Diabétiques à haut risque sous contrôle intensif de la glycémie : ACCORD interrompu pour cause d'excès de mortalité mais pas ADVANCE

Dr Catherine Desmoulins

15 février 2008

Paris, France — Surprise aux Etats-Unis, le NHLBI (National Heart Lung and Blood Institute) a interrompu prématurément la branche de l'étude ACCORD destinée à comparer le bénéfice d'un contrôle très strict de la glycémie versus un contrôle standard dans une population de diabétiques à haut risque cardiovasculaire. [1] Une différence significative de mortalité est apparue en défaveur du groupe sous contrôle glycémique strict, 18 mois avant le terme de l'étude.

Tous ces patients sont désormais passés dans l'autre sous-groupe de l'étude (contrôle standard de la glycémie) dont l'objectif est d'atteindre une hémoglobine glyquée (HbA1c) < 7 %, au lieu de 6 % dans le groupe « contrôle intensif ». Le NHLBI a fait savoir que « ces patients continueront d'être suivis afin de mieux comprendre ce qu'il s'est passé. » A noter que les branches « hypertension » et « lipide » (sur le même principe de la comparaison d'un traitement standard versus intensif) de l'étude ACCORD se poursuivent jusqu'à l'analyse finale des données prévue en juin 2009.

ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) est une très grosse étude multicentrique nord-américaine (E-U et Canada) ayant inclus 10 251 patients, âgés de 40 à 82 ans. Tous sont des diabétiques de type 2 depuis en moyenne 10 ans avec au moins deux facteurs de risque coronaires ou une coronaropathie diagnostiquée à l'entrée dans l'étude. Il s'agit par conséquent d'une population à haut risque d'infarctus (IDM), d'AVC et de décès cardiovasculaires. 5123 ont été assignés dans le groupe « contrôle standard » de la glycémie et 5128 dans le groupe « contrôle intensif ». Les premiers devaient atteindre une cible d'HbA1c < 7 %, en accord avec les recommandations de l'ADA, les seconds une cible d'HbA1c < 6 %. Toutes les classes thérapeutiques à disposition des prescripteurs en Amérique du Nord pouvaient être employées pour atteindre ces objectifs : metformine, glitazone, insuline, sulfamides, acarbose, exénatide.

A l'issue de près de 4 ans de suivi, le NHLBI a été alerté par les 10 membres du comité de surveillance indépendant de l'étude de l'existence d'une surmortalité de 3/1000 patients /année de traitement (257 vs 203 décès, soit 54 décès supplémentaires).

Comment expliquer cette surmortalité ?

Aucune cause spécifique n'a pu être identifiée parmi les personnes décédées dans le groupe « traitement intensif ». A ce stade, aucun lien entre un type de médicament (ou une association de médicaments) et l'excédent de mortalité n'a également été trouvé. Les experts précisent qu'ils n'ont pas mis en évidence de rapport entre l'excès de mortalité et la prescription de glitazone.

En matière de glycémie, dans les deux groupes, tous les patients étaient mieux contrôlés au moment de l'analyse des données qu'à l'entrée dans l'étude. Dans le groupe traité de manière conventionnelle, la moitié des patients avait une HbA1c < 7,5 % et dans le groupe « traitement intensif », la moitié était en dessous de 6,5 %.

« Il faudra maintenant attendre la publication de l'étude ACCORD dans une grande revue scientifique pour avoir de plus amples explications », annonce le NHLBI.

Le Pr Bernard Charbonnel (Nantes), interrogé par heartwire est du même avis : « Il est impossible de faire à ce stade des commentaires supplémentaires. Mieux vaut s'en tenir au communiqué de presse du NHLBI et attendre d'avoir davantage de données. »

Pas d'excès de mortalité dans l'étude ADVANCE

Suite à l'annonce de l'arrêt de l'essai ACCORD, le comité de pilotage de l'étude ADVANCE a immédiatement entrepris une analyse préliminaire des données de sa partie « contrôle glycémique » qui vient de s'achever en janvier 2008. ADVANCE (Action sur le diabète et les maladies vasculaires ; évaluation contrôlée de Preterax et de Diamicron-LM) est aussi une étude de très grande taille (11 140 patients, 215 centres en Asie, Europe et Amérique du Nord), menée chez des patients diabétiques de type 2 à haut risque et qui s'interroge sur l'effet d'un meilleur contrôle glycémique sur la survenue d'événements ultérieurs.

L'objectif glycémique dans le groupe des patients sous contrôle intensif est un peu moins strict (HbA1c < 6,5 %) et l'étude diffère également d'ACCORD du fait que les patients du groupe « traitement intensif » reçoivent tous un sulfamide hypoglycémiant, le glicazide à libération prolongée, et dans l'autre groupe un traitement standard (traitements conseillés par les recommandations).

« Les données préliminaires d'ADVANCE n'apportent pas la preuve de la tendance délétère du contrôle intensif de la glycémie sur la mortalité » a annoncé le directeur du comité de pilotage et de sécurité de l'étude, le Pr Rory Collins (Université d'Oxford). Il a également noté que cette analyse préliminaires a été réalisée sur deux fois plus de données que l'étude ACCORD et que les niveaux de glycémie atteints dans les deux études sont comparables.

Rappelons que l'autre partie de l'étude ADVANCE destinée à mesurer l'impact d'un traitement intensif de la pression artérielle sur le pronostic de ces diabétiques à haut risque est déjà achevée. Les résultats, présentés à l'ESC 2007, montrent une corrélation inverse entre PA et pronostic, y compris chez les patients non hypertendus. Dans ce travail, tous les patients du groupe « contrôle tensionnel intensif » ont reçu une association fixe périndopril-indapamide (versus placebo dans le groupe « standard ») en complément des autres traitements antihypertenseurs.

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