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Rome, Italie — « Jusqu'où aller dans l'intensification du contrôle glycémique chez les diabétiques ? » C'est LA question actuelle en diabétologie. Et le Pr Cliff Bailey (Aston université, Birmingham, Royaume-Uni), éditeur du Bristish Journal of Diabetes and Vascular Disease, a relevé le gant à Rome lors du congrès de l' European Association for the Study of Diabetes (EASD).[1] Son exposé en séance plénière propose une lecture critique des diverses études d'intensification d'où il ressort, en résumé, que l'intensification, si elle peut être bénéfique, ne doit pas être menée au pas de charge et à tout prix chez n'importe quel patient en particulier en terme de prix à payer quant aux hypoglycémies sévères.
Hyperglycémies et complications
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Pr Bailey |
Partant de là, quelles conclusions tirer des récentes études d'intervention intensives ACCORD, ADVANCE et VADT et de l'excès de décès dans le bras intensif qui a motivé l'arrêt précoce d'ACCORD ?
Mise en perspectives d'UKPDS, ACCORD, ADVANCE et VADT
« Parmi les études d'intensification, UKPDS débutée dans les années 1980, est la seule à porter sur des diabétiques nouvellement diagnostiqués. Elle a montré que pour chaque % d'HbA1c, on réduit les complications micro- et macrovasculaires dans un continuum. À la fin des 15 ans d'interventions en moyenne, on est pour le microvasculaire à -25 %; p = 0,0099 et pour les infarctus à -16 %; p = 0,052, à la limite de la significativité, dans les bras intensifs (HBA1c 7 %) versus conventionnel (HbA1c 7,9 %).
Depuis, de nombreuses méta-analyses sont venues confirmer le poids du taux d'HbA1c sur le risque d'infarctus. Dans EPIC-NORFOLK, le risque de décès cardiovasculaire est corrélé au taux d'HbA1c chez les hommes comme chez les femmes. On le retrouve même chez les intolérants au glucose (étude DECODE).
Or, à la différence d'UKPDS, ACCORD, ADVANCE et VADT ont été menées chez des « vieux » diabétiques (durée de la maladie, âge) présentant déjà un haut risque cardiovasculaire. ACCORD et ADVANCE montrent un bénéfice en terme de complications microvasculaires.
Néanmoins, aucune ne met en évidence d'impact significatif de l'intensification sur les complications macrovasculaires. Probablement parce qu'on arrive trop tard dans la maladie, qu'elles n'ont pas été prolongées assez longtemps — à l'arrêt d'ACCORD les courbes d'événements étaient en train de se séparer — mais aussi parce que les autres facteurs de risque cardiovasculaires étaient par ailleurs très bien contrôlés, en particulier dans VADT » explique C Bailey.
UKPDS, ACCORD, ADVANCE, VADT : contrôle glycémique intensif vs traditionnel dans le diabète de type 2« Quant à l'excès de décès observé d'ACCORD, il est très probablement lié au taux très important d'hypoglycémies graves qui atteint les 4,6 % par an dans le bras intensif. D'autant que dans cette étude l'intensification a été menée au pas de charge, les patients étaient à la cible d'HbA1c de 6,5 % en moyenne en 6 mois dans ACCORD contre 1-2 ans dans le bras intensif d'ADVANCE... Or, être en hypoglycémie majore le risque de décès lors d'infarctus en population générale. Et il est fort probable que les hypoglycémies majorent aussi le risque de décès lors d'infarctus chez les diabétiques. Sur modèle animal, chez le rat, les antécédents d'hypoglycémies augmentent le risque de tachycardie induite par une hypoglycémie. Et lors d'infarctus chez le diabétique, la réponse métabolique étant déficiente, le risque de décès augmente. C'est pourquoi tout porte à croire que l'excès de décès dans ACCORD est en rapport avec ces hypoglycémies. »
Hypoglycémies sévères requérant l'assistance d'un tiers Étude |
Fin |
Duré (ans) |
Type de patients |
HbA1c finale Bras conventionnel |
HbA1c finale Bras Intensif |
Hypoglycémies Bras Conventionnel |
Hypoglycémies Bras intensif |
UKPDS |
1998 |
10 + |
Nouveau diagnostic |
7,9 % |
7,0 % |
0,7 %/an |
1,4-1,8 %/an (Ins -SU) |
PROactive |
2005 |
3 |
Haut risque CV |
7,5 % |
6,9 % |
0,14 %/an |
< 0,25 %/an |
ADOPT |
2006 |
4+ |
Diagnostic récent |
- |
6,9-7,4 % |
- |
< 0,2 %/an |
Steno-2 |
2006 |
13,3 |
+ microalbuminurie |
8,0 %? |
7,7 % |
~1 %/an |
~1%/an |
4T |
2007 |
1+ |
Pas insuline, diagnostic > 1 an |
_ |
7,2-7,6 % |
- |
0 %/an |
ACCORD |
|
3,5+ |
Haut risque CV Agé |
7,5 % |
6,4 % |
1,4 %/an |
4,6 %/an |
ADVANCE |
2008 |
5+ |
Haut risque CV Âgé |
7,3 % |
6,5 % |
0,4 %/an |
0,7 %/an |
VADT |
2008 |
6+ |
Haut risque CV Agé |
8,4 % |
6,9 % |
~1,6 %/an |
~4 ? %/an |
Coller aux recommandations dans une approche individualisée
« Les études récentes ont confirmé qu'intensifier le contrôle glycémique réduit les complications microvasculaires avec un bénéfice augmenté quand on s'approche de la normoglycémie. Mais le risque d'hypoglycémies reste problématique et aller vers une normalisation glycémique à tout prix peut augmenter le risque de décès chez des sujets "vulnérables". En effet, l'association hypoglycémies /coeur diabétique peut majorer la susceptibilité aux infarctus létaux. C'est pourquoi l'intensification doit être individualisée » résume C Bailey.
En pratique, quelle prise en charge ?
Partant de là, en pratique clinique, que faire ? Selon C Bailey, la prise en charge doit être :
INDIVIDUALISÉE parce que la maladie varie d'un individu à l'autre, évolue dans le temps et est associée à diverses complications,
PRÉCOCE pour contrer l'effet mémoire, un mauvais contrôle précoce pesant sur les complications à long terme,
ASSEZ INTENSIVE pour réduire les complications sans induire d'hypoglycémies (viser la normalisation mais avec une sécurité thérapeutique adéquate),
PRATIQUE pour être obtenue en toute sécurité sans contraindre indûment le patient,
INTÉGRÉE à une prise en charge globale du risque cardiovasculaire incluant un contrôle des lipides, de la pression artérielle, du risque thrombotique et du surpoids.
« Les recommandations actuelles — qui visent une HbA1c à 6,5 % en début de maladie et autour de 7 % ensuite — sont appropriées. Mais elles doivent être appliquées avec souplesse en intégrant la situation de chaque patient. Les études récentes ont mis, en effet, en évidence les limitations et précautions nécessaires à un contrôle particulièrement intensif. Le contrôle intensif est indiqué chez de nombreux patients mais pas pour tous, d'où la nécessité d'individualiser les cibles » conclut C Bailey.
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Actualités Heartwire © 2008
Citer cet article: Jusqu'où et comment baisser les glycémies chez le diabétique ? Les leçons des grandes études - Medscape - 6 oct 2008.
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