La télésurveillance est un outil incontournable dont il reste à définir l'utilisation et… l'utilité !

Dr Catherine Desmoulins

17 janvier 2009

Paris, France — À quoi va servir la télésurveillance des malades implantés d'un stimulateur et/ou défibrillateur ? Est-elle nécessaire ? Fiable techniquement ? Pourra t-on anticiper les décompensations cardiaques grâce aux capteurs hémodynamiques intégrés ? Que faire en cas d'alerte de l'Afssaps sur du matériel de stimulation/défibrillation ? La session portant sur l'actualité en rythmologie des JE SFC 2009 était vraiment dans l'air du temps. [1]

Pr Mabo

Incontournable la télésurveillance ? «Le suivi des patients après implantation d'un défibrillateur est tellement lourd qu'il faudra bien déléguer, chose que nous ne savons pas faire en France, » a avancé le Pr Philippe Mabo
(Rennes). En effet, « il y a les visites de suivi théoriquement tous les trois mois (tel que recommandé par le fabriquant) que nous avons tous espacé à six mois et les consultations non programmées après chocs, symptômes (syncope), alarmes ou alertes du fabriquant. »

Autre question soulevée par le Pr Mabo sur les visites de contrôle programmées : sont-elles vraiment performantes pour détecter un événement à venir ? « Pas vraiment, une étude a montré qu'il n'y a pas de corrélation entre le suivi et les événements » répond le spécialiste.

 
Le suivi des patients implantés d'un défibrillateur représentent une charge de travail considérable pour les rythmologues…qui ne savent pas déléguer en France à la différence des États-Unis où le suivi est fait par des techniciens — Pr Mabo (Rennes)
 

On comprend, dans ces conditions, que l'idée d'une surveillance à distance, telle que le système proposé par Biotronik, soit séduisante. « Mais il ne faut pas oublier l'objectif de la télésurveillance qui est d'améliorer le devenir des patients et de réduire les coûts », met en garde P Mabo qui ne voudrait pas que la télésurveillance soit là « pour faire de la prouesse technologique ».

Le fonctionnement d'un système tel que celui proposé par Biotronik est simple : le boitier du patient dispose d'une antenne qui transmet vers un boitier extérieur équipé d'un GSM tribande (cardiomessenger) des informations en continu au centre de service de la société qui fournit le dispositif qui, après décodage de l'information, peut le cas échéant, envoyer un message d'alerte au cardiologue du centre d'implantation (appel téléphonique, texto, etc.).

Pour P Mabo : « La télétransmission est fiable techniquement : les données télétransmises sont exactement les mêmes que celles que l'on peut recueillir quand le patient se rend au centre d'implantation. Cet aspect technique ne pose pas de problème ».

Cardiomessenger

Le vrai problème est celui de la gestion des alarmes qui arrivent au centre d'implantation. « Que faire, quand l'appareil a détecté une élévation de l'impédance qui pourrait faire suspecter une fracture d'électrode ? Quand faut-il réagir ? Que faire également si l'appareil détecte une FA chez ces patients ? On ne connait pas le bénéfice clinique de la télésurveillance. Il faudra attendre les résultats des études en cours pour en savoir plus ».

La technologie est là mais les vrais enjeux sont des enjeux organisationnels.

« Il faut savoir ce que l'on va suivre afin de pouvoir s'évaluer. Je suis sévère, alors que je suis convaincu de la nécessité de la télésurveillance, mais aujourd'hui rien n'est démontré au plan clinique. Et cette stratégie devra être valable pour toute les prothèses, il est nécessaire d'avoir une stratégie globale ».

Va-t-on faire des économies ? « Je l'espère mais ce n'est pas certain car c'est un service qu'il faudra rémunérer durant toute la vie de la prothèse ». Des études médico-économiques (ECOST, EVATEL) sont en cours.

« L'exercice de la médecine doit évoluer, il faut certainement y aller dans ce nouveau monde. Tout le problème vient de là où l'on place le curseur ». En d'autres termes, on peut se demander quelle sera la place qui restera à la consultation du rythmologue comparativement à la prise en charge par le cardiologue de ville.

Premières données du registre Stidefix

En 2004, un décret a rendu obligatoire l'inscription dans le registre français Stidefix de tout patient implanté d'un défibrillateur et/ou resynchronisateur. Ce registre toulousain est strictement informatique. On y accède par internet via le site de la SFC au moyen d'un code d'accès. On y fait figurer les symptômes, l'étiologie, l'indication du boitier, le type d'appareil implanté et le numéro de série pour la traçabilité du matériel. Ce jeune registre de 22 mois a été élargi aux autres boitiers sur le mode du volontariat de sorte qu'actuellement 2000 nouvelles inclusions sont consignées chaque mois.

Dr Salvador-Mazenq

Une première description des patients inclus dans ce registre a été présentée par le Dr Michèle Salvador-Mazenq
(Toulouse).

Lors des premiers jours de janvier 2009, 33 206 patients avaient été inclus dans 175 centres d'implantation. Alors que la déclaration n'a pas de caractère obligatoire, ce sont les patients porteurs de stimulateurs conventionnels qui sont les plus nombreux (76 %) avec une majorité porteurs de pacemaker double chambre (73 %). Les patients implantés d'un défibrillateur ne représentent que 20 % de la cohorte dont 40 % ont également une fonction de resynchronisation. Un tiers de ces DAI ont été implantés à visée prophylactique. Enfin seulement 4 % ont uniquement une fonction de resynchronisation.

« Nous avons un retard français en matière d'implantation prophylactique de défibrillateurs », a commenté le Dr Salvador-Mazenq. « L'ARH a estimé le nombre d'appareils implantés par an et par million d'habitants à 220-230. Nous sommes aujourd'hui à 120-130 ».

Il est certain que ce registre élargi constitue une base de données extrêmement utile pour de nombreuses études ou demandes spécifique de l'ARH, de la HAS ou de la SFC.

De l'avis de plusieurs confrères présents dans la salle, cependant, inclure les patients dans ce registre constitue une charge de travail supplémentaire. « On finit par passer plus de temps à remplir des fiches qu'à implanter. Il y a tellement de comités qui font autorité que les différents organismes d'état ne nous demandent pas le même type de renseignements. Peut-être faudrait-il le coordonner avec les données du GACI des cardiologues interventionnels. »

Du côté de la SFC (à défaut des agences gouvernementales), la demande de simplification des procédures d'enregistrement semble avoir été entendue car un processus de simplification est en cours.

De nombreux capteurs… pas encore opérationnels

Autre domaine pour lequel la télésurveillance pourrait jouer un rôle clé : celui de l'insuffisance cardiaque. L'objectif est de pouvoir prédire une évolution vers un épisode d'insuffisance cardiaque aiguë pour prévenir les hospitalisations. Beaucoup de sociétés (Sorin, Biotronik, Saint Jude, Medtronic..) expérimentent ce type de capteurs capable de détecter des variations hémodynamiques en faveur d'une aggravation de l'insuffisance cardiaque.

Pr Davy

« Il faut distinguer les capteurs intégrés au dispositif des capteurs externes » a précisé le Pr Jean-Marc Davy
(Montpellier). Parmi les capteurs intégrés, le plus connu est le capteur OptiVol
de Medtronic qui mesure l'accumulation des fluides intrathoraciques via la variation de l'impédance trans-thoracique (l'impédance baisse en cas de congestion). Ce capteur semble souffrir d'un nombre élevé de fausses alertes et de faux négatifs. En effet, un travail mené sur 53 patients a révélé 20 erreurs de ce type.

Du côté des capteurs externes de nombreuses variables peuvent également être mesurées, telles que la ventilation/minute permettant de construire une courbe de tendance afin de déceler une dyspnée naissante, la variabilité sinusale, l'activité du patient avec un accéléromètre ou bien encore l'acoustique du B1. Ainsi le capteur SonR est un véritable capteur hémodynamique qui enregistre les vibrations du muscle cardiaque correspondant au B1.

« Ces différentes techniques sont intéressantes mais elles font appel à des capteurs dédiés. On évolue vers un couplage d'un capteur intégré type OptiVol à des capteurs d'activité » a conclus le Pr Davy.

Matériel défectueux, alerte de l'Afssaps : l'implanteur est responsable de l'information du patient

Que faire quand on apprend via l'Afssaps, le constructeur ou les journaux qu'un boitier ou une sonde présente un dysfonctionnement ? « En France, à la différence des É.-U., le médecin implanteur a la responsabilité de l'information de ses patients » a expliqué le Dr Michel Chavin (hôpital civil de Strasbourg). Ce n'est ni l'Afssaps, ni l'industriel qui sont responsables ».

Dr Chavin

Un positionnement que certains confrères jugent totalement inacceptable. « Aux É.-U., les industriels ont les listing des patients et ce sont eux qui les informent directement en cas de problème. Est-il normal que la responsabilité d'une batterie qui tombe en panne incombe au médecin ? Et que faire pour les patients qui ne viennent plus à la consultation ? ».

Quant à l'alarme elle-même, elle est lancée quand la survenue d'un événement atteint un seuil de significativité statistique. Déclarer un incident (avec du matériel de stimulation/resynchronisation) qui a ou qui aurait pu porter atteinte à la santé d'un patient est une obligation qui risque de coûter très cher en cas d'oubli : 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende.

Après enquête ayant conclus à l'imputabilité du matériel dans l'indicent (qui incombe au fabriquant), l'industriel donne l'alerte. Il faut savoir que deux options sont possibles pour la transmission de l'information : soit l'industriel informe en même temps l'Afssaps et les médecins, soit il informe uniquement l'Afssaps qui transmet ensuite l'information aux cardiologues. À noter que dans les deux cas, les actionnaires sont généralement les premiers informés, ceci afin d'éviter les délies d'initiés.

« Du fait de ces deux options, il peut arriver, comme cela s'est passé l'an dernier, que l'on apprenne un problème de dysfonctionnement en lisant Le Figaro. Il est de règle que l'implanteur reçoive un courrier de l'Afssaps et de l'industriel. Les deux n'étant pas toujours absolument cohérents » reconnait l'orateur.

Sur le sujet de la responsabilité du médecin, M Chavin a rappelé que « le médecin a obligation de se conformer aux recommandations et de connaître le mode d'emploi des dispositifs qu'il utilise, notamment les différents algorithmes ».

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