Plus de changements dans les concepts qu'en thérapeutique dans l'insuffisance cardiaque aiguë

Dr Corinne Tutin

7 novembre 2008

Versailles, France — Quoi de neuf en 2008 dans l'insuffisance cardiaque aiguë ? Question difficile posée lors d'une session du congrès Acute Cardiac Care de l' European Society of Cardiology car les avancées semblent plus être au stade de la compréhension des mécanismes physiopathologiques que de la thérapeutique. [1]

Pr Gheorghiade

« Quatre vingt pour cent des hospitalisations pour insuffisance cardiaque aiguë surviennent chez des malades porteurs d'insuffisance cardiaque chronique », a rappelé Le Pr Mihai Gheorghiade
(Université Northwestern, Chicago). Cet expert a insisté sur le fait que ces insuffisances cardiaques chroniques aboutissant à des hospitalisations sont une entité clinique spécifique qui doit être différenciée de l'insuffisance cardiaque chronique habituelle.

« Ces épisodes de décompensation pourraient en effet s'associer, lors de chaque hospitalisation, au développement de lésions myocardiques et rénales, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils sont un marqueur d'aggravation de la maladie ». Message pratique. « Il faut donc bien suivre ces patients après la sortie de l'hôpital et s'attacher tout particulièrement à diminuer la mortalité post-hospitalisation et à prévenir les nouvelles hospitalisations. Ce d'autant plus que le nombre d'événements (décès, réhospitalisations) reste élevé dans les suites de l'hospitalisation : 35 % à 60 jours », a indiqué le Pr Gheorghiade.

Des phénomènes de « congestion hémodynamique » avec augmentation du remplissage ventriculaire gauche pourraient être mis en jeu, dans les jours ou les semaines précédant l'hospitalisation et favoriser, avant même l'apparition de la congestion clinique et pulmonaire, une dysfonction diastolique pouvant contribuer au remodelage ventriculaire gauche et, par voie de conséquence, à la progression de l'insuffisance cardiaque.

Le Pr Gheorghiade a aussi fait remarquer « que la moitié des patients admis pour un épisode d'insuffisance cardiaque aiguë n'ont pas perdu de poids, ou alors peu, à la sortie de l'hôpital et que ces congestions sont un facteur majeur de réhospitalisation. D'où la nécessité de les évaluer et de les prendre en charge attentivement ».

Il faudra aussi prendre en compte les anomalies de la reperfusion coronaire, parfois associées à l'insuffisance cardiaque aiguë, ces altérations pouvant expliquer certains mauvais résultats des inotropes et des vasodilatateurs.

Cet expert a aussi souligné le caractère péjoratif d'une baisse de la pression artérielle, des données récentes de l'étude OPTIMIZE-HF ayant ainsi montré que la mortalité hospitalière est de 7,2 % en cas de PAS < 119 mm Hg contre 1,7 % lorsque la PAS atteint ou dépasse 161 mm Hg. Entre 60 et 90 jours, l'écart reste significatif : 14,0 % pour une PAS < 119 mm Hg versus 5,4 % pour une PAS > 161 mm Hg.

Comme l'ont entre autres montré les données des études OPTIMIZE-HF, ESCAPE et EVEREST, les autres principaux facteurs pronostiques de mortalité sont représentés par la persistance d'une hyponatrémie, la présence d'une dysfonction rénale, un allongement du complexe QRS.

Et si le point de départ était vasculaire ?

Pr Cotter

Revenant sur la physiopathogénie de l'insuffisance cardiaque aiguë, le Pr Gad Cotter
(Durham, NC) a expliqué qu'il existerait hors les insuffisances cardiaques aiguës sur syndrome coronaire aigu, FA et les rares IC à haut débit, deux grandes formes d'insuffisance cardiaque aiguë : les insuffisances vasculaires aiguës et les insuffisances par décompensation cardiaque.

Les premières, qui seraient majoritaires et correspondraient à plus de la moitié des insuffisances cardiaques aiguës, résulteraient d'une augmentation rapide de la résistance et de la rigidité vasculaires, probablement à la suite d'une activation neurohormonale et inflammatoire excessive. Ces phénomènes pourraient apparaître en réponse à des traumatismes minimes comme des infections banales. Ces insuffisances cardiaques aiguës vasculaires seraient en quelque sorte des « endothélites aiguës », qui aboutiraient à une congestion hémodynamique du fait de l'augmentation de la précharge et de la post-charge veineuse et artérielle. À l'appui de cette hypothèse, « le fait que l'on trouve des taux élevés d'interleukine 6 lors de l'admission des patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë ».

 
La survenue d'une ICA est un événement significatif au cours de l'évolution d'une ICC, un peu à l'instar de la relation qui relie SCA et coronaropathies, et non un simple épisode d'exacerbation consécutif à des erreurs diététiques ou une surcharge hydrique — Pr Cotter (Durham, NC)
 

Les insuffisances aiguës cardiaques auraient pour mécanisme principal une détérioration de la contractilité cardiaque qui se développerait soit de façon aiguë (ischémie, arythmie), soit progressivement (remodelage ventriculaire gauche, perte cellulaire myocardique).

Les insuffisances vasculaires aiguës seraient plus fréquentes chez les sujets âgés, chez les femmes, en cas de fraction d'éjection préservée, et évolueraient rapidement vers une congestion pulmonaire avec élévation tensionnelle tandis que les insuffisances aiguës cardiaques se verraient, au contraire, plus volontiers chez les hommes, les patients jeunes, en cas de dysfonction ventriculaire gauche et s'accompagneraient d'une pression artérielle plus basse.

Comme le Pr Gheorghiade, le Pr Cotter estime en tout cas que « la survenue d'une insuffisance cardiaque aiguë est un événement significatif au cours de l'évolution d'une insuffisance cardiaque chronique, un peu à l'instar de la relation qui relie syndromes coronaires aigus et coronaropathies, et non un simple épisode d'exacerbation consécutif à des erreurs diététiques ou une surcharge hydrique. Cette conception pourrait expliquer, a-t-il ajouté, pourquoi la mortalité et la morbidité sont souvent plus fortes après un épisode d'insuffisance cardiaque aiguë, que ne le feraient suspecter les données échocardiographiques et hémodynamiques ».

Préferer la CPAP à la VPPIn

Pr Newby

Le Pr David Newby
(Université d'Edimbourg) a détaillé la place de la ventilation non invasive dans l' insuffisance cardiaque aiguë, après les résultats négatifs de l'essai 3CPO
en termes de mortalité.

De prime abord, il a souligné « qu'un essai thérapeutique nécessite l'inclusion de 30 000 patients pour pouvoir déceler une différence pour la mortalité à 30 jours ». Ce qui pourrait expliquer ce résultat décevant alors qu'une méta-analyse précédente avaient au contraire conclu à l'efficacité de la ventilation non invasive sur ce point.

Puis, il a expliqué que « l'essai 3CPO différait aussi de la méta-analyse par le fait que la mortalité représentait son objectif premier (ce qui n'était pas le cas de la méta-analyse), que le taux de décès a été évalué à 7 et à 30 jours (mortalité hospitalière dans la méta-analyse), que les patients recrutés n'ont pas été exactement les mêmes (pas de malades hospitalisés en soins intensifs dans l'essai 3CPO) et qu'au bout du compte le taux d'intubation n'a pas dépassé 3 % dans cette étude alors qu'il était très variable dans les essais de la méta-analyse. »

Malgré tout, le Pr Newby a plaidé en faveur de la ventilation non invasive du fait de ses avantages pratiques et de sa capacité de corriger rapidement la détresse respiratoire et les phénomènes métaboliques associés.

L'essai 3CPO a mis en évidence une efficacité équivalente pour les deux modes ventilatoires actuellement disponibles, ventilation spontanée en pression expiratoire positive (CPAP) et VPPIn (ventilation en pression positive intermittente par voie nasale). Le Pr Newby privilégie toutefois l'utilisation de la CPAP « en raison de sa meilleure tolérance par les patients ».

Qu'y a-t-il dans les pipe-lines ?

 
Seules, ces études sur des groupes de patients homogènes ont des chances de trouver quelque chose, car l'ICA est un syndrome complexe correspondant à différentes entités cliniques. Malheureusement, l'industrie pharmaceutique n'est guère intéressée car elle aimerait disposer de cibles de patients importantes — Pr Gheorghiade (Chicago, IL)
 

On le sait, la recherche thérapeutique s'est avérée très décevante ces dernières années en matière d'insuffisance cardiaque aiguë, beaucoup de médicaments échouant à mettre en évidence un intérêt en termes de mortalité, quand ils ne l'accroissaient pas. Le Pr Gheorghiade a d'ailleurs plaidé lors de la session de questions, qui a suivi ces communications, sur la nécessité de mettre en place des essais cliniques sur des sous-groupes de patients homogènes. « Seules, ces études ont en effet des chances de trouver quelque chose, car l'insuffisance cardiaque aiguë est un syndrome complexe correspondant à différentes entités cliniques », a-t-il souligné.

« Malheureusement, l'industrie pharmaceutique n'est guère intéressée car elle aimerait disposer de cibles de patients importantes ».

Avec courage, le Dr John Parissis (Hôpital universitaire Attikon, Athènes) s'est cependant lancé dans le difficile exercice de présenter une synthèse des médicaments en développement.

Dr Parissis

Parmi les inotropes, citons les activateurs de la myosine et les inhibiteurs de la Na/K-ATPase, dont l'istaroxime qui a mis en évidence des résultats hémodynamiques potentiellement intéressants dans un essai randomisé de phase 2, HORIZON
, conduit chez 120 patients [2]
. Cet inotrope a la particularité d'élever la PAS et de diminuer la fréquence cardiaque. Le Dr Parissis a aussi mis en avant les atouts du lévosimendan, qui semble selon lui supérieur aux autres inotropes s'agissant de la réponse hémodynamique et neurohormonale.

Question diurétiques, la recherche est active. Outre les antagonistes de la vasopressine, dont le représentant le plus connu est le tolvaptan, mais qui pourrait être rapidement concurrencé par d'autres agents comme le mozavaptan et le conivaptan, déjà commercialisés respectivement au Japon et aux États-Unis, on pourrait voir arriver des antagonistes de l'adénosine, ou l'uralitide, un peptide natriurétique. Un essai de phase III, URGENT, devrait débuter rapidement avec ce médicament.

Enfin, s'agissant des vasodilatateurs, un espoir pourrait être représenté par la relaxine, un vasodilatateur aux propriétés antifibrotiques.

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