Durant la coupe du monde de football, le stress augmente les évènements CV chez les spectateurs

Vincent Bargoin

12 février 2008

Munich, Allemagne — Les stress majeurs, comme les tremblements de terre ou la guerre, sont facteurs d'événements cardiovasculaires. Le parallèle entre de telles catastrophes et les événements sportifs, a de quoi plonger dans un vertige philosophique. Et pourtant, il semble bien qu'en terme d'impact cardiovasculaire, ces situations soient comparables. Ainsi, selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, lors de la dernière coupe du monde de football, organisée en 2006 par l'Allemagne, le taux d'événements cardiovasculaires les jours où jouait l'équipe nationale, ont augmenté globalement de 2,66 [1]. La corrélation temporelle est parfaitement claire, puisque, les pics d'incidence étaient observés dans les deux heures suivant le début des matchs. L'impact du stress étant particulièrement marqué chez les coronariens connus comme tels, l'étude avance la notion d'une prévention avant match.

L'étude a été menée à Munich, dans sa banlieue et en zone rurale, entre le 9 juin et le 9 juillet 2006. Les 7 jours durant lesquels l'équipe d'Allemagne jouait, ont été distingués des 24 autres jours de coupe du monde. Les périodes 1 mai-31 juillet 2003 et 2005, et 1 mai-8 juin, 10 juillet-31 juillet 2006, ont été utilisées comme contrôle. Les ajustements concernaient la pression atmosphérique, la température, et les taux de particules de diamètre inférieur à 10 microm., ainsi que les jours de la semaine. On note que la pression atmosphérique était positivement corrélée aux événements cardiovasculaires (1,12 /10hPa*), et que le dimanche (1,07) et le mardi (1,13) sont des jours à haut risque, le samedi étant, lui, jour de relâche (0,78).

Enfin, le risque était légèrement supérieur durant les périodes contrôle 2006, par rapport aux périodes contrôle 2003 et 2005 (1,15).

Au total, 4279 patients victimes d'événements cardiovasculaires aigus ont été inclus dans l'étude. Durant les 7 jours où jouait l'équipe d'Allemagne, le taux d'événements était significativement plus élevé que durant les 242 jours-contrôle. En revanche, aucune différence significative n'a été enregistrée durant les 24 autres jours.

Evènements CV durant la coupe du monde, en fonction de l'engagement de l'équipe d'Allemagne, par rapport aux périodes contrôle

Evènements durant les 242 jours-contrôle
(n = 3541)
Evènements durant les 7 jours où jouait l'Allemagne
(n = 302)
Evènements durant les 24 jrs où ne jouait pas l'Allemagne
(n = 436)
Evènements/jour
14,6
43,1
18,2
Ratio d'incidence
1
2,66
1,11
p
< 0,001
0,08

L'impact des matchs engageant l'équipe nationale, ne diffère pas significativement entre la ville de Munich (2,63), sa banlieue (3,11), et en zone rurale (1,99). En revanche, la proportion d'hommes parmi les patients admis augmente significativement durant les jours de match (71,5 %) par rapport aux jours-contrôle (56,7 %). Chez les hommes, le risque passe ainsi à 3,26, contre 1,82 chez les femmes par rapport à la période contrôle. L'évolution est toutefois également significative chez les femmes. Durant les 7 jours de match, les patients admis sont par ailleurs plus fréquemment des coronariens connus (47 vs 29,1 %). Dans cette catégorie de patients, le risque monte à 4,03, et à 2,05 chez les sujets non identifiés comme coronariens. Ici encore, les évolutions sont significatives dans les deux groupes. Enfin, tous les types d'événements augmentent : IDM-ST (2,49), IDM non ST ou angine instable (2,61), arrhythmies majeures (3,07), arrhythmies mineures (2,13). Toutes ces augmentations sont significatives. En revanche, l'impact du match n'est pas significativement différent selon la catégorie diagnostique.

Le rôle du stress dans cette affaire est tout à fait évident, puisqu'outre la concentration du risque les jours de match de l'équipe nationale, l'histogramme des heures d'apparition des symptômes fait ressortir un pic très proéminent dans les deux heures qui suivent le début des hostilités. Le nationalisme chauvin s'accompagne donc, ici comme ailleurs, d'effets nettement délétères. Au rôle du stress proprement dit, les auteurs ajoutent toutefois les conséquences de comportements associés, tels que manque de sommeil, grignotage intensif de « junk food », abus d'alcool et de tabac, oubli des médicaments.

Quoi qu'il en soit, l'étude conclut que « l'excès d'évènements cardiovasculaires associé au spectacle de matchs stressants, est considérable, et que l'évaluation de mesures préventives est nécessaire, en particulier chez les coronariens connus. » Sont envisagés, l'administration ou l'augmentation des doses de bêtabloquant, l'administration de statine ou d'aspirine, ou encore, le blocage de récepteurs au stress. Le principe de thérapies comportementales est également évoqué pour aider à gérer le stress.

L'angoisse du coronarien au moment du penalty

En 2006, l'Allemagne a fait l'ouverture en battant le Costa Rica. Malgré les faibles chances de cette sympathique équipe, quelques supporters en profitent pour faire un infarctus : quand les fluctuations moyennes ne dépassent pas les 20 évènements quotidiens, on franchit ce 9 juin, le seuil des 40 évènements. Les choses se corsent ensuite avec la Pologne, puisque la rencontre ne sera gagnée qu'en toute dernière minute : le score d'admission frôle alors les 50 évènements. Contre l'Equateur, c'est pratiquement la mi-temps, l'Allemagne étant de toutes façons qualifiée. La petite trentaine d'admissions recensées ce jour là, devaient donc concerner des hyper-émotifs. Les affaires reprennent contre la Suède, où l'on remonte à près de 40 admissions, et plus encore, avec le quart de finale contre l'Argentine : le penalty concédé à l'Allemagne enverra le ballon dans les buts argentins, et simultanément, le nombre des admissions au dessus de la barre des 60. Hélas, c'est le commencement de la fin. La défaite contre l'Italie, qui prive l'Allemagne de la finale, s'accompagne certes d'un score d'admissions encore très honorable, presque équivalent à celui du match contre l'Argentine. Mais visiblement, le coeur n'y est plus. Le dernier match, remporté contre le Portugal pour la troisième place, voit ainsi les admissions s'effondrer, pour revenir à leur niveau normal : le dépit aura sauvé quelques dizaines de supporters. Enfin, on ne sait pas s'il faut s'en flatter, mais l'homérique finale France-Italie, a provoqué en Allemagne des dégâts équivalents à ceux du match Allemagne-Equateur — manière, au passage, de doser ce qui revient respectivement à la dimension nationale, et à la dimension strictement sportive dans le stress du spectateur.

En France, on ne connait évidemment pas l'impact qu'auront eu l'élégant penalty tiré par Zidane, puis son coup de tête à la vulgarité. Mais on peut supposer que ces évènements en tant que tels, ont encore rajouté au niveau moyen du stress subi durant le match. Dans l'étude allemande, c'est le jour du match contre l'Argentine, où la victoire s'est jouée sur un penalty, qu'a été relevé le plus grand nombre d'admissions. Or, une étude britannique, menée sur l'impact, en Grande-Bretagne, des matchs joués par les anglais durant la Coupe du Monde de 1998, ne retrouve de variation significative que le jour du match contre l'Argentine (déjà), où, cette fois, l'Argentine avait gagnée sur un penalty [2]. Tout se passe comme si certains spectateurs se maintenaient dans un état coronarien très limite, jusqu'à la faute dans la surface de réparation.


*hPa : hectopascals

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....