Réduction de 21 % de la mortalité chez les plus de 80 ans dans l'essai HYVET : il n'est jamais trop tard pour traiter l'HTA !

Vincent Bargoin

1er avril 2008

Chicago, IL, E.-U. — Les recommandations actuelles laissent à l'appréciation du médecin la décision de traiter ou non l'HTA chez les sujets de plus de 80 ans. Ce flou s'explique par les données épidémiologiques qui suggèrent que chez les sujets très âgés, une pression artérielle élevée est associée à une meilleure survie. Chez des sujets en bon état général, l'étude HYVET (Hypertension in the Very Elderly Trial) vient pourtant de montrer le contraire. Cette étude a été présentée au congrès de l'American College of Cardiology[1] et publiée simultanément en ligne dans le New England Journal of Medicine[2].

Dr N Beckett

Pour Nigel S Beckett
(Londres, R.-U.), investigateur principal, « ces données montrent qu'il n'est jamais trop tard pour commencer un traitement de l'HTA chez des personnes qui présentent une espérance de vie raisonnable. »

HYVET a été menée chez 3845 sujets, très majoritairement recrutés en Europe de l'Est et en Chine, ainsi qu'en Europe de l'Ouest, en Tunisie et en Australasie. Ces sujets étaient âgés de 80 ans ou plus (âge moyen : 84 ans), présentaient une PA systolique comprise entre 160 et 199 mm Hg (PAS moyenne: 173 mm Hg) et une PA diastolique inférieure à 110 m Hg.

 
Ces données montrent qu'il n'est jamais trop tard pour commencer un traitement de l'HTA chez des personnes qui présentent une espérance de vie raisonnable — Dr Beckett (Londres)
 

Etaient exclues les personnes présentant une PAS orthostatique inférieure à 140 mm Hg, pour éviter les risques d'hypotension, les personnes présentant un antécédent d'AVC dans les six derniers mois, les personnes démentes — l'hypotension fait partie des facteurs de risque de démence — ou assistées quotidiennement par une infirmière. Quant au traitement, il associait 1,5 mg d'indapamide à libération prolongée, et une dose de périndopril allant de 2 à 4 mg, modulée pour atteindre une cible thérapeutique fixée à 150/80 mm Hg. A ce seuil de PAS, le sujet reste évidemment hypertendu : « il s'agit d'une valeur de compromis » a souligné Nigel Beckett.

Prévue pour comporter trois analyses, l'étude a en fait été interrompue dès la seconde, en juillet 2007, après qu'il soit apparu clairement que le traitement réduit les AVC fatals et la mortalité toutes causes confondues. Dans le groupe contrôle, 20 % des sujets avaient alors atteint la PAS cible contre 48 % dans le groupe traité.

Résultats de l'étude HYVET à deux ans (en intention de traiter)

Réduction dans le groupe traité
p
Ensemble des AVC (critère primaire)
30 %
0,055
AVC fatals
39 %
0,046
Mortalité totale
21 %
0,019
Evénements liés à une insuffisance cardiaque
64 %
< 0,0001

On note que le bénéfice sur l'incidence des AVC, qui constituait le critère primaire, à la limite de la significativité lorsque les données sont analysées en intention de traiter, devient significatif en analyse per protocole (p = 0,025). On note également qu'aucune différence significative n'est apparue entre groupes pour ce qui concerne le potassium sérique, l'acide urique, le glucose et la créatinine. Selon Nigel Beckett, « les effets secondaires métaboliques pourraient être moindres avec les formes à libération prolongée ». A la clôture de l'étude, 73,4 % des sujets du groupe traité étaient encore sous bithérapie antihypertensive, contre 85,2 % des sujets du groupe contrôle.

Le résultat marquant est évidemment la réduction de 21 % de la mortalité totale sous traitement. Pour Nigel Beckett, « ce résultat était totalement inattendu. » Et de rappeler qu'initialement « l'étude avait été lancée avec l'hypothèse d'un risque d'augmentation de la mortalité. »

Une bonne nouvelle, à ne pas surinterpréter

Compte tenu de la proportion croissante que représentent les sujets très âgés dans la population, les résultats de l'étude HYVET constituent naturellement une bonne nouvelle. A condition de ne pas les surinterpréter. « Il n'est pas apparu de courbe en J », a souligné le Dr Venkata Ram (Dallas) en commentant l'étude, « mais je resterais pourtant prudent chez les sujets à mobilité réduite ou atteints d'une maladie, quelle qu'elle soit. »

Les auteurs eux-mêmes mettent en garde contre une interprétation trop large de leurs résultats. « Les sujets recrutés dans HYVET étaient généralement en meilleure condition que la population générale à cet âge », indiquent-ils. Par ailleurs, rien ne prouve le bénéfice d'un abaissement au-delà du seuil de 150 mm Hg de PAS.

Nigel Beckett souhaite que les prochaines recommandations en matière d'HTA « reflètent les résultats de HYVET. » Pour Venkata Ram, ces recommandations « devraient définir des objectifs tensionnels spécifiques pour les personnes âgées et très âgées. » Moyennant quoi, selon Venkata Ram toujours, « bien qu'aucune donnée économique ne soit disponible quant au traitement de l'HTA au delà de 80 ans, on peut supposer que le bénéfice d'un traitement à grande échelle excèderait largement toute autre considération. » A ceci s'ajouterait aussi « le bénéfice social que tirerait la collectivité à ne pas ignorer les facteurs de risque chez les séniors. »

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