Londres, R-U — Les boissons sucrées représentent une part importante de la ration hydrique des enfants et des adolescents. Très riches en calories, elles sont pourtant incapables de donner une sensation de satiété et leur absorption excessive est souvent responsable de surpoids dans cette population.
Un travail mené par l'équipe du Pr Feng J He (St George's, University of London) et publié dans Hypertension suggère qu'il existe un lien direct entre ration sodée alimentaire et ingestion de sodas. [1]
La connaissance d'une relation entre consommation de sel et de liquides n'est pas nouvelle. Elle a été clairement démontrée chez l'adulte à la fois par les études épidémiologiques et les essais cliniques (l'OMS recommande de ne pas dépasser 5 g/j).
Nous ne disposions cependant d'aucune donnée concernant cet effet chez l'enfant. Or dans la plupart des pays développés, la lutte contre l'épidémie d'obésité infantile et du diabète qui en résulte représente un enjeu majeur de santé publique et les politiques d'incitations à manger plus sainement et à avoir une activité physique suffisante ont eu peu d'écho et n'ont pas réussi à enrayer la progression de ce fléau. [2]
Le Pr He a exploité les données d'une grande étude observationnelle menée en 1997chez les jeunes britanniques : The National Diet and Nutrition Survey for young people in Great Britain . [3][4]
Ce travail avait été conduit initialement pour fournir des informations détaillées sur les habitudes alimentaires d'un échantillon représentatif de 2672 jeunes anglais âgés de 4 à 18 ans. Dans ce but et pendant 7 jours consécutifs, le sujet (ou les parents selon l'âge) devaient peser toute nourriture et boisson ingurgitée, et le consigner dans un journal.
L'activité physique des 7 à 18 ans était également détaillée pendant cette même période et classée selon son intensité (modérée, moyenne ou intense).
Les sodas représentent près d'un tiers des apports liquidiens des 4 à 18 ans
Au total, 1688 enregistrements (63 % des sujets initialement sélectionnés) ont été considérés comme exploitables et retenus pour l'analyse. Il s'agissait de 851 garçons et 837 filles d'âge moyen 11,4 ans.
Les apports de sel, de liquides et de boissons sucrées étaient ensuite comparés (après pondération selon l'âge, le sexe et le poids). Un ajustement supplémentaire était pratiqué en fonction du niveau d'activité physique chez les participants de plus de 7 ans.
Première constatation : la quantité de sel masqué ingérée (qui ne comprenait pas l'ajout réalisé lors de la cuisson ou sur la table) augmente avec l'âge (4,6 + 1,5 g/j à 4 ans, 6,8 + 2,1 g/j à 18 ans), parallèlement à la consommation totale de liquides.
Sur l'ensemble de l'échantillon, 56 % des fluides sont apportés sous forme de boissons (dont 55 % sucrées, 45 % à basse calories). Les liquides sucrés représentent donc 31 % de l'ensemble des apports hydriques chez les jeunes de 4 à 18 ans.
Aucune influence de l'activité physique sur cette consommation n'est constatée et la différence entre les sexes est minime (32 % des apports liquides totaux sont apportés par des boissons sucrées pour les garçons contre 29 % pour les filles).
Mais surtout, il est observé une nette corrélation entre prise de sel et de boissons (sucrées et non sucrées), quels que soient l'âge, le sexe et le niveau d'activité physique. Ces résultats confirment donc ce qui avait déjà été trouvé chez l'adulte antérieurement, à savoir le rôle déterminant du sel dans la quantité de liquides ingérée.
Bien qu'aucune relation de cause à effet ne puisse être formellement établie, les auteurs rappellent que, toujours chez l'adulte, divers travaux prouvent qu'une réduction de l'apport sodé se solde effectivement par une réduction des apports hydriques et du poids. Il est fort probable d'observer le même effet chez l'enfant avec peut-être même un impact supplémentaire sur l'obésité (puisque près d'un tiers de ses boissons sont sucrées). En extrapolant ces données, les auteurs britanniques estiment que la réduction de chaque gramme/j de la ration sodée d'un enfant ou d'un adolescent entrainerait une diminution moyenne de 100 g/j de son absorption hydrique totale et de 27 g/j de ses boissons sucrées.
« Pratiquement, l'objectif de diviser par deux la consommation de sel actuelle semble tout à fait réalisable, estime le Pr He, et permettrait une perte moyenne de 244 Kcal/sem par individu. Cette simple mesure aurait pour effet de faire baisser le nombre de jeunes obèses ou en surpoids de 15 % ».
Cette analyse reconnaît le Pr HE comporte cependant une limitation de taille : la consommation réelle en sel des jeunes sujets de l'étude est sous-estimée (puisque n'incluant pas la quantité ajoutée en cuisine ou sur la table). Il considère cependant que cette part ajoutée est relativement peu importante dans nos pays (moins de 20 % de la quantité totale absorbée).
Commentant cet article dans l'éditorial du même numéro d'Hypertension, le Pr Myron H Weinberger (Indiana University Medical Center, Indianapolis) estime pour sa part que « la triade sel, calories et boissons sucrées n'est certainement pas la seule responsable de la progression d'obésité et d'hypertension avant l'âge adulte. Un travail récemment publié montre par exemple que le temps passé devant la télévision constitue un prédicteur indépendant de survenue d'obésité et d'HTA. Mais agir sur le sel est sans aucun doute une piste à exploiter ». [5]
Avis partagé par les membres l' American Medical Association Council on Science and Public Health qui dans un rapport récent estiment que si chaque Américain diminuait sa prise de sel de 1,3 g/j pendant toute sa vie, on compterait chaque année 150 000 morts de moins aux États-Unis. [6]
Le secteur agro-alimentaire réticent
Reste à trouver les moyens de parvenir à ces objectifs. Dans la mesure où 80 % des apports sodés sont « masqués », la simple incitation à ne pas resaler dans son assiette est beaucoup moins efficace que le choix d'une nourriture moins salée au départ.
La solution qui s'impose comme évidente serait que l'industrie alimentaire accepte de diminuer de 10 à 20 % le sel contenu dans tous ses produits. Cette mesure, totalement imperceptible au palais des consommateurs, permettrait très probablement de faire régresser très sensiblement l'obésité infantile et par voie de conséquence HTA, diabète de type 2 et maladies cardiovasculaires.
Une action de santé publique de cette envergure ne peut être menée qu'avec le concours des professionnels du secteur agro-alimentaire. Leur coopération est cependant loin d'être acquise, pour des raisons purement commerciales : selon l'estimation des auteurs de l'article, diviser par deux le sel de tous les aliments manufacturés entrainerait une chute des ventes annuelles de sodas de un billion en Grande-Bretagne, de sept billions aux États-Unis. Or les firmes produisant ce type de boisson et les aliments très salés sont souvent les mêmes !
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Citer cet article: Le sel favorise l'obésité infantile en stimulant la consommation de boissons sucrées - Medscape - 10 oct 2008.
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