, notamment parce que la valeur pronostique des hémorragies périprocédurales peut toujours s'exprimer dans ce délai. »
Y a-t-il une place pour un antagoniste injectable des récepteurs P2Y12 ?
Y a-t-il une place pour un antagoniste injectable des récepteurs P2Y12 ?
« La réponse à cette question tient aux limites des antagonistes des récepteurs de l'adénosine de première génération (ticlopidine, clopidogrel, prasugrel) qui sont des prodrogues dont la transformation en produit actif demande un certain délai. Cette transformation fait intervenir des systèmes enzymatiques complexes, génétiquement déterminés et donc susceptibles de variations individuelles qui expliquent les différences d'intensité d'effet antiplaquettaire d'un patient à l'autre.
Disposer d'un antagoniste immédiatement efficace comme le cangrelor peut être un atout pour attendre que des molécules administrables par voie orale fassent leur effet.
Toutefois, la confirmation au cours de la même session de Late-Breaking Clinical Trials des bons résultats obtenus avec le ticagrelor (essai PLATO) un autre antagoniste direct et réversible (mais administrable par voie orale) pourrait remettre en cause cette façon de voir, mais curieusement, ceci n'a pas été évoqué par les différents intervenants.
Au final, les avantages potentiels du cangrelor semblent bien maigres compte tenu des nombreuses critiques méthodologiques qui le confinent pour l'instant dans la catégorie « espoirs ».
Réduction des thromboses de stent dans l'analyse des critères secondaire
Certains avantages du cangrelor sont suggérés par l'analyse des critères secondaires. On note ainsi une réduction du nombre de thromboses de stents dans les deux études. Le bénéfice persiste jusqu'au terme du premier mois (p = 0,0442) mais elle tient essentiellement à l'effet observé au cours des 48 premières heures (0,6 vs 0,2 % ; p = 0,0156), alors qu'il n'y a plus de différence entre le 2e et le 30e jour (0,5 vs 0,4 % ; p = 0,6476).
C'est aussi le cas d'une réduction de la mortalité de toutes causes dans la seule étude CHAMPION-PLATFORM (0,7 vs 0,2 % ; p = 0,0189). Toutefois dans les deux cas, les éditorialistes font remarquer que l'étude a été arrêtée prématurément alors que le bénéfice du traitement sur certains critères secondaires mis en exergue était connu, ce qui peut toujours avoir joué un rôle sur l'interprétation qui en a été faite.
Le relai entre cangrelor et clopidogrel est une période critique qui a pu jouer en défaveur du cangrelor
« Le relai entre cangrelor et clopidogrel est une période critique qui a pu jouer en défaveur du cangrelor pour deux raisons » a commenté le Pr AD Michelson.
« D'une part, parce que le cangrelor peut voir son activité rapidement disparaître avant même que celle du clopidogrel ne soit suffisante. Il ne faut pas plus d'une heure après l'arrêt de la perfusion pour que l'effet antiagrégant du cangrelor ait totalement disparu. Inversement il faut au moins une heure, et sans doute plus, pour que celle du clopidogrel soit suffisante.
D'autre part, parce qu'il y a une interaction possible entre les deux molécules, le cangrelor empêchant le clopidogrel de se fixer sur ses récepteurs. »
Le Pr A Michelson a déclaré avoir une activité de consultant ou d'orateur pour Arena Pharmaceutical, GL Synthesis, Lilly/Daichi Sankyo, Sanofi Aventis/BMS et Siemens. Le Pr DP Faxon a déclaré ne pas avoir d'activité de consultant ou d'orateur. |
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Citer cet article: Dans CHAMPION-PCI et PLATFORM, le cangrelor reste plutôt dans la catégorie « espoir » - Medscape - 16 nov 2009.
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