Nancy, France — La cartographie électro-anatomique a fait faire un grand pas en avant à l'ablation de tachycardies ventriculaires en post-infarctus du fait de sa capacité à identifier les zones cicatricielles. Mais cette technique n'avait jamais été comparée à la technique de référence non invasive, à savoir l'IRM avec évaluation de la prise de contraste tardive et reconstitution du coeur en 3D. Tel était l'objet d'un travail publié dans le Journal of the American College of Cardiology dont le premier auteur est le Dr Andrei Codreanu de l'équipe du Pr Christian de Chillou à Nancy. [1]
« Quand on fait une IRM cardiaque avec injection de gadolinium, on est capable de mettre en évidence des zones de fibroses myocardiques notamment des cicatrices d'infarctus du myocarde. Chez les patients qui font des tachycardies ventriculaires après in infarctus, on sait que la tachycardie ventriculaire provient de l'intérieur de la zone où il y a eu l'infarctus » explique pour heartwire le Pr de Chillou. « Quand on fait une ablation de ces TV il faut d'abord repérer la zone d'infarctus et à l'intérieur de cette zone, repérer l'endroit où tourne le circuit de cette tachycardie. Comme dans les ablations de TV on fait des cartographies tridimensionnelles avec les deux systèmes existants : CARTO (Biosense Webster, Johnson & Johnson) et NavX (Saint Jude Medical), nous avons souhaité comparer la qualité de cette évaluation avec les résultats de l'imagerie dont l'IRM est l'examen de référence. »
À noter que la cartographie, à la différence de l'imagerie, se base sur un argument indirect qui est le voltage de la zone en question (électrogramme). Les zones de bas voltage correspondent à la cicatrice d'IDM mais nous ne disposons pas de valeurs seuils extrêmement précises permettant de délimiter le tissu sain du pathologique.
Cartographie électro-anatomique versus IRM
L'étude a porté sur 10 patients, âgés de 71 +/- 10 ans, présentant une séquelle d'infarctus et adressés pour une ablation par radiofréquence d'une tachycardie ventriculaire monomorphe. Tous ont eu une IRM avec injection de gadolinium et évaluation de la prise de contraste tardive, permettant d'analyser la localisation et la profondeur de la cicatrice d'infarctus, en particulier la présence ou pas d'une atteinte endocardique ou épicardique.
Les patients ont eu à l'occasion de leur procédure d'ablation, une cartographie électro-anatomique complète du ventricule gauche qui consiste à enregistrer les électrogrammes endocavitaires au niveau des différents sites du ventricule, en rythme sinusal spontané.
Les auteurs ont ainsi analysé :
L'amplitude des potentiels qu'ils soient analysés en unipolaire ou bipolaire,
La recherche de potentiels fragmentés ou polyphasiques (qui signent la présence d'une zone de conduction lente) et de double potentiels en lignes (qui signent la présence d'une ligne de bloc),
La largeur des potentiels bipolaires.
Une comparaison entre la cartographie endocavitaire et l'IRM a été effectuée, notamment en fusionnant les deux images de cartographie et d'IRM afin d'obtenir des corrélations électro-anatomiques.
Une technique valide mais peu précise
Sur les dix patients, 4 avaient une séquelle d'infarctus antérieur et 8 une séquelle d'infarctus inférieur. Quatre-vingt pour cent des séquelles avaient au moins une localisation endocardique. Les cicatrices endocardiques occupaient en moyenne 34 % de l'épaisseur du myocarde et pour 80 % d'entre elles moins de 3/4 de l'épaisseur totale du myocarde.
Les anomalies des électrogrammes endocavitaires étaient bien corrélées à la présence d'une séquelle d'infarctus mais aucune d'entre elles ne permettait de prédire une atteinte transmurale.
Secondairement, les investigateurs ont effectué une fusion entre les cartes électro-anatomiques et l'imagerie IRM avec différents seuils de potentiels afin d'obtenir une corrélation avec l'imagerie IRM. L'analyse des EGM bipolaire était le seul paramètre permettant de montrer une différence significative (p < 0,007) entre les localisations endocardiaques et épicardiaques.
Pour autant, il ne s'agit pas d'opposer une méthode par rapport à une autre, mais plutôt de les combiner en fusionnant l'image électro-anatomique obtenue en per-procédure avec l'imagerie tridimensionnelle du cœur obtenue grâce à l'IRM. C'est de plus en plus vers cela que s'oriente l'électrophysiologie moderne.
Principales anomalies des électrogrammes endocavitaires dans la zone de l'infarctus et en dehors Anomalie de l'EGM |
Zone de l'infarctus |
En dehors de la cicatrice de l'IDM |
EGM multiphasique |
79 % |
19 % |
EGM fragmentés |
43 % |
7 % |
Double potentiels |
11 % |
3 % |
Amplitude EGM bipolaire |
0,97 + 1,09 mV |
3,20 + 2,61 mV |
Amplitude EGM unipolaire |
4,80 + 2,38 mV |
10,29 + 5,09 mV |
Durée EGM bipolaire |
81,57 + 37,94 ms |
42,60 + 21,75 ms |
Pour le Pr de Chillou, « la conclusion de l'article est que la cartographie traditionnelle est bonne mais que dans un tiers des cas, elle sur- ou sous-estime la taille réelle de l'infarctus et ces écarts peuvent aller jusque 20 %. L'imagerie permet de corriger les erreurs par excès ou par défaut. Il ne semble pas insurmontable techniquement de pouvoir incorporer l'image obtenue en cartographie tridimensionnelle à celle de l'IRM. Cela permettrait de repérer plus précisément les cicatrices d'infarctus et peut-être aussi d'améliorer l'efficacité de l'ablation. Mais cela reste à démontrer. »
Actualités Heartwire © 2008
Citer cet article: Reconstitution en 3 D des cicatrices d'infarctus : la cartographie endocavitaire n'est pas aussi précise que l'IRM - Medscape - 3 oct 2008.
Commenter