Chicago, Illinois — Indépendamment de tout autre facteur de risque, les personnes qui dorment longtemps ont moins de chance de développer des calcifications artérielles coronaires (CAC). Telles sont les conclusions d'une publication parue en décembre dans Journal of the American Medical Association. [1]
Reprenant les données de l'étude CARDIA (Coronary Artery Risk Development in Young Adults), Christopher Ryan King (Université de Chicago, IL) et son équipe démontrent pour la première fois un rapport direct entre le temps passé à dormir et le risque de présenter un accident coronarien.
« Ce lien n'est pas anecdotique : une heure de sommeil en plus chaque nuit pendant cinq ans permet une diminution de 33 % des calcifications coronaires. Statistiquement ce bénéfice est comparable à celui obtenu par une réduction de 16,5 mm de la tension artérielle systolique ! » commente le Dr Diane S Lauderdale (Université de Chicago, IL) co-auteure de ce travail.
De nombreuses données expérimentales et observationnelles récentes laissaient suspecter une corrélation entre quantité et qualité de sommeil, et marqueurs de risques tels que régulation de la glycémie et de l'appétit, hypertension, phénomènes inflammatoires ou encore obésité. Toutes présentaient cependant deux limites importantes. D'une part l'évaluation du temps de repos était uniquement déclarative, sa fiabilité et reproductibilité pouvant donc être mises en doute. D'autre part elles ne permettaient pas de dissocier un effet direct du temps de repos et l'association de facteurs confondants.
Chaque heure compte…
CARDIA est une étude prospective multicentrique, toujours en cours, menée pour suivre l'évolution des facteurs de risque cardiovasculaires dans une cohorte âgée de 18 à 30 ans en 1985-1986. [2]
L'étude ancillaire, qui visait à établir l'impact à long terme du sommeil sur le développement des coronaropathies, fut menée dans un seul des quatre sites d'expérimentation de CARDIA, Chicago. Lors de leur visite annuelle de suivi en 2000 et 2001, les participants inclus dans ce centre furent invités à collaborer à cette branche de l'essai jusqu'en 2006, ce qui représentait pour chacun un suivi de 5 ans.
Le dossier d'inclusion comportait le relevé d'informations démographiques, anthropométriques, médicales (maladies intercurrentes, diabète, dyslipidémie, HTA, consommation d'alcool et de tabac) et niveau d'étude.
Deux vagues d'enregistrements nocturnes furent pratiquées à un an d'intervalle. Les sujets étaient alors équipés, du mercredi au samedi, d'un moniteur d'activité (actigraph) porté au poignet. Le temps passé à s'endormir était recueilli de deux manières : par pression d'un marqueur sur ce capteur en début de recherche d'assoupissement, et par relevé dans un journal des horaires de coucher et de réveil. Les différents cycles de sommeil pouvaient également être évalués (l'interprétation des enregistrements obtenus par actigraph ayant été homologuée antérieurement par utilisation simultanée d'un polysomnographe). Les patients devaient par ailleurs remplir un questionnaire validé d'évaluation de qualité du sommeil.
L'état de calcification des coronaires était exploré lors de deux tomographies à émission d'électrons réalisées en début, puis en fin d'étude.
Au total, sur 495 individus chez qui ce protocole a été mené à son terme, 61 (12,3 %) ont développé une calcification coronaire au cours des 5 ans.
Dans la grande majorité des cas, le temps de sommeil constaté sur les différents enregistrements d'une même personne est stable (une variabilité significative n'est observée que chez de très rares individus). Il apparaît que cette durée, indépendamment des autres marqueurs de risque, semble inversement proportionnelle à la prévalence de lésions coronaires : la proportion de CAC passe ainsi de 27 % chez les sujets dormant moins de cinq heures par nuit à 11 % chez ceux dormant au delà de ce délai, et à peine 6 % lorsque le sommeil dure plus de sept heures. Ce bénéfice apparaît plus marqué chez les femmes que chez les hommes, mais ne varie pas en fonction de la race.
« Nous avons repris toutes les données de bases pour vérifier si telle ou telle caractéristique physiologique ou biologique pouvait expliquer par quel phénomène sommeil et lésions artérielles étaient liés. À notre grande surprise, nous n'en avons trouvé aucune ! » avoue le Dr Diane S Lauderdale.
Mais sans qu'on sache vraiment pourquoi
Ces données ne sont qu'observationnelles et il est donc impossible, dans l'état actuel des connaissances, d'affirmer l'existence d'une relation de cause à effet.
On ne peut en effet écarter la possibilité que cette association soit due à des facteurs confondants non étudiés. Les éléments qui influencent la qualité de sommeil d'un individu (facteurs physiques, psychologiques et mode de vie) sont encore très mal connus et certains d'entre eux peuvent également avoir un retentissement sur les vaisseaux. Le simple fait de prolonger volontairement ses heures de repos n'auraient aucun effet bénéfique dans ce cas.
Mais on peut tout aussi bien supposer que le temps passé à dormir a un effet protecteur, qui peut s'expliquer par plusieurs mécanismes. Selon certaines études, un manque de repos entraine une élévation de production du cortisol, lequel majore le risque de maladie cardiovasculaire. Cet aspect biologique n'a pas été exploré ici, le protocole ne prévoyant pas de dosages de cortisolémie.
Une autre piste crédible est liée aux variations nocturnes de tension artérielle. Lorsqu'on dort, les chiffres atteignent un plateau bas dont la durée influe sur la tension moyenne des 24 heures. Or cette charge tensionnelle est elle-même directement corrélée aux accidents cardiaques et vasculaires. Malheureusement le travail mené à Chicago s'est contenté de mesurer la tension lors des consultations de suivi.
D'autres études avec mesure ambulatoire de TA et de le cortisolémie sont donc nécessaires avant de pouvoir affirmer le lien exact entre sommeil et calcification coronaire.
Christopher Ryan King conclut pourtant en ironisant : « L'hypothèse tensionnelle est à nos yeux la plus probable et surtout la plus attrayante. Si elle se vérifiait, la grasse matinée deviendrait un nouveau moyen, très agréable, de protéger notre cœur ! »
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Citer cet article: Le sommeil... c'est la santé des coronaires ? - Medscape - 12 janv 2009.
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