UKPDS apporte la preuve que contrôler précocement les glycémies réduit à long terme les infarctus et décès avec un effet mémoire

Pascale Solère

15 septembre 2008

Rome, Italie — Les résultats du suivi prolongé à 10 ans des patients de la cohorte UKPDS (officiellement arrêté en 1998) ont été révélés lors du congrès de l'European Association for the Study of Diabetes (EASD 2008) à Rome. [1] Ces résultats sont conjointement publiés dans le New England Journal of Medicine [2][,][3].

 
L'impact maximal d'une réduction tensionnelle est rapidement atteint et il faut continuer (pour qu'il se maintienne). Quand du côté glycémique, il faut bien plus longtemps pour mettre en évidence tout le bénéfice… Dans tous les cas ce qui est pris est pris, d'où le terme d'effet mémoire — Pr Holman (Oxford, R-U)
 

Au terme de 20 ans d'intervention, UKPDS a apporté la preuve en 1998 que les complications vasculaires en particulier microvasculaires (néphropathies, rétinopathies) associées au diabète 2 n'étaient pas inévitables. Chez ces diabétiques de type 2 nouvellement diagnostiqués, le contrôle glycémique (HbA1c 7 % versus 7,9 % en moyenne sur dix ans) avec une sulphonylurée ou l'insuline réduisait significativement de 12 % l'ensemble des évènements, de 25 % les complications microvasculaires avec une tendance favorable mais non significative sur le risque d'infarctus (-16 %, p = 0,052). Quand de son côté la réduction tensionnelle (142/82 vs 154/87 mm Hg sur en moyenne 8,4 ans) avec un IEC ou un bêtabloquant réduisait à la fois le risque micro- et macrovasculaire.

Aujourd'hui, 10 ans après l'arrêt d'UKPDS, le suivi des patients retournés à une prise en charge standard en médecine générale met en évidence que ce contrôle glycémique précoce exerce un effet bénéfique à long terme sur le risque d'infarctus (-15 %) et de décès (-13 %), une réduction significative, avec un « effet mémoire » tant sur le plan macrovasculaire que microvasculaire. Le bénéfice se maintient alors qu'il n'y a plus de différence entre les groupes en terme d'HbA1c.

En revanche, l'analyse du bras contrôle tensionnel ne met pas en évidence d'effet mémoire.

Pr Holman

 « Les résultats des bras glycémies montrent qu'il faut sans attendre contrôler l'HbA1c chez le diabétique 2 puisque l'intervention exerce un effet bénéfique qui augmente avec le temps. Quant au bras tensionnel, ses résultats ne signifient pas que réduire la pression artérielle est sans effet. C'est juste que l'impact maximal d'une réduction tensionnelle est rapidement atteint ; il faut continuer. Quand du côté glycémique, il faut bien plus longtemps pour mettre en évidence tout le bénéfice. Sachant que même s'il faut bien sûr continuer, dans tous les cas ce qui est pris est pris ; d'où le terme « effet mémoire » explique le P Rury Holman (Oxford, Angleterre)

UKPDS : 20 ans d'intervention plus 10 ans de suivi

UKPS, étude d'intervention menée dans 23 centres au Royaume-Uni de 1977 à 1997 a porté sur plus de 5000 patients nouvellement diagnostiqués diabétiques de type 2, recrutés entre 1977 et 1991. Parmi eux :

  • 2118 ont participé au bras contrôle glycémique intensif insuline/sulfonylurée

  • 279 au bras témoin intensif metformine

  • 880 au bras témoin conventionnel (commençant par les mesures hygiéno-diététiques)

  • 592 au bras témoin tensionnel serré

  • 292 au bras témoin tensionnel conventionnel

Le suivi post-UKPDS a été mené sur les patients retournés à une prise en charge standard, en MG, entre 1997 et 2007. Les 5 premières années une visite annuelle avec un praticien UKPS était planifiée, les 5 années suivantes le suivi était réalisé sur la base d'un questionnaire annuel. Tous les événements ont été adjudiqués par un comité dédié.

Le suivi moyen final porte sur 17 ans (16-30 ans) dont 10 ans d'intervention en moyenne (6-22 ans).


Devenir des bras témoin glycémique intensif et PA

En 2007, fin du suivi, il reste 1010 patients issus du bras sulfonylurée/insuline, 135/bras metformine, 379/bras glycémie conventionnel ; 250 /bras témoin tensionnel serré, 126/bras témoin tensionnel standard.

Dans les bras glycémie, au total 44 % des patients sont décédés entre l'entrée dans l'étude et 2007 et seulement 3,6 % ont été perdus de vue (146 patients). Dans les bras tensionnels, on est à 51 % de décès et 2 % de perdus de vue (23 patients).

Dès la première année après la fin de l'intervention, il n'y a plus de différence entre les groupes en terme d'HbA1c dans les bras glycémie et en terme de PA dans le bras tensionnels. Les courbes d'évolution des HbA1c et PA évoluent assez parallèlement au cours des dix ans de suivi avec des variations à mettre en parallèle avec l'édition de recommandations de prise en charge du diabète 2 qui ont évolué vers un contrôle plus intensif des glycémies et des PA.

Effet mémoire du contrôle glycémique intensif

« Le suivi des évènements est très démonstratif en particulier en ce qui concerne l'effet du contrôle glycémie intensif précoce sur la survenue d'infarctus et sur le risque de décès à la fois sur l'ensemble colligé des deux bras intensifs et sur le bras metformine. L'analyse du bras sulfonylurée/insuline, en cours, sera publiée ultérieurement » précise R Holman qui présentait les résultats des bras glycémies en session plénière.

« Quant à l'analyse des événements microvasculaires, elle confirme le bénéfice déjà mis en évidence en fin d'étude qui se maintient, témoignant là aussi de l'effet mémoire du contrôle précoce des glycémies ».

UKPDS — Effet mémoire du contrôle glycémique : bras intensifs vs conventionnel


1997
2007
Événements totaux liés au diabète
- 12 %
p = 0,029
-9 %
p = 0,040
Complications microvasculaires
- 25 %
p = 0,0099
-24 %
p = 0,001
Infarctus
- 16 %
p = 0,052
-15 %
p = 0,014
Décès de toutes causes
- 6 %
p = 0,44
-13 %
p =0,007

UKPDS — Effet mémoire du contrôle glycémique : bras intensif/metformine vs conventionnel


1997
2007
Événements totaux liés au diabète
-32 %
p = 0,0023
- 21 %
p = 0,013
Complications microvasculaires
-29 %
p = 0,19
- 16 %
p = 0,31
Infarctus
-39 %
p = 0,010
- 33 %
p = 0,005
Décès de toutes causes
-36 %
p = 0,011
- 27 %
p = 0,002

Absence d'effet rémanent des 10 ans de contrôle tensionnel accru

Le suivi des bras tensionnels ne met pas en évidence d'effet mémoire. Deux ans après la fin de la période d'intervention, le risque de complications se rejoint.

Pr Matthews

  « Réduire les pressions artérielles des diabétiques 2 reste primordial pour réduire le risque de complications. Mais contrairement à ce qui se passe sur le versant glycémique, les bénéfices n'augmentent pas avec le temps » résume le Pr David Matthews
qui présentait les résultats des bras tensionnels en session plénière.

UKPDS -- absence d'effet mémoire du contrôle tensionnel accru vs conventionnel

1997
2007
Événements totaux liés au diabète
-24 %
p = 0,0046
-7 %
p = 0,31
Complications microvasculaires
-37 %
p = 0,0092
-16 %
p = 0,17
Infarctus
-21 %
p = 0,13
-10 %
p = 0,35
Décès de toutes causes
-18 %
p = 0,17
-11 %
p = 0,18

Implications cliniques

 
Il devient de plus en plus évident qu'il faut contrôler tôt et le mieux possible les glycémies chez les diabétiques qui entrent dans la maladie. Et donc, en l'occurrence ne pas commencer par des simples mesures hygiéno-diététiques mais associer d'entrée à ces mesures un traitement par metformine — Pr Holman
 

« Avant UKPDS, certains pensaient que les complications observées chez les diabétiques n'étaient pas liées au glucose mais étaient peut être génétiquement déterminées. UKPDS il y a 10 ans a pour la première fois démontré que contrôler les glycémies avait un impact, les courbes d'événements commençaient à diverger dès la sixième année. Ce suivi montre que le contrôle tensionnel donne des résultats tangibles très rapides mais qui n'augmentent pas avec le temps. En revanche, les bénéfices du contrôle glycémique mettent plus de temps à s'exprimer en particulier au niveau macrovasculaire. »

« Conclusion, il devient de plus en plus évident qu'il faut contrôler tôt et le mieux possible les glycémies chez les diabétiques qui entrent dans la maladie. Et donc, en l'occurrence ne pas commencer par des simples mesures hygiéno-diététiques mais associer d'entrée à ces mesures un traitement par metformine. Quant aux nouveaux antidiabétiques, ils devront montrer qu'ils sont non seulement capables de réduire les glycémies mais aussi de faire la démonstration de leur impact clinique à long terme sur les décès et infarctus » commente R Holman.

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